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Entretien Exclusif

Boxe/Mohamed Allalou : « Imane Khelif est une médaille sûre »

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Mohamed Allalou

Qui de mieux indiqué qu’un médaillé olympique en boxe pour nous parler de la santé de la discipline et ses chances aux Olympiades de Paris 2024 (26 juillet – 11 août). Mohamed Allalou a accroché le bronze aux JO 2000 à Sydney 2000. Vingt-quatre ans plus tard, il se rappelle, au micro de La Gazette du Fennec, des émotions que cette consécration lui a procurées. Il nous parle aussi du noble art avec son œil expérimenté et le sport algérien en général.

LGDF : Mohamed Allalou, bonjour. Pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas, vous êtes le dernier médaillé algérien en boxe aux Jeux Olympiques. Vous aviez remporté le bronze à Sydney en 2000 en perdant, en demi-finale, malheureusement face à l’Ouzbek Abdoollayev, sacré plus tard chez les Superlégers. Quel souvenir gardez-vous de cette aventure ? 

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Je vous salue. Ce souvenir, c’était une joie qu’on ne peut pas raconter. Il faut vivre ce moment-là. Le moment, c’était vraiment exceptionnel. Surtout une médaille en fin de carrière. J’ai bien travaillé pendant huit ans, et -finalement- j’ai eu cette médaille.

Il faut souffrir pour gagner une médaille olympique ? 

Bien sûr. Dans toutes les disciplines. Le sport, c’est vrai, c’est bien pour le corps humain. Mais c’est une souffrance aussi. Si quelqu’un veut gagner une médaille olympique, il faut qu’il travaille dur et sérieusement.

Justement, la boxe est la deuxième discipline pourvoyeuse de médailles pour l’Algérie avec six médailles après l’athlétisme bien sûr qui en a remportées neuf. Mais, comme dans plusieurs sports, il y a un net recul dans le noble art algérien. D’après vous, à quoi est due cette régression ? 

Je pense qu’il y a plusieurs facteurs. Déjà, quand on parle des athlètes de nos jours, peut-être qu’ils ne sont pas vraiment conscients. Parce qu’auparavant, on n’avait pas beaucoup de moyens. Mais on savait ce qu’on faisait. Parce que le sport, ce n’est pas de la rigolade. Il faut que tu travailles dur et sérieusement. Et, de nos jours, tu trouves des fois des jeunes boxeurs qui viennent en salle. Parfois, tu sens qu’ils sont là juste pour te faire plaisir. C’est le premier facteur de cette régression. Il faut donner de l’importance pour ce sport.

« En quatre ans, on a changé quatre présidents de fédération… »

Justement, en parlant des moyens, on va parler de la Fédération algérienne de boxe qui connaît plusieurs problèmes de gestion ces dernières années. Cela a certainement empêché la mise en place d’une politique fiable et durable qui permette de mettre en valeur un potentiel pugilistique indéniable en Algérie. Quel est le fond du problème d’après vous ? 

Je dirais aussi qu’il y a un autre facteur, c’est l’instabilité de la Fédération. En quatre ans, on a changé quatre présidents. C’est un facteur aussi de régression. Il faut une stabilité dans la Fédération. Il faut aussi des moyens énormes et immenses pour se préparer. Parfois, nos boxeurs ont des difficultés à se préparer.

Dites-nous, ne pensez-vous que des mecs qui ont brillé à l’international comme vous devraient avoir un rôle à jouer dans ces instances? Un rôle plus concret ? Vous êtes entraîneur national, mais peut-être faire appel à d’autres compétences pour mettre en place des plans de préparation ou des choses comme ça ? 

Bien sûr. Surtout des gens qui ont brillé dans la boxe et qui ont laissé une trace, il faut qu’ils soient dans le staff. Ce n’est pas moi mais la politique du sport qui dit ça. Il faut toujours avoir un modèle dans n’importe quelle discipline. Un modèle qui a brillé, qui a amené des résultats, qui sera un modèle pour les autres athlètes.

Vous avez connu des boxeurs de plus près. Quels sont, selon vous, les quelques noms qui pourraient contribuer dans cette politique de préparation des athlètes et d’entraînement ou de planification ? 

Il y a plusieurs boxeurs. Surtout, ces dernières années. Il y a des boxeurs qui ont fait des études, qui ont fait l’équipe nationale, qui ont brillé dans l’équipe nationale. Ils ont fait des études en plus. Ils peuvent donner un plus pour l’équipe nationale. Il faut faire appel à ces gens-là aussi. Je ne vais pas donner de noms mais il y a plusieurs boxeurs. Il faut juste les appeler, les solliciter et leur donner une chance.

« Soltani était vraiment un grand monsieur »

Un détail nous interpelle. Hocine Soltani, médaillé d’or aux Jeux Olympiques en boxe, est natif de la ville de Boumerdès. Vous êtes aussi né à Thénia. Est-ce qu’il a été une inspiration pour vous ? 

Je corrige ça parce qu’ils ont mis que je suis né à Thénia. Non, je suis un enfant de Palestro, Lakhdaria. Je suis né là-bas et j’ai grandi là-bas. C’est une faute de frappe ou faute du journaliste qui a mis ça. Mais je suis un enfant de Palestro. J’ai grandi là-bas. J’ai commencé la boxe là-bas.

Cela n’enlève rien au fait que peut-être Hocine Soltani a été une véritable inspiration pour vous...

Oui, exactement. Hocine, c’était ma génération. Il est né en 1972. Moi, je suis né en 1973. On était dans la même période de l’équipe nationale. Mais Soltani était vraiment un grand monsieur. D‘ailleurs, c’est le seul qui a ramené deux médailles olympiques (bronze à Barcelone 1992 et or à Atlanta 1996, NDRL). Il a eu plusieurs médailles mondiales, olympiques, africaines, arabes. Il a tout ramassé. Hocine, pour moi, c’est un grand monsieur. Il restera toujours.

« Les moyens seuls ne feront rien »

On va revenir à votre participation aux Jeux olympiques de Sydney. Dans cette édition, l’Algérie avait remporté cinq médailles. C’est à ce jour la plus grande moisson de l’Algérie. Nous avions remporté une médaille en or, une en argent et trois en bronze. Aviez-vous ressenti qu’il y avait une politique sportive qui commençait à se dessiner à cette époque ou ces résultats étaient juste une coïncidence ?

Je ne dirais pas une coïncidence parce qu’il y avait une petite politique. C’était l’époque de Berraf aussi. Il a beaucoup aidé le sport algérien. Il ne faut pas oublier ça. Aussi, il y avait autre chose : la volonté des athlètes. On n’avait pas les moyens qu’ils ont aujourd’hui mais il y avait une politique en soi de l’athlète. Et les athlètes étaient à fond la caisse.

Par exemple moi, je n’avais pas ces moyens-là mais je m’entraînais tout seul. Même quand je ne suis pas avec l’équipe nationale, je m’entraîne. J’étais vraiment à cheval pour l’entraînement. C’est ça la réussite. Il faut qu’on garde toujours la ligne. Il ne faut pas se baisser les bras même s’il n’y a pas de moyens. Les moyens seuls ne feront rien. Mais avec la volonté, on peut faire des miracles.

Après l’édition de Sydney, il y a eu l’édition d’Athènes qui a été catastrophique avec zéro médaille. Peut-être que certaines personnes n’étaient pas à leur place à la tête des instances sportives nationales à cette époque ? 

Peut-être. Je ne sais pas. Il faut des gens d’Algérie au niveau des instances internationales. Parce que dans le monde entier, il y a des gens qui travaillent pour leur pays. Malheureusement, on n’en a pas. Même ça, c’est un facteur aussi.

« On fait rentrer l’athlète dans les problèmes »

Aux JO, il y a beaucoup d’aspects qui peuvent être déterminants. On parle des aspects technique, physique et psychologique. Quel est -selon vous- le plus déterminant des trois. Même si on doute qu’il faut être prêt à tous les niveaux pour ce genre de rendez-vous ? 

Je dirais l’aspect psychologique surtout. Si l’athlète est bien mentalement, bien reposé, n’a pas de problème, il peut réussir. Mais là, quand on voit les fédérations qui se battent avec tout le monde avec ces récurrents problèmes. Même l’athlète sera déstabilisé. Il ne peut pas travailler. Parce qu’à chaque fois, on implique l’athlète aussi. Il ne faut pas impliquer l’athlète. Si tu as des problèmes internes avec ta fédération ou avec le ministère, il ne faut pas impliquer les athlètes. Mais maintenant, on voit toujours les athlètes qui réclament. Là où il y a un problème, ils font rentrer l’athlète dans le problème. C’est ça qui freine l’athlète.

Aux JO de Paris, il y aura cinq boxeurs, deux hommes et trois femmes. Imane Khelif, c’est une véritable chance de médaille. En tant qu’ancienne médaillé olympique, quels conseils donneriez-vous à Imane Khelif ? 

Imane Khelif est une grande championne. Je l’encourage toujours. Elle sait ce qu’elle fait et s’entraîne durement tout au long de l’année. Je pense qu’elle est prête pour nous ramener une médaille. Je dirais qu’Imane Khelif est une médaille sûre. Et c’est elle seule qui décidera de la couleur.

« Taoufik Makhloufi, c’est le top du top »

Mohamed Allalou, une autre question sur les athlètes de boxe algériens qui vont prendre part aux JO de Paris. Il y en a cinq, quelles sont les chances selon vous de chaque athlète ? Si vous pouvez nous faire un petit pronostic ou un petit pari sur les chances des athlètes à Paris. 

On commence par le poids lourd, c’est Mourad Kadi. Il a vraiment une chance parce qu’il va boxer en huitième de finale. S’il gagne deux combats, il est médaillable. Il faut qu’il mette tout le paquet pour passer les deux combats. Mais ça reste que les catégories de poids lourds. C’est très dur et c’est très fort. J’espère qu’aujourd’hui il sera prêt.

Après, il y a l’autre boxeur super léger, Ait-Bekka. Il a de grandes qualités. C’est un boxeur complet. D’ailleurs, il est qualifié en Afrique par une médaille d’or. Il est le meilleur de cette catégorie. Il a du potentiel. Mais il faut voir le tirage. En ce moment, il va commencer au 32ème. Il faut qu’il gagne quatre combats pour arriver à la médaille. Je serai avec eux. Je vais les encourager. Ma présence sera peut-être un plus pour eux. On a toujours des chances. Surtout en boxe pour amener des médailles.

On rappelle aux lecteurs et aux auditeurs que vous êtes l’entraîneur de l’équipe nationale masculine.

Voilà, je suis l’entraîneur d’équipe masculine. Les filles, il y a l’entraîneur qui peut parler. C’est bien Kenzi Abdelghani, c’est leur entraîneur. Mais je peux dire qu’il y a quelques potentiels. Surtout, on a dit Imane Khelif, sûrement qu’elle va ramener une médaille. Ce qui reste, c’est qu’elle va choisir la couleur de cette médaille. Il y a aussi Khelif Hadjila même s’elle n’a pas vraiment une grande expérience dans cette catégorie. Mais j’espère qu’elle va faire une bonne prestation. Il la dernière, c’est Roumaysa Boualam. Je dirais que si elle tombe sur un bon tirage, elle peut peut-être ramener une médaille, pourquoi pas.

Une dernière question, selon vous, quel est le plus grand sportif algérien de tous les temps, au JO ?

Aux JO, si on parle de médailles, (Taoufik) Makhloufi, c’est le top du top. Il a ramené trois médailles. Après, je dirais aussi Hocine Soltani qui a ramené deux médailles. Il vient en deuxième position.

« L’arbitrage a toujours été un problème »

Et si on vous demandait de compléter le top 3…

Si on ne parle pas uniquement de jeux olympique et on parle de sport en général, je pense que Noureddine Morceli vraiment marqué toute sa carrière. C’était vraiment un athlète complet. Il a tout ramassé pendant toute sa carrière et il restera toujours un grand champion pour moi.

Il y a un sujet qui fait souvent problème en boxe, c’est l’arbitrage. Certains ont été lésés par moment par l’arbitrage. Que pensez-vous de ce paramètre-là ? Surtout que les combats vont se dérouler en France, il y aura une certaine sensibilité par rapport à l’Algérie.

C’est vrai, l’arbitrage a toujours été un problème. Pas uniquement pour nous mais pour tout le monde. Mais je pense que les juges olympiques vont se resserrer un peu. Parce qu’il y a tout le monde qui est là. Toutes les instances internationales sont là. Elles regardent. Mais quand même, il y a toujours quelques triches en coulisses d’arbitrage.

On espère qu’on ne va pas tomber dans cet engrenage. Merci Mohamed pour la disponibilité et pour votre humilité. 

Merci à vous.

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