À boire et à manger, c’est ce qu’il y a dans le football algérien. Et au sommet, de là où tout coule, certains semblent avoir trempé toute la main dans le pot de miel non sans faire profiter d’autres personnes avec des entourloupes et des entorses à la Loi du pays. La justice algérienne vient de sévir. Une enquête a été ouverte. Elle concerne les trois derniers présidents de la Fédération algérienne de football (FAF) et certains de leurs proches collaborateurs. Et on peut dire qu’ils font face à de graves accusations.
La Cour d’Alger annonçait, lundi, qu’« une enquête a été ouverte suite à des informations relatives à des soupçons de corruption au niveau de la Fédération algérienne de football, impliquant nombre de dirigeants dans la conclusion de contrats en violation de la procédure interne en vue d’accorder des privilèges injustifiés à autrui ».
14 suspects dans la lunette
En tout, il y a 14 suspects. Parmi eux, on retrouve les ex-présidents de la fédération Zetchi Kheireddine, Charaf-Eddine Amara et Djahid Zefizef ainsi que deux secrétaires généraux et un manager général. Ils se retrouvent tous dans le collimateur de la justice. En outre, le communiqué note que l’enquête concerne « 03 personnes morales ».
Clairement, les chefs d’accusation sont sérieux. On parle d’« abus de fonctions », de « dilapidation de deniers publics », « complicité de dilapidation », « conclusion de contrats en violation des dispositions légales et organisationnelles en vue de l’octroi d’indus privilèges à autrui » et « bénéficier d’indus privilèges à l’occasion de la conclusion de contrats avec l’Etat ou avec une structure ou entreprise qui lui est affilié ». Rien que ça.
Employés surpayés
Il s’agit -manifestement- de plusieurs millions d’euros sortis de la caisse de la FAF. Cette dernière est aujourd’hui dans une situation critique. Récemment, Walid Sadi, patron de la structure, a parlé d’un trou de 700 milliards de centimes (7 000 millions de dinars). En mai dernier, il se plaignait d’avoir « hérité, à partir de septembre dernier, d’une situation financière catastrophique avec un déficit que nous n’imaginions pas ».
Face à ce gros malus, les autorités du pays ont décidé de réagir. Il faut bien comprendre comment on en est arrivé là. Cependant, il y a déjà des éléments qui dissipent quelques zones d’ombre. Certaines personnes de l’organigramme percevaient des salaires à 6 chiffres (des mensualités dépassant les 800 000 DA). Il y a aussi des contrats sponsoring, du temps de Zetchi. Les signatures violeraient « des dispositions légales et organisationnelles en vue de l’octroi d’indus privilèges à autrui ».
Zetchi – S2F : Maillot et tissu de mensonges
En effet, le bail avec Adidas présentait de nombreuses anomalies car conclu entre Zetchi et la société (éphémère) S2F avec l’entreprise Medgrant en intermédiaire. Le problème étant que cette boite n’était en rien le représentant officiel de la marque aux trois bandes. Dans ce “black business”, plusieurs Algériens ont été roulés et n’ont jamais pu avoir les maillots qu’ils ont commandés.
Aussi, des montages financiers ont été réalisés entre S2F et des entreprises qui ont racheté des actions pour douiller les fiscs français et amortir l’imposition. Ces pratiques montrent bien qu’on est face à une délinquance financière notoire. Tout a été fait en sorte de noyer le poisson et arnaquer les clients en empochant de l’argent contre… rien.
Amara : Alerte surfacturation
Zetchi n’a pas survécu (mais pas en raison de ces affaires car empêché de briguer un nouveau mandat pour d’autres considérations). Et c’est Charaf-Eddine Amara qui a pris le relais. Sauf que ce dernier n’est -lui aussi- pas épargné par les soupçons en rapport avec la mauvaise gestion de l’argent public.
Durant son (bref) passage à la tête de la structure footballistique, il y a eu la rénovation de certaines infrastructures du Centre technique national (CTN) de Sidi Moussa. L’hôtel des joueurs ainsi que les pelouses d’entraînement ont servi de gouffres financiers. Selon des sources fiables, ces projets présentent certaines zones d’ombres dans l’octroi des contrats des prestataires. Le coût serait anormalement élevé entre les matériaux de construction ainsi que la main d’œuvre. En cause, un accord passé avec une société portugaise conclu directement après un avis d’appel d’offre infructueux de la FAF.
Avenant de contrat de Belmadi : Amara élabore…
Avant d’être poussé vers la sortie après l’élimination de l’Algérie face au Cameroun lors du dernier tour qualificatif à la Coupe du Monde 2022, Amara a tâché de reconduire Djamel Belmadi au poste de sélectionneur lorsqu’il était sur cette incroyable série de 35 matchs sans défaite.
L’euphorie était telle que Belmadi a même vu son salaire être revu à la hausse après les échecs à la CAN 2021 et dans la dernière étape dans les qualifications au Mondial 2022. Certes, Amara n’avait rien signé. Mais l’avenant qu’il a rédigé était clairement léonin et arrangeait Belmadi dans le cas où la FAF décidait de mettre un terme à la collaboration. L’histoire entre le coach et l’EN semblait tellement forte que le scénario catastrophe n’avait pas de place dans les probabilités. Une sacrée gaffe.
… Zefizef cautionne et paraphe
Il y a donc l’évidence que le bail avantageux (on parle de plus de 200.000 euros mensuels) “offert” à Belmadi fait -lui aussi- l’objet de réserves. Par ailleurs, le changement à la tête de la FAF n’a pas ébranlé la feuille de route d’Amara. Son successeur, Djahid Zefizef, a approuvé l’avenant. Ce même bail deviendra une véritable mine juridique pour Sadi quant il devait mettre fin aux fonctions de Belmadi après la débâcle d’El-Khadra à la CAN 2023 en Côte d’Ivoire.
Sauf que le technicien n’a pas voulu d’une résiliation à l’amiable et avait demandé un dédommagement jusqu’au dernier sou. Comme le stipulait l’accord paraphé par Zefizef. A priori, les accusations à l’endroit de ce dernier portent sur ce dossier-là ainsi que l’affaire MediaPro. Plus d’éléments pourraient fuiter dans les jours à venir concernant ces dossiers. Toutefois, elle défraye déjà la chronique. Elle constitue même un précédent au sommet de la pyramide footballistique nationale. A croire qu’avant l’intronisation de Zetchi, tout était transparent.