Le sélectionneur national Djamel Belmadi a rendu un hommage poignant à la fameuse équipe du FLN (Front de libération nationale) dans un entretien passionnant accordé au journal Botola de notre confrère Nazim Bessol. Admiratif et très respectueux envers ses glorieux ainés qui ont marqué l’Histoire, le sélectionneur des Verts a expliqué comment il réussi à motiver ses propres joueurs en leur inculquant les valeurs prônées par les joueurs emblématiques qu’étaient Mustapha Zitouni, Amar Rouaï et autre Rachid Mekhloufi. Morceaux choisis.
« Avant ma prise de fonction, j’avais, entre guillemets, diagnostiqués comme problème en vigueur et donc à résoudre, ce côté historique. Pas spécialement pour cette équipe ou le groupe, mais plutôt sur toute la période où j’ai connu l’Équipe Nationale et par la suite, tout son itinéraire grâce aux informations que j’ai pu recueillir. (…) J’étais convaincu que le commencement ne pouvait se faire qu’avec cette génération [l’équipe du FLN]. Ce sont ces hommes avec un grand ‘H’ qui ont pris leur destin entre leurs mains. Ils ont réalisé une action absolument héroïque qui, de nos jours, nous parle presque comme un roman. Une histoire très ancienne marquée du sceau du patriotisme, de l’audace et de la générosité. Malheureusement, cette histoire contraste avec ce qu’est devenue notre Algérie », a déclaré Djamel Belmadi dans cet entretien publié ce lundi 13 avril, date anniversaire de la création de cette glorieuse équipe en 1958 en pleine guerre d’Algérie.
« Ils se sont sacrifiés sans trop réfléchir. Pour moi, ce sont des hommes avec un grand H !»
Pour l’ancien capitaine des Verts, les joueurs de cette équipe de la Révolution sont tout simplement des héros et des exemples à suivre pour tout joueur qui s’engage en Équipe nationale. « Je connaissais, plus au moins, l’histoire de cette équipe du FLN et en la racontant aux joueurs, j’ai découvert certaines choses qui m’ont donné encore plus d’admiration envers ces hommes-là. Pour moi, ce sont de véritables héros, comme il en existe peu dans ce monde contemporain, ou dans l’histoire. Ils ont réalisé quelque chose de grand à travers le sport. Ils se sont sacrifiés sans trop réfléchir, ou plutôt en réfléchissant, en réfléchissant beaucoup d’ailleurs, parce que lorsque je vois comment ils se sont enfuis de France, ça me rappelle un film que je vous conseille et à vos lecteurs, un film que j’aime beaucoup ‘la Grande évasion’ » a-t-il expliqué. «Il m’est apparu donc, incontournable de démarrer avec le groupe par le commencement en expliquant ce qu’est l’Algérie. Ce que ces footballeurs professionnels ont réalisé pour que nous soyons aujourd’hui confortablement installés, à Sidi Moussa, tranquillement, pour préparer des matchs et jouer avec cet écusson, cet étendard, le drapeau qui est le nôtre et notre hymne national. Tout cela qui montre bien le chemin parcouru et que des générations entières ne peuvent oublier », a-t-il ajouté.
“Dès la première prise de contact avec les joueurs, on s’est totalement mais totalement inspiré de cette équipe du FLN”
Connu pour son sens élevé du patriotisme, Djamel Belmadi a déclaré qu’il a, dès sa prise de fonction, sensibilisé les joueurs sur l’histoire fabuleuse de cette équipe du FLN qu’il a “utilisé” en exemple. “C’était le 8 septembre 2018, lors de la première prise de contact avec les joueurs. Après le dîner, on a assisté à un reportage «spécial équipe du FLN», nos libérateurs, version football. Et évidemment on s’en est totalement mais totalement inspiré. L’idée était de créer cette interrogation : Que penser ? Voilà des gens qui sacrifient tout pour un idéal. Ils se sont éloignés ou coupés de leur famille, femme, enfants… Ils tout abandonné, travail, maisons et biens … tout absolument tout, pour que nous puissions être libres, indépendants et qu’on puisse être aujourd’hui dans notre pays ses mauvais côtés. Mais ça reste notre pays. Donc s’en inspirer était indispensable et incontournable”.
“Les réactions des joueurs étaient multiples… il y avait des larmes, des gorges nouées. Pour moi, ce fut un déclic”
Selon le sélectionneur algérien, le message a été parfaitement reçu par les coéquipiers de Riyad Mahrez. “On avait décelé chez les joueurs et c’était à mes yeux un des principaux problèmes : un investissement à géométrie variable. Un point sur lequel il fallait insister à mon sens. Leurs réactions étaient multiples, mais tous découvraient la fabuleuse histoire de l’équipe du FLN. Il y avait des larmes… A la fin de ce reportage, il y a eu une forme de silence. On attendait des réactions, mais on sentait qu’il y avait une sorte de pudeur. Il y avait évidemment des gorges nouées !” a expliqué Belmadi avant de poursuivre. “Pour moi, ce fut un déclic. Il fallait faire une petite synthèse, parce que le reportage avait tout dit et chaque mot en plus n’aurait été qu’un rajout. Le lendemain nous avons eu accès au travail sur leur investissement : le rapport à l’Algérie, à l’équipe nationale. Sur le fait que ce serait trahir nos aînés qui se sont tellement sacrifiés, que de ne pas se donner à 100%. La majorité a compris, mais certains ont été un peu moins sensibles. Pour moi, ces joueurs avaient un problème avec leurs cœurs. Si à partir de ce reportage, on n’est pas pleinement touché, pleinement concerné, pleinement motivé, c’est qu’il y a un vrai souci avec la compréhension de ce qui est l’Équipe Nationale algérienne“.
“Nous essayons juste d’être les dignes héritiers de leur mémoire et de leur histoire”
Interrogé sur les similitudes entre la génération de 1958 et celle de ses joueurs sacrés en Égypte en 2019, Djamel Belmadi a insisté sur les valeurs communes. “Avril 1958 a été notre top départ et nous avons construit autour de cette date. Pour ce qui est des similitudes entre ces deux équipes, je dirais que nous avons essayé de mettre en place les valeurs, telles que la motivation, la combativité, l’investissement de groupe, l’unité, la famille … Un peu similaire à ce que nos aînés ont connu en se regroupant à Tunis. Des valeurs sur lesquelles nous avons énormément misé. Dire que durant la CAN nous en avons parlé, serait mentir, tout a été fait au début avec des rappels, lorsque le besoin se faisait sentir“.
Pour conclure, le sélectionneur emblématique des Verts a rendu un vibrant hommage à ces pionniers du football algérien qui méritent un respect éternel. « Ils ont tous la même importance, parce qu’ils ont tous le même degré d’investissement. Nous leur souhaitons longue vie à ceux qui sont de ce monde-là et ceux qui sont morts, on dit Allah Yerhamhoum et puisse Dieu les accepter dans Son vaste Paradis. J’espère enfin que notre gouvernement ne pensera jamais faire assez en les honorant. En ce qui nous concerne, nous essayons juste d’être les dignes héritiers de leur mémoire et de leur histoire. C’est ce que je ressens et ce que j’essaye de partager avec les joueurs », a conclu l’entraineur des Champions d’Afrique 2019.