Après Idriss Saadi, La Gazette du Fennec a eu le privilège de s’entretenir longuement avec un autre pensionnaire du KV Courtrai (D1 belge), en l’occurrence, Idir Ouali (28 ans). Passé par Le Mans ou encore Dresde, ce milieu de terrain offensif comparé à Ribéry lors de son passage en Allemagne, revit aujourd’hui en Belgique après un passage difficile en Bundesliga. Supervisé par Georges Leekens lors de la rencontre Courtrai-Anderlecht la semaine dernière, le virevoltant Ouali espère rattraper le temps perdu et accrocher le wagon de l’Equipe nationale. Entretien exclusif avec un joueur généreux qui porte un regard incroyablement lucide sur sa carrière…
Bonjour Idir, tu es assez méconnu du public algérien mais en Belgique tu es un joueur très apprécié, peux tu te présenter à nos lecteurs ?
J’ai grandi dans le nord de la France, à Roubaix. Ensuite j’ai fais mes classes en Belgique en jeune et j’ai fais mes débuts pro là-bas c’est pour ça qu’on me connaît un peu plus en Belgique. Je suis un joueur offensif qui joue sur les flancs soit à gauche soit à droite.
D’après nos infos Georges Leekens présent lors de ton dernier match face à Anderlecht a été très séduit par tes qualités. Qu’est ça fait d’entendre ça ?
Forcément en tant que joueur, séduire le sélectionneur c’est vraiment un truc à part, un plaisir. Surtout quand on voit qu’il était dans les gradins et pas devant un rapport, là il te vois jouer de ses propres yeux. C’est vrai qu’on a perdu ce match contre Anderlecht mais même dans les défaites il y a des joueurs qui peuvent sortir du lot et ce jour là je me sentais bien, j’étais en forme.
As-tu rencontré le sélectionneur à la fin de la rencontre ?
A la base je ne savais qu’il était présent. C’est juste que par la suite j’ai entendu qu’il était présent mais je n’ai pas pu le croiser.
As-tu déjà été approché par la FAF durant ta carrière ?
Oui quand j’étais en Allemagne je sais que M. Kourichi le sélectionneur adjoint était venu me voir. En France aussi ça parlait un petit peu. On va dire que j’ai toujours été suivi sans jamais être retenu (en sélection). Ça s’est souvent joué à pas grand chose et actuellement il y a un rapprochement mais rien de concret.
“Si je suis retenu pour la CAN ça serait un réel plaisir… une immense fierté !”
Est-ce que ta venue en sélection est d’actualité ?
En ce moment je ne sais pas. Beaucoup parlent mais pour moi le plus important c’est de faire de bonnes prestations sur le terrain. Après le sélectionneur décidera des joueurs qu’il veut faire venir, il a les cartes en main. Évidemment si je suis appelé ça serait un réel plaisir et pouvoir jouer pour mon pays serait une immense fierté.
Pour la CAN l’Algérie a besoin de joueurs en forme penses-tu être en mesure de postuler malgré la forte concurrence à ton poste ?
J’ai toujours pensé qu’il y avait une forte concurrence à mon poste. Pour gagner une CAN il faut avoir des joueurs en forme, avoir des jambes parce que les autres équipes sont bien armées. C’est le sélectionneur qui déterminera quels joueurs sont prêts pour jouer la compétition. Pour moi ça serait un réel plus vu la dernière saison que j’ai vécu, durant laquelle c’était très compliqué. Cette année je reviens enfin en forme, je me sens prêt, je suis très très bien dans mon club, j’enchaine les matches à un bon niveau. Au final c’est le sélectionneur qui prendra la décision mais Saadi et moi on est très en forme (NDLR: Ouali évolue avec Saadi à Courtrai).
En parlant de Saadi, que penses-tu de ce joueur ? Que peux-t-il apporter à l’Algérie et qu’apporte-t-il à votre équipe de Courtrai ?
C’est un joueur qui nous fait énormément de bien de par ses appels. Il ne ménage pas ses efforts c’est un joueur qui travaille énormément pour l’équipe et en plus de ça il arrive à finir et marquer ses buts. Cette année il nous fait un grand bien et c’est grâce à lui qu’on arrive à faire une saison assez propre et qu’on a gagné beaucoup de matches. C’est vraiment un très bon joueur, malheureusement par le passé il a eu des blessures qu’ils l’ont freiné un peu mais aujourd’hui il peut apporter beaucoup avec ses qualités.
“Mon gros point fort c’est la vitesse et la provocation balle au pied !”
En ce qui te concerne, quels sont tes qualités et le système le plus adapté à ton profil ?
J’ai pas de système préférentiel mais je suis un joueur qui provoque énormément balle au pied. Je suis un joueur assez rapide qui arrive à multiplier les aller/retour sur son couloir parce que j’ai une assez bonne endurance. Mon gros point fort c’est la vitesse et la provocation balle au pied. J’aime aussi les 1 contre 1.
C’est vrai que lors de ton passage en Allemagne on te surnommait « Le Ribery de Bundesliga 2 » ?
Oui ! (il rit) C’est les supporters de Dresde et les consultants sportifs qui m’ont comparé à lui parce qu’on avait le même profil et que je jouais à gauche. Ça m’a fait plaisir, c’est une comparaison qui flatte.
On se souvient aussi de ton passage au Mans (Ligue 1 française) avec Brahim Boudebouda, peux tu nous retracer brièvement ton parcours ?
Après mon départ du Mans j’ai eu une bonne progression. J’avais bien fini avec ce club, lors de la dernière saison j’avais marqué une dizaine de buts et délivré plusieurs passes décisives. Le marché en France était un peu fermé il y avait deux trois clubs de Ligue 1 qui étaient sur moi comme Nice, Sochaux et Reims. C’est des clubs qui ont tardé à faire le pas et moi j’attendais aussi des réponses d’Espagne. Mais Dresde était le club le plus insistant, il a appelé mon agent assez régulièrement et j’ai vraiment senti l’envie de me recruter. Moi j’ai rapidement été convaincu parce que j’avais des anciens coéquipiers qui avaient déjà joué là-bas. Mon agent (NDLR: Chokry Yousfi, l’agent qui a ramené Slimani en Europe) a joué un grand rôle aussi parce que il connaît bien l’Allemagne et il m’avait dit que j’allais m’éclater dans ce pays et il a eu raison j’ai pas regretté ce choix.
Par contre le choix de Paderborn tu as du le regretter un peu plus…
Le choix de Paderborn c’était le choix le plus logique parce que à l’époque j’avais deux prétendants : Nuremberg qui descendait en Bundesliga 2 et Paderborn qui montait justement en Bundesliga. Moi j’ai choisi la Bundesliga parce que je pensais que ça allait m’aider dans ma progression après malheureusement le discours de l’entraineur a un peu changé en cours de saison. Paderborn c’est un peu la note négative de mon parcours mais aujourd’hui je revis à Courtrai, je joue, je m’éclate sur le terrain et je reprends confiance.
Est ce que tu penses que c’est ce choix de Paderborn qui t’as éloigné de l’EN ?
Oui peut-être. Moi je me disais qu’en jouant en Bundesliga j’allais être mieux vu mais malheureusement on m’a freiné dans mon élan. Je ne peux pas regretter mes choix de carrière parce que sur le coup je pense que c’est vraiment le bon choix à faire et même si ça s’est mal passé par la suite c’était quelque chose qu’on ne pouvait pas prédire, c’est le destin. Le tout c’est de ne pas lâcher et moi je n’ai pas lâcher et c’est pour ça que aujourd’hui je suis encore là.
“J’étais suivi par M. Kourichi et pré-sélectionné en 2014… mais il y avait une grosse liste en place”
Ne penses-tu pas avoir été délaissé par les médias algériens et est-ce que cela a eu une incidence sur le fait que tu n’as jamais été appelé en sélection ?
Délaissé, oui. Forcément quand un joueur joue un peu moins dans son club on le met un peu aux oubliettes et c’est vrai que les médias permettent de mettre en avant les bonnes performances en club retransmises vers l’Équipe nationale parce que c’est là qu’on parle de toi et que tu peux te faire voir. Si les médias arrêtent de parler de toi on t’oublie. C’est vrai que ces deux dernières années c’était très difficile pour moi quand tu joues moins et qu’on entend moins parler de toi c’est difficile de remonter la pente.
Quels sont les autres joueurs algériens que tu a côtoyé dans ta carrière ?
J’ai joué avec Amine Aoudia, Brahim Boudebouda et contre Karim Matmour et Rafik Saifi. Ça fait plaisir de jouer avec des algériens ou contre des algériens ils m’expliquent un peu comment ça se passe en sélection.
D’où es-tu originaire en Algérie ?
Je suis originaire de Bouira j’ai beaucoup de famille là-bas.
Tu as 28 ans, envisages-tu de finir ta carrière en Belgique ou découvrir un autre pays ?
Je prends ce qu’il y a à prendre c’est avec les performances sur le terrain qu’on a le plus de possibilité de partir mais c’est clair que je suis ouvert à toutes les propositions. J’ai 28 ans, je peux encore évoluer à un très bon niveau et montrer des choses. Tant que je pourrais courir je le ferais peu importe où.
Est-ce que ton entraineur actuel à Courtrai, le Franco-Algérien Karim Belhocine, joue un rôle important dans la saison que tu fais ?
Oui tous les entraineurs sont importants dans une carrière car ils décident de te faire jouer ou pas. Aujourd’hui il a confiance en moi et ça m’apporte beaucoup.
Lorsque tu regardes en arrière est-ce que tu as des regrets de n’avoir jamais été appelé en sélection ou est-ce tu comprends les choix qui ont été faits ?
Pas forcément des regrets (il hésite) ou peut-être si des regrets sur moi même à un certain moment j’aurais peut être du en faire un peu plus après les choix de carrière font que voilà… (il renvoie à Paderborn). J’ai peut-être été moins performant au moment où on m’attendait le plus.
Il me semble que tu as déjà été réserviste en 2014 non ?
Oui, pré-sélectionné mais après il y avait déjà une grosse liste en place. A l’époque je savais que cela allait être très très difficile d’intégrer le groupe pour moi.
Que penses-tu du niveau du championnat belge ?
Le championnat belge a beaucoup évolué, ce n’est pas le meilleur championnat au monde mais il y a un bon niveau. Il est devenu un peu plus technique un peu plus physique, ce n’est pas du niveau de la Premier League ou de la Bundesliga mais ça s’est fortement rapproché de la Ligue 1. J’ai connu les deux championnats et beaucoup d’équipes françaises auraient des soucis si elles venaient jouer dans le championnat belge. Je pense que même si Paris et Monaco sont bien au-dessus, le reste c’est à peu de choses près équivalent. On a bien vu La Gantoise tenir en échec Lyon en Ligue des Champions.
Quels sont les objectifs de Courtrai ?
L’objectif c’est d’aller le plus haut possible d’accrocher au moins les Play-off 1 même si on sait que ça va être difficile on va donner le maximum. On a encore une carte à jouer en Coupe, on est en quarts et on va essayer d’aller le plus loin possible.
“Sofiane Hanni est un concurrent mais on a pas le même profil !”
Qu’est ce tu as pensé de la saison de Sofiane Hanni, un joueur qui pourrait être un concurrent en sélection ?
J’ai suivi son évolution de loin parce que la saison dernière j’évoluais encore en Allemagne. C’est un bon joueur qui a marqué beaucoup de buts, il fait ses marques à Anderlecht. C’est un concurrent mais il n’a pas le même profil que moi. Il est un peu plus un milieu central qui demande un peu plus dans les pieds alors que moi je suis plus un joueur de profondeur. J’aime jouer sur les couloirs en utilisant la vitesse, je suis plutôt en percussion. Mais il est clair que Sofiane Hanni est un très bon joueur.
Quel est le beau but de ta carrière ?
J’en ai pas marqué énormément ! (Il rit) Bon j’en ai deux trois en tête. J’ai marqué une jolie Madjer en début de saison. Avec le Mans contre le Havre je mets une belle frappe des 20/25 mètres dans la lucarne. Avec Dresde j’en ai deux en tête, un contre Munich 1860 où je mets un bel enveloppé dans la lucarne et contre Braunschweig où j’enchaine un petit pont dans la surface avec une frappe dans la lucarne. Mes buts les plus impressionnants restent ceux contre le Havre et Munich parce que j’ai vraiment pas l’habitude de frapper de loin (il rit).
Avant toi on a eu Saadi en interview et il a l’air d’être quelqu’un de très drôle dans la vie de tous les jours. Est-ce qu’il est comme ça également dans votre groupe ?
Je pense que dans l’équipe on est un bon groupe parce qu’on s’apprécie beaucoup et on se taquine énormément. Idriss il est marrant, tu peux vraiment facilement rigoler avec lui et tout. Tous les jours on est tous ensemble à se chambrer, il y a une bonne ambiance dans ce groupe.
Quels sont tes objectifs à court terme et à long terme ?
Mon objectif à court terme c’était de me relancer après ma saison difficile. A long terme ça serait d’accrocher au moins une sélection par fierté et aller voir comment ça se passe. Je n’aimerais pas finir ma carrière en Belgique. Je n’ai pas connu l’Espagne et l’Angleterre et j’aimerais beaucoup jouer en Angleterre.
En Premier League ou Championship ?
C’est mes performances qui m’ouvriront l’un ou l’autre mais même la Championship serait un bon challenge c’est un bon championnat. J’aurai toujours la possibilité de finir en Premier League par la suite en montant avec un club comme je l’ai fait en Allemagne.
Quels sont les joueurs algériens que tu aimes voir jouer ?
J’aime bien regarder Brahimi et Mahrez. J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre les performances de Mahrez la saison dernière. Ça fait plaisir de voir un compatriote réussir.
Est-ce que tu penses que l’Algérie peut faire quelque chose à la CAN ? Quelles sont les choses qui doivent être améliorées pour permettre à l’Algérie de prétendre à un titre continental ?
La victoire reste difficile parce que il y a des grosses écuries à la CAN. On est forcément favori parce qu’on est une grande équipe. L’Algérie a sa carte à jouer si l’entraineur arrive à imposer sa patte, à ce moment on pourra peut-être faire quelque chose.
Que peut-on te souhaiter pour conclure cet entretien ?
Si il y a une chose que l’on peut me souhaiter c’est la santé et pourquoi pas inchallah arriver à décrocher une sélection en équipe algérienne de football ! J’espère que l’on fera une bonne CAN, avec ou sans moi. On espère tous la gagner. Par rapport aux fans on a un public de malade partout dans le monde, ne changez rien vous êtes au top !
On a une question de dernière minute de la part de Saadi !
moi jai une question ! Pk à t'il toujours de la chance au jeu video et au ping-pong 🙂
— Saadi Idriss (@Saadiidriss) December 8, 2016
Les perdants trouvent toujours un truc à dire ! Il n’arrive pas à avouer ma supériorité haha !
Entretien réalisé par Yahia Saouthi pour La Gazette du Fennec