A 44 ans, l’ex-international algérien Nassim Akrour (18 sélections, 6 buts entre 2001 et 2004) ne compte toujours pas raccrocher les crampons. Buteur encore prolifique au FC Annecy en 4ème division française, il explique le secret de sa longévité dans un entretien accordé à FootActu où il évoque également son passage mémorable en sélection algérienne.
Il a connu le monde pro, la Ligue 1, les joutes des rencontres internationales en terre africaine et des stades pleins à craquer. Il a connu ce football de haut niveau qui fait rêver tant de jeunes. Il aurait pu arrêter, passer à autre chose. Mais ce n’est pas son genre. A 44 ans, Nassim Akrour est redescendu depuis quelques saisons au niveau amateur, toujours en gardant en tête une seule idée : le plaisir de jouer, de marquer.
Son début de carrière n’est pas comme les autres. Après avoir pris sa première licence à 13 ans du côté de Colombes, il arrête le football. Nassim ne retrouve le ballon rond qu’à 18 ans du côté de Noisy le Sec. Un club qui lui permet de connaître le National et de faire ses débuts en pro. Le début d’une carrière qui dure depuis 23 ans. Rencontre.
Nassim, après Noisy le Sec, vous décidez de partir pour l’Angleterre (1997), pourquoi ?
J’ai joué 3 ans là-bas au niveau D4 ou D5. Sincèrement, je suis parti sur un coup de tête. Je suis allé voir mon oncle en vacances et j’y suis resté. Cela m’a permis de voir autre chose, d’apprendre une nouvelle culture. Au niveau football, j’ai appris la conservation du ballon, à rester solide dans les duels. Vraiment ce n’était que du plaisir.
En 2000 vous revenez en France…
A Istres plus précisément. Je fais une saison en National, puis en Ligue 2 avant d’être prêté à Troyes qui évoluait alors en Ligue 1. Après deux saisons du côté de l’ESTAC, je m’engage 3 ans avec Le Havre, mais je ne reste que 6 mois avant de signer à Grenoble.
Et là débute une véritable histoire d’amour, puisque vous allez devenir plus tard le joueur le plus capé du club…
C’est vrai que c’est un club qui représente plein de choses pour moi. C’est là, où j’ai été révélé au plus haut niveau. Je me suis adapté à la ville, à ses habitants, à la région. C’est une belle période de ma carrière, avec à la clé une montée en Ligue 1.
Alors que le club se retrouve en CFA, vous n’hésitez pas à aller donner un coup de main après une pige de trois ans à Istres ?
Plus qu’un coup de main, c’était surtout l’opportunité de revenir dans mon club de cœur. Pendant trois ans, on n’a pas réussi à accéder au National. A chaque fois, ça s’est joué à rien. C’est après que l’équipe a réussi à gravir les échelons pour se retrouver en Ligue 2, où elle réalise un bon début de saison (9e avec 11 points, ndlr).
Vous qui avez connu la Ligue 1, la différence est-elle importante avec le niveau de National 2 ?
C’est un gouffre ! Le National 2 est, entre guillemets, le championnat des centres de formation. Même si on rencontre des équipes qui veulent et peuvent monter, la base reste les réserves. Il y a donc une opposition entre l’expérience de certains joueurs et la jeunesse. Avec Annecy, nous sommes dans un groupe où l’on retrouve quatre réserves (Poule A avec Monaco, Nice, Lyon et Marseille, ndlr), et je peux vous dire que je vois beaucoup de jeunes ! A tel point, que j’ai l’impression d’être grand-père (rires). Mais c’est un championnat que j’aime bien et dans lequel je prends beaucoup de plaisir. Ça joue bien au football, on rencontre des entraîneurs qui proposent du jeu, c’est une bonne chose.
On sent toujours votre envie de jouer au ballon, de gagner, de vouloir marquer ?
Vous savez, quand on décide de jouer au football, il faut être compétiteur. Je le suis. Le jour où je n’ai plus ça en moi, j’arrête. Quand je rentre sur le terrain, je n’ai qu’une idée en tête : gagner. Même, si ça reste un jeu avec du plaisir, je ne suis pas là pour rigoler ou m’amuser.
On a donc découvert votre secret de longévité…
(Sourires) Oui, l’envie, la joie, le bonheur et surtout ne pas se prendre la tête. Mais, il y a également une dose de sérieux, surtout en dehors des terrains. De toute façon, si un jour tu veux devenir professionnel, tu es obligé de l’être, sinon tu n’y arriveras pas. Tu ne peux pas faire la fête tous les jours et évoluer dans le monde pro, les deux ne vont pas ensemble. Il faut toujours garder en tête que dans un groupe pro, il peut y avoir 3 à 4 joueurs qui peuvent jouer à ton poste. Alors à un moment quand ça n’ira pas, tu seras écarté. C’est un sport individuel à l’intérieur d’un sport collectif. Il faut se gérer, se préparer seul, être présent et donner le meilleur de soi-même.
Quand on a 44 ans, on joue et on se prépare différemment ?
Bien sûr. Je gère mes efforts, il y a beaucoup de placement. Je n’ai pas besoin de courir de partout. La récupération avant un match est importante. Quand on joue le samedi, je prends mon jeudi pour les soins, la récup’. Les entraînements sont là pour se peaufiner, le plus important est d’être prêt le jour J et ce même à mon âge. Il faut être constant, s’entraîner pour ne pas rester en « batterie faible ». Plus le corps vieillit, plus il faut l’entretenir, c’est comme une voiture avec 500 000 kilomètres au compteur (rires). Mais attention de ne pas en faire trop. Il faut préférer la qualité à la quantité. Je sais aussi que je ne vais pas jouer tous les matchs. Je ne me prends plus la tête avec ça.
Même à votre âge, vous rappelez l’importance de bien s’entraîner…
Je vais vous dire, j’ai connu des joueurs talentueux qui n’ont pas fait une grande carrière. Le talent ça va un temps. Si tu ne travailles pas, tu vas rester sur tes acquis et tu ne vas pas progresser. Il faut travailler, c’est obligatoire ! Sinon, tu ne peux pas réussir. Quand un joueur talentueux n’a pas de contrat à sa sortie du centre de formation, c’est qu’il y a un problème.
Vous avez un peu ce rôle de « grand frère » dans le vestiaire ?
Il se fait tout seul avec ce que tu as pu faire tout au long de ta carrière. Les joueurs savent qui tu es, ils t’ont vu à la télé. Ils t’écoutent, te demandent des choses, ça vient naturellement, sans en faire trop. Ils apprennent des anciens, mais on apprend aussi des plus jeunes. C’est bien quand ça se passe comme ça.
“Mon passage en sélection ? J’en garde de très bons souvenirs”
On passe à un autre chapitre de votre vie, la sélection nationale. Vous avez disputé près de 20 matchs avec l’Algérie, que retenez-vous de cette expérience internationale ?
J’ai joué 4 ans en tout pour l’Algérie et j’ai disputé deux coupes d’Afrique. Je n’en garde que de très bons souvenirs avec de belles rencontres. Pour moi, ça reste un point positif. J’aurais peut-être pu continuer un peu, mais j’ai préféré laisser ma place aux jeunes. Je pouvais difficilement concilier la sélection et la Ligue 1 à mon âge, il y avait beaucoup de voyages.
Il y avait une certaine fierté de pouvoir jouer devant le peuple algérien ?
Bien évidemment ! Que ce soit pour ma famille ou pour moi, il y avait de la fierté. Je suis né en France, j’ai la nationalité française. J’ai eu par la suite la double nationalité, l’Algérie m’a appelé, j’ai fait un choix. Si la France s’était présentée également, ça aurait été peut-être plus difficile de choisir. Et c’est normal, on est français même si on a une culture maghrébine. Si j’avais pu jouer pour les deux pays, j’aurais été le plus chanceux du monde. Peut-être même, si demain la France m’appelle, j’y vais !
Même à votre âge ?
J’y vais même à la nage s’il le faut (rires). Non mais plus sérieusement, c’est surtout important de souligner le fait que nous avons deux cultures, c’est quelque chose de vraiment génial, c’est enrichissant. Il ne faut pas le renier. Ce n’est pas de notre faute si on est né en France et si on a reçu cette double éducation. Il ne faut rien oublier et être fier de ce qu’on est.
Pour finir Nassim, si vous devez vous définir en tant que joueur ?
En un mot ? Simplicité.
Portrait d’Akrour avec l’Algérie :
https://www.youtube.com/watch?v=xKlKCCdI7-s
Entretien réalisé par ActuFoot