Le hasard a voulu que notre présence à Valence pour les besoins d’une interview avec Feghouli a coïncidé avec la présence de Carl Medjani dans la même ville pour signer à Levante. Mieux, on a pris nos quartiers au NH Artes Hotel, le même où Medjani avait été installé. A notre arrivée à la réception vers 23h, l’international algérien était étalé sur un fauteuil avec l’une de ses connaissances. La tête cachée par un bonnet en laine qui le protégeait des nuits fraîches de Valence, jogging gris et baskets rouges, Medjani, d’abord surpris, nous a salués chaleureusement. L’occasion était trop belle pour faire quelque chose de consistant avec lui. Professionnel dans l’âme, Medjani nous demandera d’attendre la présentation officielle aux médias de Valence pour nous ouvrir son cœur et évoquer paisiblement tous les sujets du moment notamment le dossier épineux des bi-nationaux. Ancien capitaine en Equipe de France de jeunes, né d’une mère française, il porte aujourd’hui avec tellement de fierté le maillot algérien et il nous explique pourquoi. Un témoignage passionnant accordé à La Gazette !
Rendez-vous a été pris le lendemain à l’hôtel après une prise de sang, un entraînement intensif et la présentation d’usage à la presse. Avant l’interview réalisée dans un jardin pour enfants mitoyen de l’hôtel, Medjani nous invite à manger à l’hôtel. C’était léger et diététique, un repas de sportif quoi ! La discussion était chaleureuse et fraternelle, mais le meilleur arrivera quelques minutes plus tard lorsque Medjani a accepté de s’installer sur une balançoire pour se laisser bercer par nos questions dont quelques unes, très personnelles, ne l’ont pas pour autant gêné. Il avait à cœur de dire au peuple algérien et une fois pour toute que son côté algérien a pris définitivement le dessus sur son côté français au grand dam de sa mère. Bon, on a aussi parlé football, un domaine où Medjani se sent comme un poisson dans l’eau. Le match peut commencer.
Medjani, ses premiers mots en Espagne en vidéo :
La Gazette du Fennec : Déjà merci Carl de nous avoir accueilli ici à Valence et félicitations pour avoir signé à Levante.
Merci à vous.
Pour dire la vérité, on t’attendait un peu partout sauf à Levante. Comment les choses se sont-elles passées ?
C’est vrai qu’il y a eu pas mal de bruit autour de ma situation. Ce n’était pas évident par rapport à mon club en Turquie où j’ai dû casser mon contrat pour des raisons financières. Je n’étais pas payé depuis plusieurs mois, donc j’ai bénéficié d’une loi FIFA qui dit qu’au bout de trois mois d’impayés, le joueur peut se retrouver libre. Et à partir de ce moment-là, pas mal de clubs ont fusé. On m’a annoncé dans pas mal de clubs, on m’a annoncé un petit peu à droite et à gauche. Bon, il y avait des choses qui étaient fondées et d’autres qui ne l’étaient pas. Ça s’est accéléré sur les dix derniers jours avec Levante et deux ou trois autres clubs aussi. Jusqu’au dernier moment ça a été un petit peu chaud, mais finalement le projet de venir en Espagne même si dans un club qui est aujourd’hui en difficulté et qui peut se maintenir, le projet de venir jouer en Espagne comme j’ai dit, en Liga, contre de gros joueurs a pris le dessus. J’ai donc saisi cette opportunité parce que je pense que je suis quelqu’un qui aime les challenges, qui aime aussi découvrir pas mal de choses en dehors du football. Au-delà de découvrir un nouveau football, je veux découvrir une nouvelle langue, une nouvelle culture, une nouvelle ville. C’est tout ça qui m’a amené aujourd’hui à Valence et dans le club de Levante.
Tu disais tout à l’heure que dans les informations qui sortaient à propos de ton avenir, il y avait du vrai mais aussi du faux. C’est donc l’occasion de nous dire où était le vrai ?
Déjà tout ce qui a été dit par rapport à la Turquie, Galatasaray, Fenerbahce, Besiktas et tout ça, c’était infondé. C’est des choses qui ne se font pas trop en Turquie, prendre les joueurs entre les grands clubs ça ne se fait pas, parce qu’il faut savoir que Trabzon est le quatrième plus grand club en Turquie. Après ce qui a été dit et mal expliqué, c’était ma situation par rapport à la FIFA. Je n’ai jamais été dans l’attente d’une validation de la FIFA, j’étais simplement un joueur libre, il y a un dossier FIFA qui est en cours pour que je perçoive mes indemnités et mes salaires impayés depuis le début de la saison. Et là aujourd’hui, je me retrouve dans une situation où je suis un joueur libre. J’ai donc pu m’engager avec Levante même s’il me faut encore une autorisation pour pouvoir exercer pleinement mon métier. Donc, pour pouvoir me libérer entre guillemets, j’ai besoin de la validation de ma licence. Donc ça, ça peut prendre quelques heures si Trabzonspor coopère et valide ce transfert ou ça peut prendre quelques jours voire une ou deux semaines siTrabzonspor fait la grimace un petit peu et qu’on doit passer par une procédure un peu plus formelle avec la FIFA et le Tribunal arbitral des sports (Ndlr. Entretien réalisé avant la qualification de Medjani à Levante). Donc voilà, ça c’est des choses qui ont mal été expliquées. Bon, après aussi j’ai eu quelques contacts dans les pays du Golfe, la réflexion de pouvoir partir là-bas a été prise en compte aussi bien par moi-même que par mon entourage. J’ai eu aussi dans les dernières heures du mercato l’opportunité d’aller signer dans un club qui joue la montée en Premier League, un club de Championship en deuxième division en Angleterre. Mais, je suis un homme de parole, j’ai certaines valeurs et un honneur et quand je m’engage quelque part oralement, je ne reviens pas là-dessus. J’ai dit au président de Levante que je venais ici et c’est pour qu’on est tous là aujourd’hui.
« La situation de Levante ne me fait pas peur, j’ai connu pire dans ma carrière »
A Levante, tu vas découvrir une langue, une culture et une nouvelle ville, mais on peut dire que tu ne seras pas dépaysé avec la présence de Ghilas dans le même club que toi et de Feghouli dans la même ville. C’est une chance, non ?
C’est une grande chance. En sélection, on a beaucoup échangé et on échange beaucoup sur nos championnats respectifs. C’est une chance d’avoir Medhi Lacen qui est en Espagne depuis de nombreuses années, Sofiane Feghouli qui est ici, Nabil qui est dans le même club que moi. On a longuement échangé sur le football espagnol. J’ai eu aussi une discussion avant de signer avec le coach Gourcuff qui, on va dire, a validé mon choix de venir en Liga. Pour un joueur de foot, jouer dans un championnat aussi haut que le championnat espagnol est quelque chose de gratifiant. Regardez ce que fait Sofiane ! J’ai été présent à mon arrivée au match contre le Sporting de Gijón et on voit que ça respire le football. L’Espagne est un pays de football, donc je suis content d’être ici et de découvrir tout ce que vous m’avez dit, une nouvelle langue, une nouvelle culture et aussi un nouveau football.
Feghouli on l’a eu ce matin et il se propose d’ores et déjà d’être ton guide à Valence pour un moment mais pas dans le vestiaire…
(rire) C’est gentil. Je l’ai eu au téléphone quand je suis arrivé samedi, on a prévu d’aller manger ensemble là dans la semaine. Je sais qu’il sera là en cas de besoin et puis il pourra compter sur moi s’il a besoin de quoi que ce soit.
Quand on t’entend parler, on a l’impression que tout est rose, mais quand on voit la situation de Levante, c’est un peu plus compliqué. N’est-ce pas un choix risqué sachant que tu as déjà connu une rétrogradation par le passé ?
Oui et ce sont ces expériences-là qui me font un peu relativiser. Je suis déjà descendu, mais je me suis déjà sauvé à la dernière journée. Donc, aujourd’hui ce que je veux vivre avec Levante, je parle du classement, n’est pas du tout nouveau pour moi. Je connaissais le projet du club avant de signer, je connais le classement et la position de l’équipe aujourd’hui. Ce n’est pas quelque chose qui me fait peur. Moi, ce que je voulais c’était jouer, je voulais un club qui me fasse réellement confiance et qui compte vraiment sur moi et Levante a présenté toutes ces caractéristiques. Découvrir la Liga a pris aussi le dessus. Donc, je sais que j’ai quatre mois aujourd’hui pour pouvoir essayer de faire de bonnes choses personnellement. Et collectivement, essayer de donner le meilleur de nous-mêmes pour pouvoir laisser Levante en Liga la saison prochaine. Si on reste en Liga, j’aurai une année d’option en plus sur la saison prochaine et si on descend j’ai une clause sur mon contrat qui stipule que je serai libre. Donc voilà, c’est un challenge qui est difficile parce qu’on sait aujourd’hui que Levante est dans une situation délicate, mais ça ne me fait pas peur, au contraire je suis prêt à relever le challenge proposé.
« J’ai assisté à Valence – Gijón et j’ai tout de suite su qu’ici on respire le football »
Sincèrement, quand on vient au championnat d’Espagne, est-ce qu’on pense à sauver le club et atteindre ses objectifs ou aux grands joueurs et aux grosses équipes qu’on va affronter ?
Je suis arrivé il y a deux jours et je sais que dimanche il y a ce qui pourrait être mon premier match si j’arrive à trouver un accord avec Trabzon par rapport à ma licence, je pense que ce sera un peu difficile, c’est Barcelone. Dimanche mon équipe va jouer contre Barcelone (Ndlr. Entretien réalisé avant le match Levante – Barcelone). Dans un mois, il y a le Real Madrid à domicile. Donc voilà on se rapproche d’un très haut niveau et de ce qui se fait de mieux dans le football. Donc, c’est sûr qu’on y pense. Moi, je n’ai jamais joué contre Messi et le Barça, je n’ai jamais joué contre le Real Madrid. C’est vrai que ça fait partie aussi du choix de venir ici et de se dire que dans une vie de footballeur, jouer contre de grosses équipes comme ça c’est quelque chose d’enrichissant.
Tu commences à devenir un véritable globe-trotter puisque tu as déjà connu cinq pays différents. Quelle image gardes-tu de chaque pays mis à part l’Espagne puisque tu viens juste d’arriver ?
On garde tout. Aujourd’hui, la société et le monde font qu’on apprend tous les jours. Le football est un milieu assez fermé. C’est un milieu particulier où il est difficile de pouvoir prendre du plaisir dans tout ce que l’on peut faire c’est-à-dire dans la vie de tous les jours parce qu’on a des contraintes, il y a des temps de repos à respecter pour être le plus en forme possible. On a aussi la crainte des sollicitations des gens qui gravitent autour de nous. Et le fait de pouvoir partir à l’étranger, de découvrir de nouvelles choses justement nous fait sortir de ce cocon fermé qui est le football et de découvrir des pays, des langues, des cultures, de nouveaux footballs, une nouvelle adaptation aux entraînements, aux matchs, aux championnats. Je peux vous dire que je ne suis plus le même homme que j’étais il y a dix ans de par ces expériences-là, de pas aussi mes expériences personnelles de tous les jours. Tout cela est indéniablement lié avec le fait que j’ai vécu dans des pays différents. Aujourd’hui, c’est quelque chose pour moi de super enrichissantqui a fait l’homme que je suis aujourd’hui.
« Je ne réclame rien, mais je suis plus utile comme milieu que comme défenseur »
A Levante, on parle de toi comme arrière central, mais aussi comme défenseur avancé. Dans quel poste, l’entraîneur compte-t-il t’utiliser et dans quel poste tu te sens le plus à l’aise ?
Je pense que le poste où je peux le plus apporter à mon équipe, ce serait devant la défense dans un système comme un 4-3-3, un 4-5-1, tout dépend comment on l’organise. Mais j’aime jouer en 6 devant la défense comme j’ai pu jouer durant les qualif’ de la Coupe du monde avec la sélection où pendant la Coupe du monde. Je pense personnellement que c’est là que je peux le mieux m’exprimer et où mes qualités sont les plus à même de servir une équipe. Après bon, je peux aussi jouer défenseur central, mon club le sait. Ils ont aussi un joueur qui entre guillemets a les mêmes qualités que moi et qui peut jouer dans les deux postes. Le coach a été clair avec moi, il m’a dit qu’il allait voir le meilleur amalgame pour l’équipe, le meilleur équilibre et qu’il déciderait sur ce qu’il verra à l’entraînement. Il est possible que je joue derrière comme il est possible que je joue au milieu aussi.
Est-ce que tu as un désir personnel de poursuivre ta carrière à ce poste-là ?
Bon, ma façon de voir le foot est avant tout collective, c’est-à-dire que je vais regarder l’intérêt collectif avant de regarder mon intérêt personnel. Après, j’ai mon ressenti, j’ai ma façon de voir les choses, de voir le football et mon football. Au jour d’aujourd’hui, je dis que je suis meilleur en tant que milieu de terrain défensif plutôt que défenseur. Après, je sais aussi que je peux jouer et faire de bons matchs en tant que défenseur central, mais là où je pense être le meilleur pour l’équipe c’est au milieu. Après, chacun a ses affinités, chacun a sa vision du football.
Peut-on comprendre par-là que tu te portes candidat à prendre le poste de milieu de terrain ?
Je suis déjà candidat au poste de milieu de terrain depuis trois ou quatre ans, en sélection et en club. Des coaches m’ont déjà utilisé comme ça que ce soit à Ajaccio, en Turquie ou en Equipe nationale. Aujourd’hui je prends ça plus comme une chance que comme un inconvénient de donner la possibilité à mon coach de me mettre au milieu de terrain ou en défense.
Dès son arrivée en sélection Christian Gourcuff avait déclaré : ‘Carl Medjani je connais, c’est un défenseur central.’ Pourtant il t’a utilisé comme milieu de terrain…
On peut changer vous savez. Dans la vie et dans une équipe rien n’est figé. Moi, avant que le coach arrive, je connaissais sa vision du football parce que je l’ai eu en club (Ndlr: à Lorient) et je savais pertinemment qu’il allait m’utiliser en tant que défenseur central, mais il sait aussi que je peux dépanner au milieu du terrain et il a eu besoin de moi à ce poste-là dans les 30 dernières minutes du match en Tanzanie et sur le match retour à Blida. Je pense lui avoir donné satisfaction à ce poste-là. Il connait mes qualités, il connait mes défauts et je jouerai là où il le demandera.
Tu as joué dans cinq championnats, mais il te reste encore le championnat d’Italie, celui des défenseurs par excellence. Est-ce qu’il te reste encore du temps pour goûter au Calcio ?
J’espère. Aujourd’hui, j’ai 30 ans, je vais sur mes 31 ans. J’ai une bonne hygiène de vie, je suis sans prétention aucune, un bon professionnel. Je sais pourquoi je joue au football, je sais pourquoi on me paye pour jouer au football, j’essaye d’être le plus rigoureux possible dans ma vie de tous les jours pour pouvoir perdurer dans ma carrière. Donc, si j’ai l’opportunité de jouer en Italie, pourquoi pas ? Parce que je pense que pour un joueur défensif, quand on joue en Italie, ça reste quand même la référence surtout au niveau tactique.
« Levante m’a recruté parce que je mouille le maillot comme la tradition du club l’exige, ils savent que je suis un guerrier »
Levante, on n’en parle pas beaucoup, c’est une équipe de guerriers. Est-ce que tu le savais déjà et est-ce que ça n’a pas pesé au moment de faire ton choix sachant que c’est aussi ta qualité à toi ?
Bien sûr, totalement. Quand je suis arrivé ici, ça m’a fait penser un peu à mon club d’Ajaccio. C’est-à-dire un club sain, un petit club familial, mais où la parole et l’honneur c’est quelque chose de primordial. Quand j’ai négocié avec le président, on n’a pas eu besoin de dire et d’échanger cent mille fois pour tomber d’accord. Quand on donne une poignée de mains et pouvoir se tenir à ce qu’on avait échangé auparavant, c’est important pour moi. Oui, ils m’ont parlé de cette caractéristique-là, d’être un club où il faut mouiller la camiseta comme ils disent ici, mouiller le maillot. Ils savent pertinemment que ma principale qualité c’est celle-ci. Donc voilà, on fera tout pour faire honneur à cet aspect-là du football, à cet aspect-là de mon caractère. Aujourd’hui, j’ai un devoir aussi en tant que citoyen algérien et en tant qu’international algérien de porter haut et fort les couleurs de Levante parce que quand je joue sur le terrain quel que soit le pays où je joue, je représente aussi l’Algérie.
Votre choix de rester en Europe a-t-il un rapport avec l’équipe nationale et l’envie de faire une troisième Coupe du monde ?
Oui totalement parce que aujourd’hui l’Algérie m’a apporté énormément. Je pense que si j’avais un club à choisir qui m’a apporté le plus dans ma carrière, je mettrais l’équipe nationale parce que j’ai vécu des moments fantastiques avec l’équipe nationale que tout footballeur voudrait vivre. Et je sais que ce n’est pas fini encore. On a une génération dorée qui est en train de naître et l’équipe nationale m’a tellement apporté que j’ai envie de le lui rendre de la meilleure façon possible tout ce qu’elle m’a apporté. Et le plus longtemps possible.
« Je dis à ceux qui hésitent : aucune autre nation ne vous donnera la reconnaissance que peut vous donner l’Algérie »
Ce discours que tu tiens là, est-ce que tu es prêt à le faire à certains joueurs qui hésitent à rejoindre l’équipe nationale pour des raisons qui leur sont propres ? Je parle notamment de Benzia et d’Ounas.
Oui oui. Après, c’est une réflexion qui est personnelle j’ai envie de dire. Mais pour comprendre ce qu’est l’Equipe nationale, ce qu’est l’Algérie, ce qu’est un match avec l’Equipe nationale, je pense qu’il faut le vivre. La réflexion elle doit être normale parce que chacun fait entre guillemets ce qu’il veut et décide de ce qu’il a envie pour lui, pour sa carrière, en fonction de ses attentes et de son entourage. Mais, il y a une chose que l’Algérie donnera par-dessus tout à un joueur si le joueur fait ce qu’il faut sur le terrain c’est la reconnaissance. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que dans d’autres pays, et sans faire offense à la France, la reconnaissance que peut donner une nation comme l’Algérie sera donnée à ces joueurs par la France. On est beaucoup de franco-algériens à jouer en équipe nationale après avoir été formés en France, mais on sait ce qu’on doit aujourd’hui à l’Equipe nationale et moi j’encourage tous ceux qui sont hésitants à nous rejoindre parce qu’ils rejoignent une famille, ils rejoignent une communauté, ils rejoignent 40 millions de fans qui vivent tous les jours pour le football et pour les couleurs de l’Algérie.
« Je m’appelle Carl, ma mère est française, mais je mouille le maillot pour l’Algérie…Ma plus grande victoire c’est d’avoir gagné le respect du peuple algérien malgré ma mixité »
Depuis que tu as rejoint l’équipe nationale, qu’est-ce qui a changé dans ta vie ?
Ce qui a changé déjà c’est l’humain, l’homme que je suis aujourd’hui. Partout où je vais, partout où je pars en vacances, partout où je m’exprime dans les médias et tout ça, j’ai un devoir d’exemple parce que aujourd’hui je suis un Algérien et je suis un international algérien. Ça c’est une première chose. Dans la société actuelle malheureusement, les musulmans, les maghrébins on n’a pas une bonne image. Et je pense qu’on a un devoir au quotidien, nous, de faire voir aux autres que nous sommes des gens éduqués, que nous sommes des gens disciplinés, que nous sommes des gens cultivés et que nous aussi on peut réussir dans n’importe quel domaine qu’il soit.D’autre part, l’équipe nationale a changé beaucoup de choses dans ma façon de vivre, dans ma façon d’être parce que j’ai pu découvrir mon pays, j’ai pu découvrir ses coutumes, ses traditions, son éducation, son rapport à la société et au sport. Et ça a complètement changé ma vision des choses au quotidien. Aujourd’hui, je suis patriote, beaucoup plus que je ne l’étais avant. Moi, j’ai vécu avec cette double culture d’être français et algérien, mais aujourd’hui mon côté algérien prend le dessus sur mon côté français. Beaucoup peuvent ne pas comprendre ce sentiment, cette fierté que j’ai, mais ça ne s’explique pas, ça se vit au quotidien, ça se vit tous les jours. Et Dieu sait que quand je suis arrivé en Algérie, on m’a posé beaucoup de questions par rapport à ma mère, par rapport à mon prénom, par rapport au fait que je sois issu d’un mariage mixte et tout ça. Ce n’est pas quelque chose qui m’a gêné, c’est quelque chose que j’ai pu comprendre, mais auquel j’ai toujours voulu apporter des réponses parce que, aujourd’hui j’en fais plus une force qu’un inconvénient. Le fait d’avoir vécu dans une mixité, d’avoir vécu avec une mère blanche et un père algérien m’a apporté énormément. Le fait de m’appeler Carl, ça m’a donné une force inouïe. Quand j’arrive en équipe nationale et qu’on me demande si on peut m’appeler par un autre prénom et pas par le mien… Eh oh je dis stop ! ‘Je m’appelle Carl, Carl Medjani et je suis fier d’être Carl Medjani et je vais vous prouver sur le terrain que le fait d’avoir un prénom pas à consonance arabe ne fera pas que je ne mouillerai pas le maillot sur le terrain’. Donc ça m’a donné une force supplémentaire. Et tout ça, je l’ai mesuré au retour de la Coupe du monde où mon image personnelle a changé au retour du Brésil et où j’ai senti cette reconnaissance du peuple et où j’ai senti cette reconnaissance du public algérien. Ça a été ma plus belle victoire au-delà des matchs qu’on a pu gagner. C’est de se faire accepter en tant que joueur professionnel d’une, mais en tant que garçon, homme issu d’une mixité et d’une mère française et d’un père algérien.
« Dans un coin de ma tête, il y a un rêve : celui de disputer une troisième Coupe du monde avec l’Algérie »
Tu sais que tu peux entrer dans l’histoire du football algérien en devenant peut-être le seul joueur à participer à trois coupes du monde avec Raïs Mbolhi, Djamel Mesbah peut-être et Rafik Halliche…
Je l’ai dans un coin de ma tête. Mes choix aujourd’hui sont faits en fonction de l’Equipe nationale comme on l’a évoqué plus tôt. On a tous dans un coin de notre tête la Russie et 2018 et je sais que oui, on est quelques joueurs à pouvoir entrer inch’Allah dans l’histoire de notre pays, dans l’histoire du football algérien même si je n’oublierai jamais que mon nom sera gravé à jamais dans l’histoire de notre football parce qu’on est la seule équipe aujourd’hui à avoir passé au deuxième tour d’un mondial. Donc voilà, on échange beaucoup là-dessus entre Raïs et Djamel parce qu’on a envie de faire partie de cette aventure. J’espère qu’on arrivera à nos objectifs et on arrivera à transcender la nouvelle génération qui veut nous rejoindre et qui nous a rejoint parce qu’on a vécu pendant un mois et demi au Brésil restera, je pense, gravé à jamais au fond de nous.
Est-ce que cette génération peut un jour dominer l’Afrique ?
Elle peut dominer l’Afrique. Je pense qu’elle a tout pour dominer l’Afrique. Maintenant, entre pouvoir et faire, il y a toujours une différence et il y a encore des paliers à passer, mais je pense qu’aujourd’hui la fédération nous donne tous les moyens pour qu’on soit et pendant longtemps sur le toit de l’Afrique.
On a souvent parlé de l’axe central, de certaines défaillances, moi je dirais d’un manque d’expérience. Que pensez-vous du retour de Rafik Halliche ?
Je suis très content du retour de Rafik parce que Rafik n’est plus à présenter. Aujourd’hui, il fait partie des meilleurs défenseurs de notre pays, il fait partie des cadres de la sélection, c’est quelqu’un qui est en sélection depuis de nombreuses années, c’est une voix écoutée et sa présence sur le terrain est importante pour toute l’équipe. Il a fait deux très grosses coupes du monde et c’est important pour l’équipe qu’il revienne en forme. Il a manqué sur ces derniers matchs et aujourd’hui moi je suis très content qu’il reprenne les entraînements, qu’il reprenne les matchs avec son club au Qatar. J’espère qu’on se verra prochainement parce que c’est un plus indéniable pour la sélection.
Et l’éclosion de Bensebaïni ?
Et ben Rami je pense que c’est un joueur qui est en devenir, moi je le suis depuis qu’il a signé à Montpellier cette année, je l’ai découvert sur les deux derniers stages là avec nous. Ça s’est très bien passé. C’est quelqu’un qui aura une grande carrière devant lui s’il continue à faire ce qu’il faut pour rester à un haut niveau. Je pense que c’est l’avenir de l’Equipe nationale en défense et je lui souhaite vraiment tout le meilleur parce qu’il a plein de potentiel et qu’il pourra faire inch’Allah une belle carrière.
Tu es l’un des rares peut-être le seul en sélection à avoir connu Gourcuff en club. C’est quoi la différence ?
La différence c’est qu’il a moins de temps en sélection pour pouvoir travailler, pour pouvoir imposer ses idées et pour pouvoir mettre en place exactement ce qu’il veut. Aujourd’hui, la problématique d’un entraîneur d’une équipe nationale c’est le temps qu’il a devant lui pour préparer un match, pour préparer une compétition avec tous les aléas que peut comporter une sélection, les blessures de dernière minute, les joueurs en méforme, les joueurs qui ne jouent pas, la tactique à mettre en place. Le système de jeu de Christian Gourcuff est quelque chose de très simple, mais qui demande énormément d’apprentissage et de travail. Et comme il nous manque un peu de temps pour travailler en sélection, je pense que c’est un petit peu préjudiciable. Mais, jusqu’ici, on a su quand même s’en sortir. On a vu aussi qu’il avait pu proposer d’autres alternatives au 4-4-2 initial dans lequel il préfère que l’on joue. Sinon, c’est une personne totalement ouverte qui nous met dans les meilleures conditions pour qu’on puisse vivre à Sidi Moussa convenablement et qu’on soit le plus épanouis sur le terrain.
Je sais qu’il est très difficile de te mettre mal à l’aise sur un terrain de foot, mais on va essayer de le faire pendant l’interview. De par ta double culture algérienne et française, on va essayer de te demander de choisir entre l’Algérie et la France sur certains points.
D’accord.
La cuisine ? Française ou algérienne ?
Alors je dirais française pour la diététique et algérienne pour les saveurs.
Les belles filles elles sont en France ou en Algérie ?
Les belles filles, je dirais que, aujourd’hui, il y en a trois : il y a ma mère, il y a ma sœur et il y a la personne que j’aime. Donc, elles sont plus du côté de la France. Je vais dire la France, mais je suis prêt à découvrir aussi les beautés algériennes (rire).
La chaleur des supporters, elle est en Algérie ou en France ?
Ouf ! Elle est en Algérie. Elle est à Blida, elle est à Alger, elle est à Sétif et elle est en Kabylie. Elle est partout dans toute l’Algérie. Et partout où il y a un Algérien dans le monde il y a de la chaleur. Avec Belkalem en Turquie, on avait des supporters algériens dans les tribunes quand on jouait. J’ai déjà croisé des Maghrébins ici à Valence. Donc, indéniablement elle est en Algérie.
El Harrach ou Ajaccio ?
El Harrach.
On va te laisser le soin de finir l’interview ici à Valence pour La Gazette du Fennec.
Merci à vous d’être venus. La coïncidence a fait que vous êtes venus pour Sofiane et on a pu se rencontrer, dans le même hôtel en plus. C’était une belle petite anecdote. Passez un grand bonjour à tout le monde en Algérie, à tous les supporters de l’équipe nationale, à ma famille aussi qui me soutient et qui me regarde. Je vais essayer de donner le meilleur de moi-même ici en Espagne pour porter haut et fort les couleurs de notre pays et j’espère qu’on continuera comme on a commencé sur les qualif’ de la Coupe d’Afrique inch’Allah et un peu plus tard pour les qualif’ de la Coupe du monde. A bientôt et merci à vous.
Interview réalisé à Valence
par Mohamed Saâd pour la Gazette du Fennec
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