Dans une entretien exclusif accordé à nos confrères de Onze Mondial, Yacine Brahimi s’est exprimé à cœur ouvert sur sa carrière et différents sujets concernant son actualité. Le magicien de Porto, qui file droit vers le sacre au Portugal, a également poussé un véritable coup de gueule sur le sempiternel débat pros-locaux qui divise le football algérien depuis de longues années.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien de Yacine Brahimi dans le prochain numéro de Onze Mondial. Voici quelques extraits de l’entretien réalisé à Porto.
Enfance
À l’école tu étais comment ?
Franchement, ça se passait bien. J’aimais bien aller à l’école. Jusqu’à mes 15 ans, je kiffais aller à l’école parce que j’étais avec potes, je pouvais jouer au foot. C’était des moments où on se retrouvait. Je suis arrivé jusqu’au bac filière STG. Je l’ai raté, mais sans prétention, je pense que j’aurais pu l’avoir. C’était dans une période où j’avais déjà commencé avec les pros, à l’époque de Guy Lacombe. J’avais entraînement au milieu de l’épreuve, par exemple à 15h30 alors que je passais un examen entre 14h et 18h. C’était compliqué, car j’avais fait le choix de privilégier le foot. Grâce à Dieu, ça a payé, mais par rapport à mes parents, surtout pour ma mère qui y tenait, ça restera en travers de ma gorge parce que je l’ai raté de peu.
Rennes
Pourquoi ça n’a pas marché à Rennes ?
La première année, ça s’est bien passé. La seconde, je revenais de blessure, je voulais jouer, j’étais impatient. Ça s’est mal passé avec certaines personnes du club. Je n’ai pas aimé leurs manières d’agir. J’ai des principes, du caractère, il y a des choses que je n’ai pas acceptées. La solution, c’était de partir de Rennes, il n’y avait aucune autre issue.
Grenade
Ensuite, tu as signé à Grenade. Pas trop difficile ce changement ?
Ça va te paraître bizarre, mais j’ai signé à Grenade le 31 août. Ça faisait un mois que j’étais avec la CFA, je ne m’entraînais plus avec les pros. Et à cette époque, l’agent avec lequel je travaillais m’a dit : « Tu as deux solutions : soit Grenade en prêt, soit Évian en prêt aussi. » Il n’y avait rien d’autre. Et pour être sincère, quand cette personne m’a dit qu’il y avait Grenade, je pensais que c’était une équipe espagnole de deuxième division. Je regarde le calendrier et je vois le prochain match contre le Real Madrid. Et je me suis dit : « En fait, c’est en Liga ». Je n’ai même pas cherché à comprendre. J’ai pris un vol, je suis arrivé là-bas et ça peut paraître fou, mais déjà, je me suis senti joueur professionnel. Parce que j’étais considéré par le club, parce que j’avais fait une présentation avec un maillot. C’est des choses que je n’avais jamais faites avant. Je me suis senti à l’aise de suite. L’Espagne, pour vivre, c’est extraordinaire. Ensuite, premier match face au Real Madrid, deuxième match à domicile, puis troisième match à Barcelone. C’était un rêve d’enfant qui se réalisait. Ça a été un immense changement dans ma carrière. C’est là où je me sentais joueur professionnel.
Porto
On a l’impression que Sergio Conceiçao est en train de te faire devenir un très grand joueur. Qu’en penses-tu ?
C’est quelqu’un qui ne mâche pas ses mots, il dit les choses directement et ça dès le début de saison. C’est un coach avec beaucoup de caractère, de personnalité. Il a redonné au groupe l’envie de gagner. On peut le voir à travers les matchs. Ça a été une très bonne chose pour Porto de recruter Sergio Conceiçao.
Style de jeu
On t’a souvent reproché de réaliser beaucoup de ronds points, de tourner sur toi-même. T’as réussi à gommer cette touche de trop ?
J’essaie. Je pense que je peux toujours progresser. On peut toujours s’améliorer. Dribbler c’est bien, dribbler efficacement c’est mieux. Cette année, j’arrive bien à le faire. Certains pensent parfois qu’on dribble par égoïsme ou parce qu’on ne veut pas passer la balle. Il y a beaucoup de fois où j’ai fait le mauvais choix, je ne suis pas le meilleur joueur du monde. Parfois je faute, parfois je devrais la donner un peu avant, parfois je devrais la donner en une touche. Ça, je suis d’accord. Mais, parfois, je le fais parce que je veux mettre mon coéquipier dans la meilleure position possible. Quand ça passe, c’est extraordinaire et quand ça ne passe pas, tu dribbles trop. Il n’y a pas de juste milieu, ça bascule d’un extrême à l’autre. Les gens ont toujours été exigeants envers moi, mais ils ne savent pas que je suis encore plus exigeant avec moi-même. Je suis perfectionniste. Quand je perds un ballon, ça me rend fou. Je regarde mes matchs, je cherche à m’améliorer. Égoïste, comme j’ai pu parfois l’entendre, jamais de la vie. Et en plus, dans la vie de tous les jours, je suis tout le contraire.
Personnalité
Ton entourage est décrié, on dit que trop de gens parlent en ton nom. Qu’est-ce que ça t’inspire ?
Vu que je ne laisse personne entrer dans ma vie privée, personne ne sait rien. J’ai ma sphère privée. Je peux avoir des potes, des amis, car je suis quelqu’un d’ouvert, mais je n’ai jamais laissé rentrer les gens. C’est vrai que je n’ai pas eu la chance d’avoir quelqu’un qui me suit depuis le début de ma carrière professionnelle. J’aurais kiffé, mais ce n’est pas de ma faute. Je ne vais pas me forcer à rester avec quelqu’un si ça ne passe plus. J’ai fait des erreurs dans mes choix, je les assume. Ça a peut-être causé la pagaille, mais aujourd’hui, c’est fini. Je n’ai pas 36 000 personnes qui parlent en mon nom, il n’y a plus qu’une seule personne. Moussa Sissoko gère désormais mes intérêts.
Algérie
Quel est ton regard sur le débat locaux-binationaux ?
Franchement, pour moi, il n’y a pas de différences. Les gens qui parlent de locaux, de pros, d’étrangers, c’est n’importe quoi. Ça ne veut rien dire. Et ça me rend fou quand j’entends ça parce qu’on joue pour le même pays : l’Algérie. On représente le même pays, on est là pour le même objectif donc les gens qui parlent de locaux, d’Européens, d’immigrés mais… pffffff, ça n’a aucun sens. Pour moi, c’est une honte de parler comme ça (il répète). Pour moi, on est une équipe, on est des Algériens, celui qui joue pour l’Algérie, c’est qu’il est Algérien (il tape dans ses mains) et stoppe, ça s’arrête là. Il n’y a pas de différences.
Conclusion
Comment vois-tu la suite de ta carrière ?
Je ne veux pas me l’imaginer parce que j’ai toujours fait ça et voilà, non. Je me concentre uniquement sur mon présent parce que mon présent va construire mon futur. Mon futur ne va pas construire mon présent. Si je pense à mon futur, aujourd’hui, je vais me disperser à droite à gauche. Je veux bien faire les choses pour justement me permette d’être bien dans le futur.
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