Adversaire de l’Algérie ce vendredi 11 juin, la Tunisie de Mondher Kebaier a enregistré l’arrivée de plusieurs binationaux à fort potentiel. Les derniers en date, les prospects de Manchester United et Arsenal, Hannibal Mejbri et Omar Rekik. Alors que l’Algérie tatonne et peine à convaincre les joueurs issus de la diaspora, le voisin tunisien, par l’intermédiaire de Slim Ben Othman, ne cesse de se renforcer. Décryptage.
Votée le 30 mai 2008, la loi Bahamas a permis à moults nations du monde de se renforcer avec l’arrivée de plusieurs joueurs bi-nationaux. En tête de liste, l’Algérie, dont l’ancien président de Fédération, Mohamed Raouraoua, n’était autre que l’instigateur de cette proposition. Avant cette loi, les joueurs ayant déjà opté pour une sélection en jeunes ne pouvaient alors plus changer de nationalité passé le cap des 21 ans. Avec cette loi, tout joueur ayant joué dans une sélection de jeunes pouvaient, à n’importe quel moment de sa carrière, changer de nationalité sportive. C’est ce qui a permis à Habib Bellaid, Mourad Meghni, Hassan Yebda -ou plus tard- Yacine Brahimi, Faouzi Ghoulam et Ishak Belfodil d’opter pour les Fennecs après avoir évolué avec les Bleuets.
Depuis cette loi, la course aux renforts au sein des nations africaines ne s’est jamais estompée. Dernièrement, le Sénégal a enregistré les arrivées de Nampalys Mendy et Abdou Diallo notamment. D’autres sélections œuvrent actuellement en coulisses pour attirer les meilleurs éléments, à l’image du Maroc avec Issa et Sofiane Diop, du Ghana avec Callum Odson Odoi ou de la République Démocratique du Congo avec Aaron Wan-Bissaka. De son côté, l’Algérie, et malgré son titre de championne d’Afrique, n’attire pas. Houssem Aouar, Amine Gouiri, Rayan Aït-Nouri ou encore Rayan Cherki, tous ont été sondés par la FAF à travers Djamel Belmadi. Le premier a clairement refusé la proposition tandis que les autres cités semblent encore jouer la montre. Un problème que ne rencontre visiblement pas le voisin tunisien, adversaire des Fennecs ce vendredi.
Mejbri et Rekik, des symboles
Élu joueur de la saison au sein de l’équipe U23 de Manchester United, Hannibal Mejbri poursuit son ascension. Le néo-international tunisien a d’ailleurs effectué sa première apparition en professionnel lors de la dernière rencontre de Premier League face Wolverhampton (1-2 ; entré à la 82ème). Tête d’affiche de la génération 2003 en France, le natif d’Ivry-sur-Seine a fait ses classes avec les Bleuets avant de finalement opter pour la Tunisie en A. Interrogé sur son choix, le Red Devil espère carrément être une source d’inspiration pour les jeunes binationaux : « Je suis très fier de ce choix-là. La Tunisie, c’est mon pays, c’est le pays de mes parents donc c’est sûr qu’il y a une forte complicité. […] C’est un choix important qui va influencer beaucoup de jeunes, je pense. Il y a beaucoup de jeunes d’autres nationalités qui peuvent se retourner vers le pays de leurs parents, revenir aux sources. Je pense que c’est très important pour l’Afrique » avait-il déclaré pour RMC. Et pourtant, la France a tenté de retenir le jeune joueur de 18 ans jusqu’aux toutes dernières heures, comme l’a affirmé sa maman : « Jusqu’à hier soir la France a appelé Hannibal pour lui demander s’il était vraiment sûr de son choix en faveur de la Tunisie. Il leur a répondu que c’est son cœur qui a choisi » avait-elle avoué lors de la présentation de son fils.
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Hannibal Mejbri portera le numéro 14 en sélection, tandis qu’Omar Rekik prendra le 19 pic.twitter.com/Zn34GMYAML
— ETTACHKILA (@EttachkilaTN) May 30, 2021
Dans le même temps, Omar Rekik (frère de Karim, l’ancien joueur de l’OM), a, lui aussi, opté pour les Aigles de Carthage. Entre les Pays-Bas -pour qui il avait joué en U18- et la Tunisie, le défenseur central a tranché en faveur de son pays d’origine. Passé notamment par Manchester City et le PSV, Rekik évolue désormais avec les jeunes d’Arsenal. Ces deux arrivées, de par le potentiel et la précocité du choix des joueurs, sonnent véritablement comme des symboles. Derrière ces renforts, un homme, Mohamed Slim Ben Othman. Ancien joueur tunisien notamment passé par le SCO d’Angers et l’US Orléans, il est, depuis juillet 2020, directeur sportif chargé des binationaux au sein de la FTF. Une Fédération Tunisienne qui, à l’aube de la Coupe du monde 2018 a pris, à bras-le-corps, les dossiers des binationaux.
Contacté par nos soins, Sofiane, rédacteur et contributeur pour le site tunisien, Ettachkila, nous a confié : « Le tournant (en faveur des binationaux, ndlr) a été entrepris au printemps 2018, juste avant la Coupe du monde, avec les arrivées de Mouez Hassen et Benalouane notamment. Le président de la FTF apporte les différentes garanties. Slim Ben Othman, lui, parle beaucoup avec les joueurs, leurs familles et les agents. Sa mission est focalisée sur les joueurs de 21 ans et moins ». Hannibal Mejbri (Manchester United), Omar Rekik (Arsenal) ou encore Hamza Rafia (Juventus Turin), personne ne sait encore si ces joueurs vont apporter un plus au champion d’Afrique 2004 mais leurs arrivées dénotent, déjà, d’un véritable tournant dans le dossier des binationaux.
Le cas Aïssa Laïdouni
Formé au SCO d’Angers, c’est à l’étranger qu’Aïssa Laïdouni va se faire un nom. D’abord en Roumanie au sein du FC Voluntari, puis en Bulgarie avec le Ferencvaros TC. Au sein du champion bulgare en titre, le Franco-Algéro-Tunisien va disputer la phase de poules de la Ligue des Champions face à la Juventus et au FC Barcelone. Une campagne européenne qui attirera naturellement les regards sur le natif de Livry-Gargan. Invité de l’émission “C’est vous l’Expert”, le milieu de terrain n’avait pas caché son envie de jouer pour les Fennecs : « Me concernant je ne me fixe aucune limite, je me donne les moyens pour réussir et si c’est ma destinée de rejoindre l’EN d’Algérie, qu’Allah me l’octroie. […] Je ne peux rien dire au sélectionneur (Djamel Belmadi, ndlr). Il sait ce qu’il doit faire. La seule chose qui doit venir de moi, c’est être performant, continuer à travailler, m’améliorer et être meilleur sur le terrain » avait-il déclaré.
EN: ignoré par Belmadi, Aïssa Laïdouni très proche de la Tunisie
Né d’un père algérien et d’une mère tunisienne, Laïdouni avait fait son choix en faveur des Champions d’Afrique, et ce, malgré les appels du pied de la Tunisie dès l’automne 2020. La FAF, de son côté et par l’intermédiaire du staff de Belmadi a, selon nos informations, supervisé plusieurs fois l’ancien Angevin mais n’a pas jugé bon de faire appel à lui. Finalement, et sans aucun signe de la part de Djamel Belmadi, c’est vers la Tunisie que s’est dirigé Aïssa Laïdouni en mars dernier. Un choix qui s’avère, à l’heure actuelle, payant, puisque le joueur de l’année en Hongrie s’est rapidement illustré lors de ses premières apparitions en tant que sentinelle. Un poste qui, justement, est en proie à de multiples interrogations au sein de l’EN algérienne après les dernières sorties de Adlène Guedioura. Désigné homme du match lors de ses deux premières apparitions avec les Aigles de Carthage, Laïdouni a tout simplement laissé une très forte impression aux observateurs tunisiens séduits par sa puissance et sa justesse technique. Une perte pour les Verts ?
Un problème structurel au sein de la FAF ?
On le disait en prélude, l’Algérie a dû mal à attirer des jeunes binationaux à fort potentiel dans son sillage. Arrivés en mars et outre le fait qu’ils n’évoluent pas dans des clubs huppés, Ahmed Touba et Ramiz Zerrouki ne semblent pas avoir eu de réelles convoitises de la part des pays où ils ont été formés (Belgique et Pays-Bas). Le dernier gros dossier en date n’est autre qu’Ismaël Bennacer. À l’époque, nous sommes à quelques mois de la fin de l’ère Mohamed Raouraoua et c’est Yazid Mansouri qui s’occupe des différents dossiers, dont celui du jeune Gunner qui optera pour l’Algérie au détriment du Maroc voire de la France. Durant le mandat de Zetchi, aucune véritable cellule n’a été mise en place pour attirer des joueurs nés et formés à l’étranger. Il aura fallu l’arrivée de Djamel Belmadi pour revoir un intérêt de la FAF en direction des binationaux à fort potentiel. Sondé par l’actuel sélectionneur national, Houssem Aouar a poliment refusé la proposition. De leurs côtés, Amine Gouiri et Rayan Cherki ont également été sollicités mais semblent encore jouer la montre.
Quant à Rayan Aït-Nouri, le dénouement semblerait proche. L’arrière gauche pourrait rejoindre les Fennecs dans les mois à venir même si, selon nos informations, ce n’est que le second choix du joueur de Wolverhampton qui a vu l’Équipe de France s’éloigner. Alors, manque de patriotisme de la part des joueurs ou problème de structuration au sein de la Fédération algérienne qui empêcherait la finalisation des dossiers ? Actuellement (et malheureusement ou non), le choix d’une sélection ne se fait plus uniquement sur un critère sportif. D’autres garanties doivent être apportées pour rassurer le joueur et son entourage. L’on se demande alors si le sélectionneur national est la personne à même de prendre en main les différents cas. Du côté tunisien, le choix a été fait, un directeur sportif a été mis en place. Pour le moment, cela semble porter ses fruits.
Djamel Belmadi : « Toujours compliqué d’affronter la Tunisie »