Depuis la première édition de la Coupe de France en 1918, pas moins de 25 joueurs algériens ont remporté l’ancêtre de la “Coupe Charles Simon”. De Benouna à Bensebaïni, La Gazette du Fennec vous propose une saga inédite en 4 chapitres pour retracer le parcours de ces footballeurs algériens qui ont inscrit en lettre d’or leur nom au palmarès de l’épreuve populaire du football français.
Épisode 2 :
1950-60 : l’âge d’or de la génération FLN
Après des premiers pas réussis, les clubs de la Métropole n’hésitent plus à puiser allègrement dans le vivier colonial pour attirer des joueurs de qualité. Ainsi de nombreux footballeurs “indigènes” quittent l’Algérie pour tenter leur chance en France où ils sont très bien accueillis. Certains deviendront même de véritables stars disputant des phases finales avec les Équipes de France comme Mustapha Zitouni (JO Helsinki 1952), Abdelaziz Bentifour (Coupe du Monde 1954), Rachid Mekhloufi (Coupe du Monde Militaire 1957) ou encore Ahmed Arab (JO Rome 1960). Durant ces années marquées par la Guerre d’Indépendance algérienne, la Coupe de France sera le théâtre de nombreux exploits des footballeurs algériens qui ont marqué à tout jamais l’histoire de clubs comme l’OGC Nice, l’AS Saint-Etienne, Sedan ou Le Havre.
Bentifour époustouflant en finale avec Nice en 1952
En 1952, l’OGC Nice remporte la première Coupe de France de son histoire avec une victoire éclatante sur Bordeaux (5-3) grâce à un but de l’ailier Abdelaziz Bentifour à la 61e minute alors que le score était de 3-3. Champion de France en 1951 et 1952, le club de la Côte d’Azur est irrésistible et le doit en grande partie au talent de Bentifour qui fut le premier joueur algérien a marqué en finale de l’épreuve populaire, retransmise pour la première fois de l’histoire à la télévision. Véritable star du championnat de France, le natif de Hussein-Dey intègre les rangs de l’Équipe de France (4 sélections) et participera même à la Coupe du Monde 1954 en Suisse avant de rejoindre la glorieuse équipe du FLN en 1958 dont il est un pionnier. On notera que le défenseur niçois Ahmed Firoud (frère cadet de l’illustre Kader Firoud de Nîmes) a également disputé cette finale de 1952 participant ainsi grandement au doublé Coupe-Championnat des Rouge et Noir.
Notons également qu’en 1954, l’OGC Nice remportera une nouvelle Coupe de France avec un autre Algérien dans ses rangs : Bachir Belaid. Finaliste et buteur malheureux de l’édition 1953 avec Nancy (défaite 2-1 face à Lille), l’attaquant niçois est absent de la finale 1954 face à l’Olympique de Marseille (2-1). Le natif de Batna a disputé cette saison là 3 matchs de Coupe de France pour 2 buts inscrits avec les Aiglons ainsi que 15 matchs de championnat et 4 buts. Il ne restera qu’une seule saison au club azuréen mais inscrira bien son nom au palmarès de l’épreuve.
Brahimi et Bouchouk offrent à Toulouse son unique trophée en 1957
Entre 1956 et 1962, époque trouble où la guerre d’indépendance bat son plein, une trentaine d’Algériens musulmans évoluent dans les championnats de France professionnels (D1 et D2). Au sommet de sa forme l’attaquant de Toulouse Saïd Brahimi éclabousse l’édition 1957 de son talent et permet au TFC de remporter la seule Coupe de France de son histoire pendant que cette année-là, l’AS Saint-Étienne remporte son premier titre de Champion de France grâce au génie de Rachid Mekhloufi (25 buts en 30 matchs à seulement 20 ans).
Avec deux Algériens dans ses rangs en finale de cette Coupe de France 1957, Toulouse pulvérise Angers SCO (6-3) dans un stade de Colombes plein à craquer (43 150 supporters). Originaire de Azzaba, l’ailier droit Abdelhamid Bouchouk inscrit un but en première période avant que l’ailier gauche Saïd Brahimi ne clôture la marque en fin de match. Natif de Annaba, le redoutable dribbleur Brahimi est également un membre de l’Équipe de France (avec Zitouni et Mekhloufi) et devient même le premier Algérien à inscrire un but avec les Bleus. L’année suivante, en 1958, à quelques semaines de la Coupe du Monde en Suède, tous ces joueurs qui sont de véritables stars du championnat de France rejoignent clandestinement Tunis pour former la fameuse équipe du FLN.
L’espoir Maouche inscrit son nom avec Reims en 1958
On notera qu’en 1958, sans jouer la finale (face à Nîmes de l’entraineur Kader Firoud) mais dans l’effectif du prestigieux Stade de Reims d’Albert Batteux, qui remporte également le championnat de France 1957-58, le nom du grand espoir Mohamed Maouche est à mentionner. Coéquipier de Just Fontaine et successeur désigné de Raymond Kopa, le jeune meneur de jeu algérien de 22 ans (aujourd’hui vice-président de la FAF à 87 ans) disputera cette saison là 1 match de Division 1 et 1 match de 16ème de finale de Coupe de France. Suffisant pour inscrire son nom au palmarès en cette année périlleuse de 1958. Pour rappel, lors de la Coupe du Monde 1958 en Suède, les stars Mekhloufi et Zitouni ont provoqué un séisme dans le football français en boycottant l’Équipe de France. Dans ce contexte délicat, Maouche peine à s’imposer chez les Rémois et sera même incarcéré à la prison militaire de Versailles pour avoir tenter de rejoindre clandestinement la Suisse et l’équipe du FLN en avril 1958. Après une pige au Red Star en D2 et un retour à Reims, il rejoindra finalement l’Équipe du FLN à Tunis lors de la quatrième et dernière vague qu’il est chargé de coordonner en novembre 1960.
Bouchache contribue à l’exploit du HAC en D2 en 1959 !
Au crépuscule de ces années 50, décidément fructueuses, un autre footballeur algérien s’illustre avec Le Havre en 1959. Malgré le départ surprenant de ses pièces maitresses Mohamed et Abderrahmane Soukhane, qui ont rejoint l’équipe du FLN un an plus tôt, le club normand compte heureusement dans ses rangs le redoutable attaquant Hocine Bouchache. Le natif de Skikda, désigné “l’homme de la finale” permet au Havre de créer l’exploit face à Sochaux dans cette finale qui sera joué en deux temps. Après un premier match qui s’est soldé par un match nul (2-2 après prolongations) où l’Algérien a inscrit le dernier but égalisateur, le match est rejoué conformément aux règlements qui ne prévoient pas de séance de tirs aux buts.
Lors du deuxième match disputé à Colombes, deux semaines plus tard, Le Havre inflige une correction à Sochaux (3-0, avec 2 passes décisives de Bouchache) et s’adjuge la Coupe de France 1959 sous les yeux de Charles de Gaulle. L’exploit est sans précédant puisque pour la première fois de l’histoire de l’épreuve populaire, un club de 2ème division s’impose en finale. Le doyen des clubs français réalise un coup double cette année 1959 en remportant également le titre de Champion de D2. De son côté, l’Algérien Hocine Bouchache (avec son frère ainé Chérif qui joue en réserve) rejoindra finalement l’équipe du FLN lors de la troisième vague en 1961 après avoir inscrit son nom au palmarès de l’épreuve populaire du football français.
Salem brille avec Sedan sous les yeux de De Gaulle en 1961
En pleine guerre d’Algérie et alors que l’heure de l’indépendance approche, il reste encore quelques footballeurs algériens qui s’illustrent dans le championnat français à l’image du Mascaréen Khennane Mahi qui brille avec le Stade Rennais. Le puissant attaquant est désigné meilleur joueur du championnat par France Football et dispute quelques matchs officiels avec l’Équipe de France en 1961. Cette année là, un autre baroudeur inscrit son nom au palmarès de la Coupe de France : l’Oranais Mohamed Salem. Avec son dossard n°9, au stade de Colombes devant 40 000 spectateurs dont le Président de la République Charles De Gaulle, le robuste attaquant algérien (photo avec le trophée dans les mains ci-dessous) offre la victoire à l’UA Sedan-Torcy face à Nîmes (3-1) en inscrivant le dernier but de la rencontre. Cet excellent joueur rejoindra l’équipe d’Algérie après l’indépendance (4 sélections) tout en poursuivant une belle carrière en France où il sera désigné Étoile d’Or du journal France Football en 1970 en finissant sa carrière au poste de libéro.
Rachid Mekhloufi, la légende verte termine en apothéose en 1968
Au crépuscule des années 60, c’est le joueur le plus emblématique de l’histoire du football algérien qui réalise une performance éblouissante lors de la finale de la Coupe de France 1968 : le légendaire Rachid Mekhloufi. Prodige de l’AS Saint-Etienne avant son départ pour l’Equipe du FLN en 1958, le virtuose algérien est revenu après la guerre d’Indépendance pour terminer telle une icône son aventure avec le club du Forez. Pour son tout dernier match avec l’AS Saint-Etienne, Mekhloufi inscrit un doublé retentissant et offre à son club la Coupe de France 1968 face aux Girondins de Bordeaux (2-1). Au moment de lui remettre la coupe, le président de Gaulle se dresse face à lui, et clame : « La France, c’est vous ! ». Une façon gaullienne de lui dire « Je vous ai compris ! ». L’Algérien offre le premier doublé Coupe-Championnat de l’histoire de l’ASSE et boucle un palmarès extraordinaire avec les Verts (4 fois Champion de France, 1 Coupe de France et 3 titres de Meilleur joueur du championnat de France).
Après cette génération exceptionnelle de joueurs qui ont émergé durant la période coloniale, s’en suivra une longue période de disette dans les années 70 jusqu’à l’éclosion des enfants des premiers ouvriers algériens installés en France. La suite au prochain épisode…
Les Algériens et la Coupe de France (1950-60):
Ahmed Firoud (1): 1952 avec Nice
Abdelaziz Bentifour (1): 1952 avec Nice
Rachid Belaid (1): 1954 avec Nice
Said Brahimi (1): 1957 avec Toulouse
Abdelhamid Bouchouk (1): 1957 avec Toulouse
Mohamed Maouche (1): 1958 avec Reims
Hocine Bouchache (1): 1959 avec Le Havre
Mohamed Salem (1): 1961 avec Sedan
Rachid Mekhloufi (1): 1968 avec Saint-Étienne
Quelques bonus photos et vidéos :
Saga Coupe de France – Revoir les 4 épisodes :
Depuis la première édition de la Coupe de France en 1918, pas moins de 25 joueurs algériens ont remporté l’ancêtre de la “Coupe Charles Simon”. De Benouna à Bensebaïni, La Gazette du Fennec vous propose une saga inédite en 4 chapitres pour retracer le parcours de ces footballeurs algériens qui ont inscrit en lettre d’or leur nom au palmarès de l’épreuve populaire du football français.
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1930-40 : le temps des pionniers
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1950-60 : l’âge d’or de la génération FLN
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1970-80 : les succès des premiers bi-nationaux
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1990-2000 : la nouvelle vague verte
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