Que vaut vraiment le support audio de la conversation entre le président de l’ES Sétif, Fahd Halfaya, et son interlocuteur Nassim Sadaoui dans la présumée affaire de conditionnement de matchs ? Est-ce une preuve recevable ? Des questions que se posent certainement beaucoup de personnes. Eclairage.
L’enregistrement a été fait d’une manière subreptice et diffusée sur les réseaux sociaux. Cela est en soi une infraction. Même s’il révèle des pratiques qui peuvent être punies par le code pénal algérien en plus d’engendrer des sanctions sportives éventuelles.
La loi algérienne est claire. Dans l’article 303 bis du Code pénal, il est stipulé que « est puni d’un emprisonnement de six (6) mois à trois (3) ans et d’une amende de cinquante mille (50.000) DA à trois cent mille (300.000) DA, quiconque, au moyen d’un procédé quelconque, porte volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui ». Et ce, soit « en captant, enregistrant ou transmettant sans l’autorisation ou le consentement de leur auteur, des communications, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel » ou « en prenant, enregistrant ou transmettant sans l’autorisation ou le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.»
Quid de l’interlocuteur ?
En outre, Il y est mentionné que « la tentative du délit prévu par le présent article est punie des mêmes peines que l’infraction consommée ». Et dans tout cela, « le pardon de la victime met fin aux poursuites pénales ». Cette dernière éventualité de dénouement est à exclure pour le moment parce que Halfaya a déposé plainte contre X samedi dans un commissariat de Sétif. Est-ce que ce fichier peut être utilisé contre lui ? La réponse est affirmative. Mais comme une preuve obtenue d’un délit.
Cependant, l’autre personne au bout du fil, qui serait le manager de joueurs Nassim Sadaoui, est, à priori et étrangement, restée en dehors de ce qui serait un autre scandale pour le football algérien. Ce dernier, n’est, pour rappel, pas à la première affaire du genre. Ces épisodes noirs sont devenus récurrents ces dernières saisons. Ce qui laisse croire à une banalisation des arrangements dans le football national.
Une enquête qui traine
En attendant que Halfaya soit auditionné et donne amples précisions sur cette désormais fameuse bande sonore, l’enquête ne donne pas l’impression d’évoluer en tenant compte des délais réglementaires prévus par le code disciplinaire de la Fédération algérienne de football (FAF). En effet, dans l’alinéa 10, on peut lire que « dans les cas jugés graves, la commission de discipline peut prendre toute mesure conservatoire dictée par l’urgence, et ce, jusqu’à achèvement de l’enquête qui ne saurait excéder sept (7) jours.»
Il faut savoir que la conversation en question a fuité le 13 mai dernier et que le patron ententiste, suspendu par mesure conservatoire par la Ligue de football professionnel (LFP), devait comparaître lundi dernier devant la Commission de discipline de la LFP. Mais il s’est absenté pour « des raisons de santé », comme l’a expliqué son avocat Nabil Beniya. Une autre confrontation, la « deuxième et la dernière » comme avertit l’instance chargée de gérer le championnat national avec ses deux paliers « Pro », est fixée pour ce jeudi.
L’ESS ne doit pas être un bouc-émissaire
Par ailleurs, les autres partie suspectes, citées par le boss sétifien, à savoir l’US Biskra et le CA Bordj Bou Arréridj, n’ont pas été entendues. Pour ce qui est de la partie qui se trouve dans l’œil du cyclone, l’Entente en l’occurrence, « Halfaya nous a fait écouter l’enregistrement complet ; il y a eu des passages supprimés, à titre d’exemple Halfaya dit à son interlocuteur que l’Entente ne vend pas et n’achète pas, ça, c’est enregistré, je l’ai écouté avec les autres membres, c’est vous dire que cette affaire n’a pas encore livré tous ses secrets », a révélé Azzedine Arab, président du Conseil d’administration de la SSPA/ESS.
En sous-entendu, le chairman de l’Aigle Noir a, lui aussi, enregistré le dialogue en question. Par Méfiance ou pour d’autres intentions ? On ne peut rien affirmer. Cependant, cela peut démontrer que les personnes influentes de la balle ronde Dz n’échangent pas que sur des sujets légaux.
Les éventuelles sanctions
Reste désormais à contextualiser cette conversation pour savoir si c’est de la corruption ou une tentative. Dans ce cas, la réglementation de la FAF précise que cela peut engendrer une « interdiction à vie d’exercer toute fonction et/ou activité en relation avec le football pour le contrevenant; suspension de l’équipe pour la saison en cours et rétrogradation du club en division inférieure.»
En revanche, si la tentative d’influence, d’arrangement, de pression ou d’intimidation est retenue, « la sanction sera la défalcation de trois points à l’ESS et l’autre partie (l’US Biskra dans ce cas) » en plus d’« une suspension de deux ans » pour l’initiateur, Halfaya en l’occurrence. Toutefois, à partir du moment où le Ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) ainsi que le CR Belouizdad et le NA Hussein-Dey, tous les deux évoqués dans le document audio, se sont constitués parties civiles, la juridiction civile risque de pousser la FAF à frapper d’une main de fer. Ce litige peut prendre des tournures très graves et faire tomber des bonnets qui ont souillé le fair play et les valeurs de la discipline. Le sport roi est clochardisé et déchu de sa noblesse.