De Gamouh à Bensebaïni en passant par Saïb et Assad, bon nombre de joueurs formés en Algérie ont pu évoluer au plus haut niveau en France. À cet effet, La Gazette du Fennec vous a concocté un Top 10 de ces footballeurs DZ qui ont franchi la Méditerranée pour exercer leur talent au sein de l’élite française. Nouvel épisode de cette saga avec le 7ème de ce classement : le virevoltant ailier gauche Rabah Gamouh.
La Ligue 1 française. ou son ancienne appellation, la Division 1. Un championnat qui, de par l’histoire commune des deux pays, a naturellement accueilli des joueurs algériens nés en France ou en Algérie. De l’époque coloniale, on retiendra les noms des Abdelaziz Bentifour, Mustapha Zitouni ou l’inégalable Rachid Mekhloufi (4 fois Champion de France 1957, 1964, 1967, 1968 avec l’AS Saint-Étienne). Leurs héritiers se nommeront Mustapha Dahleb (2 Coupe de France 1982, 1983 avec le PSG) ou Ali Benarbia (2 fois Champion de France 1997 et 1999 avec Monaco et Bordeaux), deux génies formés en France.
Concentrons nous pour notre classement inédit sur les joueurs formés en Algérie qui ont rejoint le championnat de France durant leur carrière. Une finalité pour certains, un championnat tremplin pour d’autres, l’Hexagone a également servi à relancer de fort belle manière un Islam Slimani qui restait sur un échec retentissant en Turquie. Zoom sur les meilleurs footballeurs venus d’Algérie.
TOP 10 :
7 – Rabah Gamouh
8 – Yassine Bezzaz
9 – Farid Ghazi
10 – Rabah Madjer
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7ème place :
Rabah Gamouh, l’exil clandestin à Nîmes
Le football est souvent une affaire de talent et de travail, parfois de réussite, mais toujours de destin. Originaire de l’Est algérien, Rabah Gamouh débute sa carrière à l’âge de 14 ans, en 1966, au Red Star Annaba. Après quatre ans passés au club, le virevoltant gaucher, doté d’une vitesse impressionnante, est courtisé par plusieurs clubs dont ceux de Constantine (MOC et CSC) mais également le NA Hussein Dey. Très jeune, Gamouh décide de ne pas trop s’éloigner de sa ville natale et rejoint le Mouloudia de Constantine en 1970.
La KFG, Kroko-Fendi-Gamouh
Au Mouloudia, Rabah Gamouh va devenir une véritable icône. Il termine meilleur buteur de D2 en 1971 avec 25 buts et meilleur buteur de D1 en 1972 avec 24 buts, inscrivant donc 49 buts en seulement deux saisons. Une sacrée performance pour sa première pige en D1 lorsque l’on sait que des joueurs comme Omar Betrouni, Mustapha Dahleb ou encore Hacène Lalmas évoluent à cette époque dans le championnat algérien. Dans les années 70, c’est tout un pays qui découvre le trio infernal de Constantine, la fameuse « KFG » avec Abdelmadjid Kroko (Allah yerahmou), Abdelhafid Fendi et Rabah Gamouh, fait trembler les défenseurs. Ces trois joueurs emmèneront le MOC par deux fois en finale de la Coupe d’Algérie (1975, 1976), s’inclinant respectivement face au MC Oran (2-0) puis face au Mouloudia d’Alger (2-0). Avec le club de Cirta, le jeune international algérien (première sélection en A en 1971) va se hisser sur le podium de Nationale 1 à deux reprises, troisième en 1972 et second en 1974.
À l’issue de la saison 1975-1976, Rabah Gamouh part en vacances en France avec deux de ses coéquipiers dans un village près d’Avignon. Alors que ses deux compères rentrent à Constantine, le numéro 11 du MOC décide de rester une semaine de plus en France. Une décision qui changera la suite de sa carrière. Hébergé chez le frère de son coach de l’époque (Rabir Zekri), Gamouh va se voir offrir une chance de pouvoir faire un essai au Nîmes Olympique grâce à une connexion plus ou moins inattendue. En effet, l’homme hébergeant le joueur alors âgé de 24 ans parle de lui à son patron. Ce dernier connaît parfaitement le président des Crocodiles nîmois, Paul Calabro (négociant en fruits et légumes), car il est constamment en relation avec lui sur les marchés. Le destin faisant bien les choses, Gamouh se retrouva alors à l’essai avec l’équipe réserve de Nîmes dans un match programmé en levée de rideau des professionnels.
Des débuts compliqués
Dans ce match avec la réserve, Gamouh éblouit les supporters présents au stade. Ce petit attaquant de poche fait parler sa vivacité et arrive à convaincre la direction nîmoise qui lui fera signer un contrat professionnel dans la foulée. L’Algérien fait partie de l’effectif gardois pour la saison 1976-1977. Mais lors du premier match à Laval et alors qu’il se prépare pour se rendre à l’échauffement, ses dirigeants lui indiquent que la Fédération Algérienne de Football ne lui a pas donné l’autorisation de jouer à l’étranger. La faute à une loi qui interdisait à tout joueur de moins de 28 ans d’évoluer hors du territoire national. Son exil sera considéré comme clandestin par la FAF qui le sanctionne sévèrement. L’ailier gauche décide de saisir la FIFA mais ne pourra rejouer que la saison d’après. À l’aube de la saison 1977-1978, Rabah Gamouh n’a plus joué de matchs officiels depuis un an, se contentant des entraînements et de quelques matchs amicaux. Sous la houlette de son compatriote Kader Firoud, le natif de Annaba ne fait sa première apparition que le 26 novembre 1977 face à l’OM (match nul 1-1), à cause de l’autorisation accordée par la FIFA qui arrive un peu tard.
Les débuts au Nîmes Olympique ne sont pas de tout repos pour l’ailier gauche, d’abord physiquement car le niveau de la D1 française est tout autre mais aussi car la concurrence est rude dans les rangs nîmois. En effet, l’Algérien arrive dans un des clubs phares de l’époque (vice-champion de France de D1 en 1972 et quatrième en 1975). Les entraînements très intenses du regretté Kader Firoud n’arrangent pas les choses. Connu pour être très sévère et intransigeant avec ses joueurs, l’instigateur du « jeu à la nîmoise » est très remonté lorsque ces derniers jouent mal. Un homme qui a marqué Gamouh. « Un jour nous étions passés à côté de notre première mi-temps et je n’avais pas été bon. Firoud était dans une colère noire, il criait, pointait du doigt chaque joueur… j’avais peur ». Tellement peur qu’il alla s’enfermer dans les toilettes pendant que l’ancien sélectionneur national criait « Il est où Gamouh ? Il est où ? ».
Les belles années nîmoises
Ailier gauche depuis le début de sa carrière, Rabah Gamouh est repositionné en numéro 10. Avec sa patte gauche, l’ancien du MOC formera un beau trio aux côtés de René Girard et Eric Castagnino. Une triplette qui n’est pas sans rappeler celle qu’il formait en Algérie avec Fendi et le regretté Krokro. Son centre de gravité bas et sa vitesse rendent fous certains défenseurs, l’un d’entre eux n’est autre que l’international français, Maxime Bossis. « Un jour, nous recevions Nantes à Nîmes. Il y avait le défenseur Maxime Bossis en face. Je l’ai “banané” et rendu fou car il était grand et moi petit, vif et rapide » déclarera l’Algérien dans une interview pour Dzairworld.
Les trois saisons suivantes sont également de bonne facture, à tel point que Gamouh devient titulaire indiscutable en sélection nationale. Grand acteur de la qualification au mondial 1982, l’ailier gauche est injustement non retenu dans la liste finale des 22 joueurs convoqués pour la Coupe du Monde 1982, un traumatisme pour le joueur (voir notre entretien avec Rabah Gamouh à paraître ce jeudi). Les plus optimistes n’y verront qu’une histoire de destin.
L’aventure nîmoise s’achèvera après six saisons passés au club avec, au total, 128 matchs et 17 buts inscrits pour l’Algérien. Ses passages à Grenoble et Guingamp en D2 puis dans les clubs amateurs du FC Yonnais, Uzès et Cognac scelleront la carrière de celui qui fut l’un des premiers joueurs issus du championnat local à évoluer au sein de l’élite française. Son retour à Nîmes lui permettra d’encadrer des équipes de quartier avant de prendre définitivement sa retraite. Désormais, le sexagénaire vit toujours à Nîmes, sa ville d’adoption, et profite de son temps libre en jouant à la pétanque, sa nouvelle passion.
Bilan en Division 1 : 111 matchs, 11 buts, 4 saisons