Le football, ce sport universel qui transcende les frontières, est aussi un miroir grossissant des passions humaines. En Algérie, il est bien plus qu’un jeu : il est une religion, une identité, un exutoire. Mais parfois, cette ferveur se mue en injustice, en lynchage médiatique, en chasse aux sorcières. C’est ce qui arrive aujourd’hui à Mustapha Ghorbal, arbitre international algérien de renom, victime d’une cabale orchestrée par certains médias et amplifiée par les réseaux sociaux. Une tempête déclenchée par une prestation controversée lors du match entre le MC Alger et l’Olympique Akbou, où une erreur humaine a été transformée en scandale national. Il est temps de rétablir la vérité, de dénoncer cette machination et de rappeler que l’arbitrage, comme le football, est une affaire d’hommes, non de machines infaillibles.
Cette suspension est d’autant plus choquante qu’elle ignore le contexte. L’absence de VAR, un investissement pourtant vanté par la FAF, a laissé Ghorbal seul face à des décisions complexes. Un championnat sans VAR ou avec une VAR à la carte est un championnat biaisé, inéquitable et injuste. En d’autres termes, la FAF, en ne garantissant pas des conditions optimales, porte une part de responsabilité dans ce fiasco. Mais il est plus facile de sacrifier un homme que de reconnaître des carences systémiques.
Une suspension disproportionnée, la FAF cède à la pression
Face à l’indignation générale, la FAF réagit avec une sévérité qui interroge. Mustapha Ghorbal est suspendu jusqu’à la fin de la saison 2024-2025, une sanction qui l’écarte même de la finale de la Coupe d’Algérie. Une décision qui semble moins motivée par la justice que par la nécessité d’apaiser les foules et de protéger l’image de la fédération.
Pourtant, Ghorbal n’est pas un novice. À 39 ans, cet arbitre international, badgé FIFA depuis 2014, est une fierté nationale. Il a officié lors de la Coupe du Monde 2022, dirigé la finale de la Ligue des Champions CAF 2019-2020, et est sélectionné pour la Coupe du Monde des Clubs 2025 aux États-Unis. Ces mêmes médias qui le vilipendent aujourd’hui chantaient ses louanges hier, célébrant un homme qui « porte haut les couleurs de l’Algérie ».
Si la FAF a cédé à la pression, certains médias ont attisé les flammes. Des articles sensationnalistes, des titres accusateurs, des analyses partiales sur les plateaux TV : Ghorbal est dépeint comme un incompétent, voire un comploteur ayant « favorisé » Akbou. Cette narrative, relayée sans nuance, ignore qu’il a également omis un penalty pour Akbou en première mi-temps, preuve qu’il n’y avait aucun parti pris.
Pire, elle alimente un harcèlement en ligne d’une violence inouïe. Sur Facebook, les insultes pleuvent, les menaces fusent, et Ghorbal devient une cible à abattre. Cette dérive est une honte. Harceler un homme pour une erreur professionnelle, c’est non seulement inhumain, mais c’est aussi trahir l’esprit du sport, qui prône le respect et l’unité.
Ces médias, en quête de clics et de buzz, ont une responsabilité écrasante. Plutôt que d’analyser les faits avec recul – l’absence de VAR, les pressions sur les arbitres, les limites humaines – ils ont préféré jeter Ghorbal en pâture. Cette ignorance dans la gestion de l’information, cette incapacité à éduquer plutôt qu’à exciter, est un échec journalistique. Où est la déontologie ? Où est la mesure ? Ghorbal n’est pas un criminel, mais un professionnel qui, comme tout arbitre, peut se tromper. Même les plus grands, de Pierluigi Collina à Howard Webb, ont connu des controverses. Pourquoi un tel acharnement contre un Algérien qui a fait briller son pays sur la scène mondiale ?
Une cabale qui révèle un malaise plus profond
Cette affaire dépasse le cas Ghorbal. Elle met en lumière un malaise profond dans le football algérien : une culture de la polémique, une méfiance chronique envers l’arbitrage, et une incapacité à accepter l’erreur humaine. Chaque match est un tribunal, chaque arbitre un accusé potentiel. Cette mentalité, alimentée par certains plateaux télés en quête de scandales et des supporters prompts à la colère, fragilise le sport national. Elle décourage les talents, comme Ghorbal, qui pourraient hésiter à poursuivre une carrière sous une telle pression.
Elle révèle aussi une hypocrisie. Les mêmes qui accusent Ghorbal d’avoir « saboté » le MCA oublient qu’il est une victime collatérale d’un système défaillant. Où étaient ces critiques lorsque la FAF promettait une VAR généralisée sans tenir parole ? Où étaient-ils lorsque Ghorbal faisait honneur à l’Algérie à l’international ? Cette cabale n’est pas seulement une attaque contre un homme, c’est une trahison des valeurs d’équité et de solidarité que le football devrait incarner.
Il est temps de dire stop. Stop à l’acharnement, stop au harcèlement, stop à la diabolisation. Mustapha Ghorbal mérite le respect, non seulement pour son palmarès, mais pour son humanité. Il a commis des erreurs, comme tout arbitre, comme tout être humain. Mais il n’a pas mérité cette chasse aux sorcières, cette suspension disproportionnée, cette violence verbale.