Depuis quelques années, le football algérien a perdu d’illustres représentants : des joueurs ou dirigeants des années 80, comme Khalef ou Mekhloufi. Abdelmadjid Bourebbou, membre de la sélection lors de la Coupe du monde 1982, a côtoyé ces personnalités. Il nous livre ses sentiments vis-à-vis de la disparition de ses anciens coéquipiers et sélectionneurs.
Il y a quatre ans, vous aviez donné une interview à LGDF. Depuis 2020, nous n’avons plus de vos nouvelles. Comment allez-vous depuis ce moment-là ?
Aujourd’hui, j’ai 74 ans. Grâce à Dieu, je me sens plutôt bien. Parfois, il y a des moments un peu durs, des petits rhumes, je ne fais pas trop attention à la météo. Mais grâce à Dieu, on est là. Al Hamdoulilah. Quelques petits soucis, mais rien de grave. Je suis toujours dans mon petit village de 1 500 habitants, entre Rouen et Le Havre. Je vis dans ma petite propriété, qui m’occupe la grande majorité de mon temps. J’ai souvent de la visite familiale, que ce soit mes enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants. Mais les discussions tournent sur d’autres sujets : ils ne s’intéressent pas au football et encore moins au football des années 80.
Depuis qu’on s’est eus au téléphone il y a quatre ans, le football algérien a perdu plusieurs de ses légendes. On peut citer Mehdi Cerbah, Faouzi Mansouri, ou dernièrement, Rachid Mekhloufi et Mehiddine Khalef. Qu’avez-vous ressenti quand vous avez appris leurs décès ?
Ce sont de grandes figures du football algérien, aussi bien lorsqu’ils étaient joueurs que dirigeants ou encadrants. Ces personnalités-là ont donné leur vie au sport algérien, encore plus pour Rachid Mekhloufi, avec l’équipe du FLN. Quand j’ai appris leurs décès, j’ai ressenti beaucoup de tristesse. Ce sont des personnes avec qui j’ai vécu pendant des mois. Ce sont de bonnes personnes que j’ai côtoyées au quotidien, pendant pratiquement un an. À cette époque-là, j’ai eu des relations professionnelles avec Khalef et Mekhloufi. Des relations joueur-dirigeant. Dommage qu’il n’y a pas eu plus que ça.
J’avais un grand respect pour le joueur qu’était Mekhloufi, puisqu’il était une star dans le championnat de France, à la grande époque de Saint-Étienne. Ce n’était pas n’importe qui. C’était une personne qui a donné de la valeur au footballeur algérien.
Quant à Monsieur Khalef, il était un grand entraîneur et un grand monsieur. Avec ses idées, il a fait énormément pour faire évoluer le football algérien. Il a su tirer le meilleur des joueurs en sélectionnant les meilleurs profils. Dommage qu’il y a eu cette embuscade autrichienne-allemande…
” Parce que je suis Chaoui ? “
Avec Khalef, vous avez eu quand même une histoire particulière. Il vous a coaché en 1982, lors du Mondial espagnol, et contre le Chili, il vous a sorti au bout de 30 minutes de jeu…
(Il coupe) … On m’a remplacé au bout de 32 ou 33 minutes de jeu. Effectivement, je ne comprenais pas, mais je suis professionnel et un simple exécutant, donc j’ai obéi, je suis sorti. Je n’ai pas cherché à faire d’histoires. Avec le temps qui est passé, j’ai voulu avoir des explications, mais je n’en ai jamais eues. Beaucoup de monde a parlé à ma place. Après cela, certains sont venus me dire que j’étais sorti parce que je n’étais pas Algérois, mais Chaoui, ou encore pour d’autres raisons. On ne saura jamais la vérité et peu importe. Paix à leurs âmes et qu’ils reposent en paix. Je n’ai pas envie d’en rajouter plus que ça.
Et avec Mekhloufi ?
On m’a dit que l’instigateur de mon remplacement était Mekhloufi. Mais encore, ce sont des « on dit… ». Je n’ai aucune preuve. Je n’ai pas envie d’en rajouter. On m’a élevé à la mode Chaoui et on m’a toujours dit : « Quand tu ne sais pas d’où vient le vent, il n’est pas nécessaire de mettre les voiles. » Je n’ai aucune envie de polémiquer. J’avais de très bons rapports avec Mehiddine Khalef, un peu moins avec Rachid Mekhloufi, car il était moins en contact avec nous, les joueurs. On était au contact du staff, qui était Khalef et Saâdane, c’est tout.
Même si je trouvais qu’il y avait trop de monde sur le banc. Tous donnaient trop leurs avis à Khalef. Cela perturbait sûrement les prises de décision de ce dernier. Moi, il m’a sorti. Est-ce que c’était tout simplement sa décision ou bien sur les conseils des autres membres du staff ? Cela, je ne le sais pas. C’est bien dommage, car j’étais bien dans le match et performant. Si j’étais resté sur le terrain, on aurait pu peut-être passer au deuxième tour.
Depuis ce temps, est-ce que vous avez revu certains de vos coéquipiers des années 80 ? Est-ce que vous vous côtoyez de temps en temps ?
En 2011, j’ai effectué mon jubilé dans ma ville natale d’Arris, près de Batna. Ali Fergani avait effectué un travail énorme pour essayer de faire venir des joueurs de cette époque-là. Mustapha Kouici, Lakhdar Belloumi et bien d’autres encore étaient venus. Je les en remercie. Mais depuis, il n’y a presque plus rien. De temps en temps, j’ai des nouvelles de Djadaoui ou Kourichi par message. J’ai perdu de vue le reste de la troupe.
J’ai toujours dit que j’étais disponible pour des réunions, des matchs de gala ou pour aider des associations. Mais c’est bien dommage.
” Paix à leurs âmes “
Donc les décès de Cerbah et de Mansouri, vous les avez appris dans la presse ?
Effectivement, je les ai lus dans la presse. Je n’ai eu aucun message de responsables, d’anciens coéquipiers ou de l’association des anciens joueurs. Je connaissais un peu plus Mansouri, car on s’est côtoyés sur les terrains du championnat de France.
Le gardien de but, Mehdi Cerbah, je le connaissais moins. Mais cela ne m’a pas empêché de leur envoyer, à tous, mes messages de condoléances. Paix à leurs âmes. Ce sont des personnes qui ont du mérite par rapport à tout ce qu’elles ont fait pour la sélection. Allah Yerhamhoum.
” Le football d’aujourd’hui est trop fade “
Que ressentez-vous en voyant l’équipe nationale d’aujourd’hui ?
De vous à moi, je ne regarde plus le football à la télé aujourd’hui. Je le trouve trop stéréotypé, trop fade. Il n’y a aucune émotion qui s’en dégage. Malgré tout, j’essaie de me tenir informé de ce qui se passe pour l’équipe nationale algérienne. Quand il y a des matchs pour la Coupe d’Afrique ou bien les éliminatoires de la Coupe du monde, je regarde les résultats, le classement. Quand il y a de bons résultats, je suis très content. Mais je m’informe seulement par la presse, je ne regarde pas les matchs.
Merci Monsieur Bourebbou pour cette interview. Si vous avez un dernier message pour les jeunes footballeurs d’aujourd’hui, quel serait ce message ?
Le message est simple : il faut toujours persévérer. Il ne faut pas baisser les bras et toujours persévérer. À mon époque, nous faisions beaucoup de kilomètres à pied pour aller jouer dans notre club. Quand vous avez un but précis dans la vie, il ne faut pas se décourager et continuer à travailler pour l’atteindre. Toujours insister et ne pas baisser les bras.