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Ammi Ahmed, le policier qui savait parler aux Ultras

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Le 27 décembre dernier, nous quittait à jamais Ahmed Boussouf plus connu sous le surnom affectueux de Ammi Ahmed. Il avait presque 78 ans dont une grande partie consacrée à la sécurité dans les stades. Alors que la violence atteint un niveau extrême ces derniers temps entre la Police et les supporters, La Gazette du Fennec vous raconte l’histoire d’un policier hors du commun qui comprenait cette jeunesse…

Pour les Algérois qui fréquentaient les stades de foot dans les années 80 et 90, Ammi Ahmed c’était « Monsieur sécurité », au moment où l’Algérie du multipartisme bouillonnait partout. Sa stratégie était simple : parler aux gens même les plus radicaux et ça marchait à merveille.

En 1966, il a arbitré le plus chaud derby du Sud

Né en 1938 à Tighennif dans l’ouest algérien au sein d’une famille de Révolutionnaires (deux de ses frères aînés font partie des disparus de la guerre d’Algérie), Ahmed Boussouf n’a pas hésité à rejoindre le corps de la Police dès le recouvrement de l’indépendance en 1962. Après un passage à l’école de police de Bel-Abbès, il a été promu brigadier et envoyé à Touggourt où il aura à faire face au premier match électrique de sa carrière. On est en 1966 et le stade municipal de Touggourt abritait deux fois par an le match le plus chaud du sud entre les habitants de souche de la ville et les gens venus du nord s’installer dans la belle oasis saharienne. La légende dit que jamais ce derby n’était allé au bout des 90 minutes. Ammi Ahmed qui avait passé un stage d’arbitre à la ligue de l’Oranie et qui était très respecté par les gens de Touggourt, avait été sollicité par le wali en personne pour arbitrer ce match. Pour la première fois, le derby de Touggourt est allé à son terme.

Au lendemain des émeutes d’octobre, il décide d’une minute de silence

Après Touggourt, Ammi Ahmed est muté à Oran où il assurera l’organisation de tous les matchs phares du stade Zabana acquérant une grande expérience dans le domaine. Vinrent les années 80 et leur lot d’incertitude. Durant les journées qui ont suivi les émeutes du 5 octobre, Ammi Ahmed était au four et au moulin et pas seulement dans les stades. Pourtant, c’est dans un stade de football qu’il avait été confronté au plus grand dilemme de sa carrière. L’USM Alger recevait le RC Relizane à Bologhine quelques jours après le massacre d’une centaine de citoyens à Bab El Oued. Une heure avant le coup d’envoi, le stade était plein à craquer et entonnait le fameux Bab El Oued chouhada (Ndlr. Bab El Oued les martyrs). Yacine Bentalaâ, le gardien de but usmiste, aujourd’hui entraîneur d’Al Wasl aux Emirats, s’avance vers l’arbitre pour lui demander d’observer une minute de silence. Ni la ligue ni la fédération, encore moins les autorités n’avaient prévu ça. L’arbitre qui ne savait pas quoi faire s’en est remis à Ammi Ahmed qui donna son OK sans la moindre hésitation. « Faites 20 secondes, trente secondes, mais calmez ces gens, on a besoin de l’autorisation de personne !», lui a-t-il dit.

Lui, c’était la carotte plutôt que le bâton

Ahmed Boussouf avait compris avant tout le monde qu’avec les Algériens, la bastonnade ne servait pas à grand chose. Il a donc choisi de parler avec les supporters même les plus virulents. Il a été le premier à autoriser les Chnaoua à entrer au stade avec des drapeaux italiens qui représentaient aussi les couleurs de leur club. Dans les années 80, déployer un drapeau d’un autre pays était un crime de lèse-majesté, mais Ammi Ahmed savait que les supporters qui dépensaient de grosses sommes pour acquérir ces drapeaux n’avaient qu’une seule idée en tête : exprimer leur fierté d’appartenir au Mouloudia. Avec les Usmistes par contre, c’était une vraie communion. Aux cris de Mawtini litali (Ndlr. Ma patrie c’est l’Italie), il répondait par un geste fort éloquent en touchant le gazon pour ensuite embrasser sa main. Histoire de leur dire qu’il faut être fier de votre pays et que vous n’avez pas d’autre patrie que l’Algérie. Souvent et par ce simple geste, on passait de Mawtini litali à Tahya Djazair. (voir vidéo).

Il est connu dans toute l’Algérie grâce aux supporters

S’il est connu dans tout le pays, Ammi Ahmed le devait aux supporters qui ont appris à le respecter. Grâce à lui, ils ont surtout appris qu’un policier c’est d’abord un citoyen comme eux qui les comprenaient, mais les recadraient aussi comme il le fait avec ses propres enfants. Malheureusement, aujourd’hui et avec la violence qui caractérise les matchs de foot, on a plus que jamais besoin d’officiers qui, avant d’utiliser le bâton, sachent d’abord écouter les supporters. Ammi Ahmed le faisait si bien et c’est pour cela que vous êtes en train de lire cet hommage pour lui.

Mohamed Nacef, La Gazette du Fennec

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