En 1980, l’équipe algérienne de football participe pour la première fois aux Jeux olympiques. Ils n’en étaient pas encore certains, mais au fond d’eux-mêmes, les joueurs algériens se doutaient que ces Jeux olympiques de Moscou pourraient être importants. L’Algérie atteint les quarts de finale, et écrit une page de la belle histoire d’une décennie dorée du football algérien. Un article souvenir publié par Le Monde.fr !
Un an plus tôt, le pays avait décroché à Split (Yougoslavie) la troisième place des Jeux méditerranéens. Et au début de l’hiver 1980 à Lagos au Nigeria, l’équipe algérienne de football avait atteint la finale de la Coupe d’Afrique des Nations, abandonnant le rêve de décrocher son premier titre continental à des Nigérians trop forts pour eux (0-3).
Mais en 1980 à Moscou, tout est réuni pour que la participation algérienne entre dans l’histoire. « Déjà, pour se qualifier pour les JO de Moscou, nous avions éliminé le Maroc (5-1 à Casablanca, 3-0 à Alger), se souvient l’ancien milieu de terrain Ali Fergani, 27 ans à l’époque. Quand vous connaissez les relations difficiles entre les deux pays, vous imaginez bien que les supporters, déjà euphoriques après nos performances en Yougoslavie et au Nigeria, attendaient quelque chose de nous en URSS ».
Une génération dorée arrive à Moscou
Comme d’autres (Madjer, Belloumi, Menad, Assad, Bensaoula, Larbes, Guendouz), Ali Fergani appartient à cette génération bénie du football algérien des années 1980, celle qui disputera les Coupes du Monde 1982 et 1986. Cette génération se forge sur des victoires qui renforcent une complicité particulière au sein de l’équipe. Depuis plusieurs années, ces internationaux évoluent tous dans le championnat algérien, à CR Belcourt, JE Tizi Ouzou, l’USK Alger, le MC Alger, le MA Hussein Day, des clubs qui ont pour certains aujourd’hui changé de nom. « On se connaissait vraiment bien, dit le défenseur Chaabane Merzekane. Plusieurs d’entre nous avaient disputé la CAN au Nigeria, il y avait une vraie dynamique avant d’aller à Moscou, même si on ne nous donnait pas beaucoup de chances de passer le premier tour. »
Le tirage au sort des Jeux olympiques n’est pas favorable aux Algériens qui se retrouvent dans le même groupe que la RDA, l’Espagne et la Syrie. Durant ce premier tour du tournoi olympique de football, Moscou délocalise des matchs à Minsk, en Biélorussie, à Kiev, en Ukraine, et à Saint-Pétersbourg (anciennement Leningrad). Alors qu’elle rêvait du village olympique moscovite, l’équipe algérienne, qui doit jouer à Kiev et Minsk, quitte vite Moscou. « On avait fait le défilé lors de la cérémonie d’ouverture, mais le village olympique, nous l’avons vite quitté pour aller jouer nos rencontres », explique l’ancien milieu de terrain.
Mais, comme tient à le rappeler Ali Fergani, quitter Moscou n’est finalement pas une déception : « Pour nous, c’était secondaire, on était là pour faire un résultat ». Et l’ancien milieu de terrain d’ajouter : « Mais évidemment, c’était particulier comme Jeux. Il manquait du monde, et nous savions que dans certaines disciplines, l’absence de certains athlètes allait faire baisser le niveau »
Beaucoup de nations ont en effet boycotté les Jeux olympiques de Moscou à la suite de l’intervention soviétique en Afghanistan en décembre 1979. Les États-Unis, la RFA, le Japon, la Grande-Bretagne, la Corée du Sud, la Chine le Canada et plusieurs états musulmans ont notamment refusé de venir. Des six pays d’Afrique du Nord, seules l’Algérie et la Libye, dont les liens avec Moscou sont étroits, ont envoyé une délégation de l’autre côté du rideau de fer.
Pour l’Algérie, le premier tour de ces Jeux olympiques se passe bien. À Minsk, au lendemain de la cérémonie d’ouverture, l’Algérie frappe fort en balayant la Syrie (3-0). « On avait beau être loin de Moscou, nous ressentions l’esprit olympique, continue Ali Fergani. Il y avait du monde dans les stades, les gens étaient plutôt heureux, l’ambiance était vraiment agréable. » Deux jours plus tard, à Kiev, la sélection algérienne s’incline face à la République démocratique d’Allemagne (RDA), 0-1, futur finaliste contre la Tchécoslovaquie.
L’équipe profite de l’ambiance, et communie avec ses supporters. De retour à Minsk, l’Algérie décroche son billet pour les quarts de finale grâce à un match nul, 1-1, contre des Espagnols trop peu sûrs d’eux. Dans la future capitale biélorusse comme à Kiev, les joueurs profitent de la ville. « On se baladait, c’était plus libre, plus détendu que lors d’une Coupe du Monde, se rappelle Ali Fergani. Mahieddine Khaalef, notre sélectionneur, nous laissait du temps. » En ville, les joueurs sont escortés par « des jeunes qui poursuivaient leurs études en URSS, ce qui était assez courant à l’époque », se souvient Chaabane Merzekane.
« Il y avait moins de médias qu’aujourd’hui, et les images [des matchs] étaient plus rares, relève l’ancien défenseur. Mais nos supporters étaient bien informés, depuis nos résultats à Split et au Nigeria, quelque chose avait changé, la sélection était redevenue importante… »
C’est la Yougoslavie qui mettra fin au parcours algérien. L’équipe slave gagne 3-0, et atteindra les demi-finales. Les anciens joueurs algériens soulignent la force des Yougoslaves, légitimant en quelque sorte leur défaite. « Il ne faut pas perdre de vue qu’à cette période, les sélections olympiques de certains pays – URSS, RDA, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Algérie – comptaient dans leurs rangs des internationaux A, donc dans certains cas, c’était presque la sélection nationale qui jouait », explique ainsi Merzekane.
Avant de regagner Alger, la sélection nationale fait un crochet par Moscou, où elle redécouvre, pour trois jours, la vie du village olympique. « On faisait du tourisme, pour visiter la Place Rouge ou d’autres endroits, et on assistait à quelques autres épreuves, continue le défenseur. Il n’y avait ni socialisme, ni capitalisme, on côtoyait des sportifs venus du monde entier, au restaurant du village, tout le monde parlait avec tout le monde. »
Cette première participation de l’Algérie au tournoi olympique de football s’achève à Alger, où les joueurs sont reçus par les autorités. Chaabane se souvient de l’accueil « chaleureux » que leur ont réservés leurs supporters, comme un prélude aux belles années à venir du football algérien, avec notamment la victoire de la Coupe d’Afrique des Nations en 1990.