En marge du stage qui s’est déroulé à Blida, le sélectionneur national de l’équipe féminine, Farid Benstiti, a répondu aux questions de La Gazette du Fennec dans un entretien accordé à Hamza Guergazi, notre envoyé spécial. Alors que la CAN 2024 au Maroc n’a toujours pas de date définie pour son déroulement, le sélectionneur algérien tente, tant bien que mal, de préparer son équipe pour cet objectif majeur. Le seul point positif de cette inconnue, c’est qu’il pourra récupérer des cadres blessés (Muller, Karchouni de l’Inter Milan) et attirer de nouveaux profils (Bahlouli du Milan AC ou Belloumou du Bayern Munich). Entretien passionnant qui nous informe de l’évolution du football féminin en Algérie !

L’entretien LGDF en vidéo :

>> Les moments clés en version écrite :

Bonjour Monsieur Benstiti, j’espère que vous allez bien. Merci pour l’accueil. On voudrait savoir comment vous allez ?

Ça va bien dès que je retrouve mes joueuses, le staff médical, technique, administratif. C’est un bonheur de toute façon parce que je crois que, quand on est entraîneur, on attend ce moment-là. Donc hamdoullah, tout va bien.

Première question : ça fait déjà un peu plus d’un an que vous êtes en poste avec la sélection féminine. Quel est votre avis sur l’évolution que vous avez pu observer entre février 2023 et aujourd’hui ?

Oui, l’évolution se fait. Elle peut se faire assez facilement en plusieurs étapes. D’abord, ma nomination a été suivie rapidement pour moi d’un constat du football féminin national en Algérie. Il me semblait que les meilleures joueuses n’étaient malheureusement pas en Algérie, même s’il y a du potentiel, mais qui n’était pas du tout exploité. Vu ma connaissance du très haut niveau féminin, j’ai fait un bilan et je me suis dit qu’il fallait attirer les meilleures joueuses évoluant à l’étranger parce que nous en avions besoin pour la qualification à la CAN, qui était notre objectif avec la fédération. Il ne fallait donc pas que je me trompe.

“L’Equipe nationale change sans altérer son noyau, avec des va-et-vient de joueuses”

Dès votre nomination, aviez-vous une idée précise des noms en tête, car pour les premières listes, vous étiez allé jusqu’à 40-45 joueuses ?

Oui, il me semblait essentiel de montrer du respect et de l’humilité. L’élargissement de la liste était complètement naturel. J’aurais été prétentieux de ne pas prendre en compte une grande partie des joueuses évoluant en Algérie. Cela me permettait aussi d’être plus objectif lors de la construction de la liste pour les éliminatoires de la CAN. J’ai donc élargi cette liste plusieurs fois avant la CAN pour ensuite faire un bilan personnel et individuel de chaque joueuse, puis un comparatif avec les meilleures. J’ai côtoyé les meilleures joueuses du monde, et c’est intéressant. J’ai dégagé une liste assez régulière de joueuses internationales. Pour l’instant, cela semble fonctionner, et elle peut être complétée. Comme je dis toujours, c’est une sorte de vase communicant ; l’équipe nationale change sans altérer son noyau, avec des va-et-vient de joueuses, et cela me satisfait aujourd’hui.

Au-delà des joueuses que vous avez pu amener, on voit qu’il y a un travail au niveau de la fédération pour faire un lien entre les jeunes et les A, à l’image des deux jeunes U20 de l’Olympique Lyonnais, Amelia Zemma et Melissa Bethi ?

Il y a des besoins bien sûr, mais il est essentiel de tisser un lien entre les sélections, ce qui n’est pas trop fait en Algérie. Cela est essentiel pour l’objectif principal qui nous est fixé, la CAN. Il faut avoir le courage de prendre des jeunes, parfois au-delà des U23, pour ne pas démotiver les jeunes joueuses et leur donner l’ambition de faire partie de l’équipe nationale. Cela prépare aussi pour d’autres compétitions.

Comment arrivez-vous à gérer les stages en sachant qu’il n’y a toujours pas de date disponible pour la prochaine Coupe d’Afrique des Nations ?

C’est très compliqué, même pour notre direction à la fédération. Sans date fixe ni objectif définitif (à part la CAN), on ne peut pas établir un programme annuel définitif. Cela conditionne le projet sportif, le projet de jeu et la préparation de la CAN. On ne peut pas fixer les adversaires, ni les dates, ni donner aux joueuses un calendrier pour se projeter. C’est compliqué, mais on s’en sort pas trop mal grâce à la patience de tout le monde.

“Boutaleb a énormément de capacités et si Muller revient à 100% elle sera indiscutable”

Depuis votre arrivée, il y a un vrai projet de jeu par rapport au dernier sélectionneur, Radia Fertoul. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que Madame Radia Fertoul a fait du bon travail. Cependant, avec mon expérience internationale, cela fait parfois la différence. Nos entraîneurs algériens ont besoin de plus de pratiques internationales et de pragmatisme. La plus grande difficulté pour un entraîneur est de transposer ses idées tactiques et de jeu sur le terrain, surtout lors des compétitions officielles. Nous avons réussi à le faire, et j’espère profondément qu’on va nous sous-estimer.

Que pensez-vous du secteur offensif, car à mon avis, nous n’avons pas une autre attaquante du même profil que Naima Bouhani ?

Je pense que nous en avons une, Inès Boutaleb. Elle a énormément de capacités. Elle enchaîne les matchs internationaux, et pour digérer cela et s’épanouir au plus haut niveau, il faut continuer. C’est une joueuse indispensable en termes de qualité technique et de production collective.

J’aimerais aussi avoir votre avis sur le retour de Laura Muller dans le groupe au dernier rassemblement, malgré sa saison blanche.

Je l’ai convoquée parce que je la connaissais avant sa blessure. Si Laura Muller revient à 100% de ses moyens, elle sera certainement une titulaire indiscutable. On n’a pas ce profil de joueuse très puissante, bonne et capable de marquer beaucoup de buts. Malheureusement, elle a enchaîné les difficultés récemment. Elle est jeune, donc dès qu’elle sera prête, j’espère qu’elle reviendra à son meilleur niveau. La compétition étant repoussée, nous risquons d’avoir d’autres joueuses intéressées par l’équipe nationale.

“Les joueuses qui visent la France doivent prendre une décision rapidement pour l’Algérie”

Que pensez-vous des profils comme Nesrine Bahlouli ?

Oui, ça peut être une bonne pioche. Une jeune joueuse doit apporter quelque chose à l’équipe nationale. Je connais bien Nesrine Bahlouli et sa famille, elle est Lyonnaise et a un potentiel incroyable. Entre le potentiel et la réalité du match, il y a un fossé. Elle est en équipe de France espoir pour l’instant. Si elle exprimait son potentiel et décidait de venir avec l’équipe nationale d’Algérie, ce serait bien. Je pense aussi à des joueuses comme Lina Khelifi de Montpellier. On verra.

Il y a aussi Inès Belloumou du Bayern Munich ?

C’est toujours la même chose. Ce sont des joueuses qui pensent avoir encore une chance avec l’équipe de France. Elles doivent prendre une décision rapidement car une carrière de joueuse se fait en 6 ou 7 ans, à 100% de leurs capacités. Les objectifs se fixent tous les 2 ou 4 ans (Jeux Olympiques, Coupe du Monde). Si elles manquent une compétition, elles peuvent manquer l’autre, et le temps passe. Ces joueuses doivent saisir l’opportunité des matchs internationaux.

En parlant de carrière, un dernier mot pour Sylia Koui qui va arrêter juste après cette sélection ?

C’est une capitaine naturelle, même si Sofia Guellati porte le brassard. Sylia est très attachante, idéale pour un coach. Elle connaît très bien le football tactiquement et ses réflexions sont toujours pertinentes. Arrêter sa carrière montre une maturité chez Sylia. Elle l’a fait avec courage, en fonction de sa vie sociale, familiale et professionnelle. Elle va beaucoup nous manquer, et personnellement, elle va beaucoup me manquer, mais je resterai en contact avec elle.

Merci de nous avoir reçus, Monsieur Benstiti, pour cette interview.

Merci à vous.

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