La défaite cruelle mais logique des Fennecs face aux Aigles de Carthage (1-2) pour le compte de la 2ème journée a ruiné les derniers espoirs Algériens. Au-delà de la performance catastrophique de certains éléments sur lesquels nous ne tirerons pas d’abord parce qu’ils se reconnaîtront et d’autre part pour ne pas nous adonner à l’exercice facile de la critique pour la critique, du tir lâche sur l’ambulance. Il est toutefois grand temps, pour le bien de cette sélection plus grande que nous tous et qui agonise lentement, de situer les responsabilités de chacun.
L’art de construire pour détruire
En football comme dans le sport en général, la défaite fait partie des issues possibles. L’équipe d’Algérie a perdu hier et elle perdra demain. Ce n’est pas un drame en soi car il faut un vainqueur et un vaincu. Mais lorsque des responsables reproduisent sans cesse les mêmes erreurs, l’autodestruction programmée conduit à une défaite qui n’est plus acceptable. Elle devient le résultat de la stratégie du pire que les fédéraux du football algérien ont initiée depuis quelques mois dans leur tour d’ivoire de Sidi Moussa croyant détenir la vérité révélée. L’incompréhensible gestion personnalisée qui consiste à concentrer les affaires de l’équipe nationale autour d’une seule personne, celle du Président Mohamed Raouraoua, aussi respectable soit-il, a causé du tort et continuera à engendrer des résultats négatifs.
Évidemment, il faut reconnaître avec objectivité des succès certains que toute la famille sportive salue comme la professionnalisation incontestable de l’instance fédérale, une gestion financière saine (la Fédération la plus aisée d’Afrique), une logistique rigoureuse et le formidable outil du CTN de Sidi Moussa financé par l’État. Ceci étant, si la gestion financière et matérielle reste saine et même plagiée par de nombreuses fédérations africaines et maghrébines qui s’en inspirent, la grande faiblesse de la de la FAF réside dans sa gestion technique calamiteuse.
Le talon d’Achille technique de la FAF
Partout ailleurs l’adage dit que l’on ne change pas une équipe qui gagne. Oui mais pas en Algérie où l’on a changé les sélectionneurs qui gagnaient pour ramener ceux qui perdent. Tour à tour, Saadane, Halilhodzic, Gourcuff ou Schurmann chez les Olympiques (qualifications aux JO de 2016 et finale de la CAN U23 en 2015) ont été remerciés d’une manière ou d’une autre. Ainsi, en 2011, la FAF se séparait de Cheikh Rabah Saadane alors qu’il avait réussi à remettre sur les rails les Fennecs avec à la clé une qualification historique en coupe du monde 2010 face à l’ogre égyptien autrement plus fort que l’actuelle Tunisie. Il qualifiera dans la foulée les Verts pour une demi-finale à la CAN 2010. Il aura suffi d’un nul contre la Tanzanie à Blida (qualifications CAN 2012 : 1-1) et de quelques sifflets d’un public méprisant et méprisable pour que le patron de Dely Ibrahim ne s’en sépare en se rabattant sur un sélectionneur low-cost dont lui seul a le secret, Abdelhak Benchikha. La suite c’est la triste débâcle marocaine que tout le monde connaît. Dos au mur et acculé de toutes parts, il se résigne forcé par la bronca du peuple à enfin choisir un coach digne de ce nom en la personne de Vahid Halilhodzic et les résultats ne vont pas tarder à être au rendez-vous. L’équipe du bosniaque gagne et redevient conquérante alors il a fallu en changer ! Vahid n’a pas démissionné, il a été placé dans les conditions de le faire. Comme pour Saadane en 2011, l’histoire se répétera donc avec Coach Vahid en 2014.
Viendra par la suite l’épisode frustrant de Christian Gourcuff qui s’inscrivait pour la première fois dans une stratégie réfléchie de mise en place d’un projet de jeu pour les équipes nationales. Tacticien reconnu et travailleur acharné, le mal aimé coach breton réussit pourtant des résultats probants obtenant 5 victoires consécutives sur 6 et changeant profondément le jeu de l’équipe qui devient offensif, spectaculaire et efficace. De l’avis de tous, sa touche est indéniable et il qualifiera Brahimi and co 2 fois de suite aux CAN 2015 et 2017 avec la meilleure attaque et le plus beau jeu avant que certains journalistes zélés ne lui reprochent son 4-4-2, ou le fait de gagner contre de petites équipes seulement. En Algérie, gagner le Mali, l’Afrique du Sud et le favori actuel de la CAN 2017, le Sénégal, par 2 fois constituent de maigres performances. D’autres jugements de valeurs sur sa nationalité et des sifflets injustifiés lors d’une joute amicale auront sans doute affecté l’homme. Le Président de la FAF ne le soutenant pas et ne lui adressant quasiment plus la parole, le mettra comme tous ses prédécesseurs en situation de quitter le navire.
La lente destruction suivait son cours et l’équipe d’Algérie classée longtemps n°1 d’Afrique était vouée à un autre désastre puisque programmé par ses propres enfants. Des mois de tergiversations, une absence de planification de matchs amicaux et des choix de sélectionneurs effectués sans logique tous les 2 mois dans l’opacité totale, ont fini par emporter définitivement ce qui avait été bâti. Dès lors Rajevac d’abord et Leekens ensuite ne pouvaient apporter ce que les 2 précédents coachs avaient su insuffler. Un esprit de groupe pour Vahid, un projet de jeu pour Gourcuff. A titre d’exemple, l’OGC Nice possède un projet de jeu bien défini et bâti depuis 3 années par l’excellent entraîneur Claude Puel. Une fois la séparation consommée, le président Rivière, a tenu à son projet de jeu et choisi un entraîneur qui s’intégrait dans celui-ci tout en apportant encore plus tactiquement. La montée en gamme aura pour nom le redoutable Lucien Favre !
La FAF, de son côté, par ses choix de sélectionneurs béni-oui-oui has been, et d’assistants sans relief aura réussi la prouesse de détruire et l’esprit et le jeu !
Une équipe sans collectif et sans âme
L’indiscipline collective, la nonchalance de certains intouchables et la mentalité « selfies / starlettes » sont assurément les points qui auront le plus affecté les Algériens. Rarement, de mémoire d’observateurs, les Algériens connus pour leur esprit guerrier n’auront été si peu combatifs, sans cœur et résignés dans la défaite. L’Algérie éliminée au 1er tour de la CAN 2013, proposait du jeu, se battait collectivement et a été en retour fort bien accueillie à Alger malgré son élimination précoce. En 2015, l’Algérie parvint à s’extirper du groupe de la mort mais sera éliminée les armes à la main en dominant les Eléphants de Côte d’Ivoire dont l’entraîneur Hervé Renard avait reconnu la supériorité.
Cette équipe de 2017 est bien différente, elle apparaît comme une addition de talents au cœur froid, sans envie de se faire mal pour les couleurs de cette grande patrie qu’elle a l’honneur de défendre. Un fait jamais constaté même au temps des vaches maigres. Certains promettront certainement de se racheter pour le match du Sénégal. Ils diront sans doute qu’ils sont des “hommes“. Les déclarations d’avant match sont souvent guerrières mais c’est dans l’arène que l’on reconnaît les gladiateurs.
Réda Kabouri, La Gazette du Fennec