Ces dernières années, tout et son contraire ont été rédigé au sujet de Yassine Benzia. L’ex-futur Karim Benzema a laissé place à un numéro 9 peu convaincant puis à un milieu de terrain d’abord intéressant puis devenu trop inconstant. Finalement, et à seulement 24 ans, que vaut réellement Benzia ? Embarqué dans une galère en Turquie, l’ancien Lyonnais a une grosse carte à jouer face au Togo, sous le maillot vert, après la confiance que lui a témoigné le sélectionneur Belmadi. L’heure de vérité.
En football, comme ailleurs, la question de la succession ne se fait jamais sans heurt. Après tout, rares sont les fils qui ne rougissent pas de la comparaison avec leur père (si ce n’est Paolo Maldini peut-être). Phénomène plus intéressant encore, le football n’est pas exempt de son lot de comparaisons fortuites, ou non, entre deux joueurs qui ne sont pas issus de la même famille. Après tout, les Français ont eu leur bonne vingtaine de nouveaux Zidane (une pensée émue pour le talent brisé Mourad Meghni) sans qu’aucun ne tienne jamais la dragée haute au vrai Yazid.
L’ex-futur grand buteur
A Lyon, son club formateur, Yassine Benzia, lui, était l’un des énièmes futurs Karim Benzema. S’il a connu, et connaît encore, plus de réussite qu’un certain Yannis Tafer (qui a choisi officiellement l’Algérie mais qui n’a jamais fait l’objet d’aucune sélection bien que Gourcuff l’ait retenu dans une pré-liste ultra-élargie de 37 joueurs), le natif de Saint-Aubin-les-Elbeuf (Normandie) a fortement déçu à son poste de formation, celui de numéro 9.
À l’Olympique Lyonnais, ses premières années furent les plus belles. Chez les moins de 17 ans rhodaniens, qui ont tout de même vu défiler de sacrés joueurs, il est le meilleur buteur de l’histoire avec 36 réalisations. Chez les espoirs français, il enregistre 40 sélections des moins de 17 ans aux Espoirs et inscrit la bagatelle de 26 buts s’illustrant notamment lors de la Coupe du Monde U20 au Mexique en 2011. Il était alors annoncé sur les tablettes des plus grands clubs, de Liverpool au Milan AC en passant par la Juventus de Turin.
L’arrivée dans le monde professionnel, quant à elle, est bien moins dorée avec cette étiquette de grand espoir du football français. Injustement catalogué comme un gamin au sale caractère, Yassine échoue dans les grandes lignes à s’imposer, n’inscrit jamais plus de 2 buts par saison et, après 4 ans de va-et-vient entre réserve et équipe professionnelle, il décide alors de tenter l’exil en terre lilloise.
Le repositionnement tactique à Lille
L’arrivée à Lille sera rédemptrice sur de nombreux points pour celui dont les grands parents vivent à Oran. Sorti de son cocon lyonnais, de sa zone de confort de crack en devenir, il est obligé de se battre, enfin. Avec Frédéric Antonetti, technicien corse à poigne, il muscle son jeu et est, pour l’occasion, reconverti milieu de terrain. Fini le dézonage incessant qui lui avait valu moult critiques, le voilà désormais milieu offensif et parfois même milieu défensif à son grand étonnement. Sa vison du jeu et sa qualité technique, absolument indéniable, est jugée très appréciable, tant à la finition qu’à la construction du jeu.
Le mois de février 2016 arrivé, c’est un choix de sa part qui en fait un des nôtres : à 21 ans et demi Yassine annonce enfin sa décision de rejoindre les Verts. C’est Christian Gourcuff qui achève de convaincre le néo-Lillois de défendre les couleurs de son pays d’origine pour faire honneur à son papa décédé trop tôt. Il se défend des critiques, lui qui a si longtemps défendu ardemment les couleurs françaises, dans une longue interview qu’il accorde au journal Le Monde. Il inscrit même en juin face aux Seychelles, dès sa première titularisation, son premier – et unique jusque là – but en Équipe Nationale.
L’instabilité du LOSC freine sa progression
Tout semble alors réuni pour le voir enfin éclater au plus haut niveau. Sa première saison est intéressante, tant dans le jeu que dans les statistiques où il dispute 25 matchs et inscrit 5 buts en dépit des crises internes au LOSC. Il faut croire que ce n’est pas suffisant pour Benzia. En dépit d’une seconde saison qui s’annonçait elle aussi prometteuse sans pour autant assurer son décollage, Yassine s’écrase, de nouveau, avec l’ensemble de son club. 2017-2018 voit l’effectif remodelé dans sa quasi-totalité, à l’exception ou presque de l’international algérien.
Marcelo Bielsa, qui avait senti venir les futures explosions de Benjamin Mendy et Florian Thauvin à l’OM, ne manquait pourtant pas de louanges au sujet de son numéro 10 du LOSC, affirmant ainsi que “dans ce registre (celui de meneur de jeu axial), je pense que Benzia est un joueur généreux qui réfléchit, qui est très autocritique et il aura un bel avenir”. Paroles d’expert.
En dépit de telles déclarations, d’un nouveau statut de capitaine et de 31 matchs de championnat disputés, un record pour lui, Benzia échoue à porter les Dogues vers les sommets de la Ligue 1 française. Il délivre certes 5 passes décisives et gagne en maturité sur le plan personnel mais son club frôle la relégation toute la saison et connait de multiples tensions avec les supporters. Le nouvellement intronisé entraîneur Christophe Galtier reproche même à l’international algérien ses sorties à répétition en conférence de presse par ces mots très clairs : “ Et lui, il est irréprochable ?”.
Un mauvais choix de carrière en Turquie ?
A l’aube d’une nouvelle saison 2018/19 qui s’annonce prometteuse et après quelques rencontres assez brillantes (contre Monaco et Rennes) Benzia fait un choix de carrière pour le moins surprenant. Le 31 août, dernier jour du mercato, il s’en va, aidant ainsi le club nordiste à souffler financièrement et ne participant donc pas à la belle remontée lilloise cette saison (le LOSC est actuellement 2ème derrière le PSG). Prêté avec option d’achat à Fenerbahce, où il rejoint un certain Islam Slimani, il quitte précipitamment le championnat de France. Manque de pot – décidément -, il débarque au sein d’une équipe stambouliote en pleine crise. Malgré des premiers matchs encourageants, il peine à apposer sa patte sur le jeu turc et connait en peu de temps un énième changement d’entraineur.
Lors du bouillant derby stambouliote face à Galatasaray il craque littéralement. Remplacé à la mi-temps alors que son équipe est menée 2-0 (elle égalisera finalement à 2-2), il poste alors une story Instagram absolument ridicule dans laquelle il s’en prend aux choix de son coach qui “ne comprend rien au football” et regrettant un acharnement à son encontre, mimant un certain Mario Balotelli et son “Why always me?”. Il est immédiatement mis au placard jusqu’à nouvel ordre et la presse turc annonce la fin de sa collaboration avec son agent de toujours. Contacté par nos soins ce dernier a formellement démenti les affabulations de la presse turc assurant que tout rentre progressivement dans l’ordre avec son protégé.
La confiance de Belmadi pour le relancer
En EN, pendant ce temps là, il bénéficie de la pleine confiance de Djamel Belmadi. Face au Bénin, à domicile, il joue numéro 10 et aère le jeu algérien. Pourtant, et dès qu’il s’est agit d’aller au combat, il a regoûté à la surprise générale au banc des remplaçants à Cotonou (pour une défaite 1-0). Le public algérien, lui, s’interroge sur la valeur de ce joueur qui ne compte après tout que 3 petites sélections avec les Verts (pour 2 titularisations). Dans une situation très critique en club, Benzia est appelé à convaincre sous le maillot algérien avec cette main tendu du sélectionneur national qui compte visiblement lui confier un rôle important dans son projet de reconstruction. À seulement 24 ans, Yassine Benzia est déjà à la croisée des chemins. Les immenses espoirs déchus sont légions en football et le natif de Normandie ne saurait l’oublier. Face au Togo à Lomé, l’ancien Lyonnais devra forcément briller pour continuer à exister et ne pas plonger dans le doute. L’Oranais est assurément à un tournant de sa carrière.
Son premier but avec l’Algérie :
Walid Passas, La Gazette du Fennec