Dans cet entretien exclusif pour La Gazette du Fennec, Youcef Belkaid (2006), surclassé en U21 au Paradou AC, revient sur son parcours, son passage en sélection, ses échanges avec Titraoui… et son admiration pour Pedri, un modèle qui en dit long sur sa vision du jeu.
Youcef, tu es actuellement en stage avec les U20 algériens (interview réalisée le 18 avril dernier), avec le nouveau coach Razik Nedder. Quelles sont tes premières impressions sur lui ?
Franchement, on sent tout de suite que c’est quelqu’un de très carré. Il veut former des jeunes capables d’intégrer les A, pas juste faire des stages. Il pousse le groupe à se dépasser à chaque séance.
Il vous a parlé de son style de jeu ? De ce qu’il attend sur le terrain ?
Oui. Il a une idée claire de ce qu’il veut mettre en place : un jeu propre, technique, avec du mouvement. Il aime quand l’équipe maîtrise le ballon, et il compte vraiment bosser là-dessus avec nous.
« J’ai grandi à l’académie, j’y ai tout appris »
Avant de rentrer dans les détails de ton actu, présente-toi rapidement pour ceux qui ne te connaissent pas encore.
Je m’appelle Youcef Belkaid, je suis né le 10 octobre 2006 à Alger. Je suis au Paradou AC depuis 2017, ça fait 7 ans maintenant. J’ai grandi à l’académie, j’y ai tout appris. J’ai commencé avec l’équipe nationale en 2022. Le Paradou, c’est un peu comme une deuxième maison pour moi, j’y ai passé toute mon adolescence.
Et cette saison, tu joues dans quelle catégorie ?
Je suis en U21. Je suis titulaire depuis le début de la saison. Pourtant, à la base, je devrais être en U19, mais le coach m’a directement fait confiance. C’est un entraîneur espagnol, il a un style de jeu qui me correspond bien. On est en finale de Coupe d’Algérie et en championnat on fait une belle saison.
Donc tu es surclassé, tu peux nous donner un petit bilan perso ?
J’ai marqué 4 buts et délivré 5 ou 6 passes décisives. Je suis content de ce que je montre, surtout en étant plus jeune que la plupart de mes adversaires.
« Cette saison, j’ai joué tous les matchs avec les U21, alors que je suis U19 »
Cette saison, vous êtes qualifiés en finale de la Coupe d’Algérie. Raconte-nous un peu votre parcours. Est-ce que vous vous attendiez à aller aussi loin ?
Franchement, ça a été un vrai parcours de combattant. Le premier match, on s’est déplacés à Sétif, pas un terrain facile. Ensuite, on est allés jouer l’USMA chez eux. On égalise à la dernière minute, et on passe aux tirs au but. Puis en demi, c’était contre la JS Saoura. À chaque fois, c’était serré, mais on n’a rien lâché.
Et en championnat, vous êtes comment ?
On est sixièmes. C’est pas évident parce que pas mal de nos meilleurs éléments sont montés en seniors, donc ça a forcément un peu perturbé le groupe. Mais on reste compétitifs malgré tout. On s’adapte, on apprend à jouer avec de nouveaux automatismes.
Tu t’es déjà entraîné avec les seniors du Paradou ?
Pas encore. Mais je sais que ça viendra au bon moment. Il faut continuer à bosser et rester prêt. Quand l’occasion se présente, il faut être à 100%.
« Un match amical contre le Paradou a changé ma vie »
Tu m’as dit que tu es né à Alger. Comment tu es arrivé au Paradou ?
J’ai commencé à Sidi Moussa, ma ville d’origine. Ensuite je suis passé par le RCK. Et un jour, on a joué un match amical contre le Paradou. Ils m’ont repéré, et j’ai rejoint l’académie juste après. C’est allé vite, mais je savais que j’avais une chance à saisir.
C’était en quelle année ?
En 2017. J’avais 11 ans.
Tout le monde a vu les vidéos des jeunes du Paradou qui s’entraînent pieds nus. Tu peux nous parler un peu de cette méthode ?
C’est une méthode qu’on a héritée de Jean Marc Guillou, via son frère [ndlr: son neveu Olivier]. Quand il est parti, Erico nous a transmis cette façon de faire. On s’entraîne tous les jours pieds nus. On a commencé à jouer en championnat seulement en U16.
Et ça t’a apporté quoi ?
Franchement, cela m’a beaucoup aidé techniquement. On sent qu’on maîtrise mieux le ballon, on a plus de finesse dans les touches. Ça m’a aussi appris à mieux réfléchir sur le terrain.
C’est quoi une journée type à l’académie ?
On se lève vers 6h30 ou 7h, on prend le petit déj’ ensemble. Ensuite, si on a cours de 8h à 10h, on s’entraîne de 10h à midi. Sinon c’est l’inverse. Après le déjeuner, on retourne en cours de 13h à 17h, et le soir on a un autre entraînement. C’est bien réglé, une vraie discipline.
« La pression ? Non, au contraire, ça me motive »
On va revenir sur la Coupe arabe de 2022. C’était ta première grande compétition ?
Oui mais auparavant j’avais déjà fait quelques stages. On avait un groupe très soudé, et tout le monde avait bien bossé.
Rezki Remmane t’a beaucoup utilisé sur ce tournoi. Ton avis sur lui ?
Il m’a donné ma chance pour jouer cette compétition, et il a aussi ramené un titre pour l’Algérie. Je le remercie pour la confiance.
Tu étais très jeune et il y avait du monde qui suivait les matchs. T’as ressenti de la pression ?
Non, honnêtement je suis un joueur qui joue sans pression. Au contraire, c’est un facteur qui me boose sur le terrain. Men 3end rebbi.
En finale contre le Maroc, dans un match difficile, tu t’es éclaté au milieu et t’as su maitriser le ballon malgré le contexte. Raconte-nous.
Oui et pour être honnête, j’avais vraiment espoir qu’on égalise et qu’on gagne. Et hamdoullah, c’est ce qui s’est passé. Et comme je te l’ai dit, je suis un joueur qui ne ressent pas la pression sur le terrain, je ne perds pas mes qualités.
Vous êtes aussi passés aux TAB contre l’Arabie Saoudite et la Tunisie ?
Oui exactement, c’était deux matchs très disputés et difficiles. A titre perso, j’ai réalisé deux bons matchs et j’ai marqué un tir au but contre l’Arabie Saoudite.
Le match où tu as le plus senti le collectif fort ?
Arabie Saoudite et Soudan. Là, on était vraiment ensemble. Chacun savait ce qu’il avait à faire.
« Après la coupe arabe, je me sentais prêt à jouer en senior »
Quand t’es revenu au club après la compétition, t’as senti un changement ?
Oui. J’étais plus confiant. Je me sentais capable même de jouer en senior. J’avais appris des choses, pris de l’expérience.
Et la CAN U20 ?
J’ai pas beaucoup joué. Contre la Somalie j’ai commencé, mais je suis sorti à la mi-temps. Ensuite, contre le Congo, le Sénégal, le Maroc, je suis rentré en cours de match.
Tu retiens quoi malgré le temps de jeu réduit ?
Ça forge, c’est une expérience de plus. Maintenant j’ai deux ans d’expérience avec l’EN. Ce n’est pas rien, j’essaye de toujours apprendre et avancer.
J’imagine que tu suis l’équipe nationale A, ton avis sur l’équipe de Vladimir Petkovic ?
Oui je regarde tous les matchs. Inchallah c’est un projet gagnant avec ce nouveau coach. Et avec des centres de formation en Algérie, notre football va mieux avancer.
« Mon coach espagnol me comprend, et Pedri c’est mon modèle »
Le Paradou reste un cas à part en Algérie. Tu penses que t’aurais progressé pareil ailleurs ? Et quand vous jouez contre d’autres clubs, vous sentez la différence ?
A l’académie, tu grandis dans une vraie culture du foot. Et oui, on sent la différence. Chez nous, beaucoup de joueurs sont surclassés. Si on jouait dans nos vraies catégories, on gagnerait tout. Ailleurs c’est pas pareil, les joueurs évoluent dans leurs catégories réelles.
Tu disais que ton coach espagnol .apprécie pour ton style. C’est qui tes modèles ? Et as-tu préférence entre le foot espagnol, allemand, anglais ?
Il m’appelle Vitinha (rire). Sinon j’aime beaucoup Pedri. J’aime le jeu du Barça, de City. C’est propre, ça pose le ballon.
Et toi, dans les matchs compliqués, quand l’équipe souffre un peu dans le jeu, tu t’adaptes comment ?
Je reste moi-même. Bloc bas ou pas, je joue mon jeu, je prends mes responsabilités. Je ne fuis pas le ballon.
La saison prochaine, tu te vois où ? Le staff t’a parlé d’une montée avec les A ?
Inchallah avec les seniors. Et après, partir en Europe. Oui, ils m’ont dit que c’était possible en fin de saison. Inchallah. Et oui, j’ai suivi. À l’aller c’était top, mais là avec le maintien assuré, il y a eu du turnover, donc la dynamique a un peu changé.
« Je parle souvent avec Titraoui, il me donne des conseils »
On imagine que ton rêve est d’évoluer en Europe, est-ce que tu suis un peu les prestations des anciens de l’académie ?
Je veux réussir. Pas juste partir. Il faut bosser dur, ce n’est pas facile là-bas. Et oui, je suis les anciens comme Titraoui. On a grandi ensemble, et on se parle souvent. Il me donne des conseils précieux.
Beaucoup partent en Belgique. Tu te verrais là-bas ?
Quand je serai prêt, pourquoi pas. InchAllah.
Il y a des points que tu veux encore améliorer dans ton jeu ?
Sincèrement Je m’adapte vite aux styles des entraineurs. Hamdoullah j’ai la technique et la vision de jeu. Après, il faut continuer à bosser, tout simplement.
Un dernier mot pour les supporters algériens ?
Je leur dis de croire aux joueurs locaux. Il y a beaucoup de talents ici. Mais les conditions ne sont pas faciles. Certains n’ont même pas de quoi manger après l’entraînement. Mais malgré ça, on est là. Si on avait 4 ou 5 académies comme le Paradou, l’équipe nationale gagnerait tous les titres.
