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Aviron/Amina Rouba: « Souakri connaît mon problème mais ne m’a pas reçue »

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Multi-titrée sur le plan national, régional et international, la skiffeuse Amina Rouba (35 ans) a énormément donné à la discipline d’aviron. Comme beaucoup d’athlètes, les responsables du sport algérien lui ont fait des promesses jamais tenues. Elle n’a même pas pu avoir accès à des primes de performances de 2015, qui restent un dû légitime. Loin de la méthode brutale des revendications faites sur les réseaux sociaux, elle a essayé de passer par la voie réglementaire et diplomate en sollicitant directement Salima Souakri, Ministre délégué chargé du sport d’élite en Algérie. Sa requête reste pour le moment suspendue.

LGDF : A 35 ans, Amina Rouba prend autant de plaisir à ramer. Elle signe même des performances assez intéressantes. Les dernières en date étaient ces médailles d’argent et de bronze lors des Mondiaux virtuel d’aviron. C’est quoi le secret de cette longévité ?

Amina Rouba : Le secret est plus mental que physique, ma carrure en est la preuve (rires). Donc c’est l’abnégation et l’amour de ce sport qui font que je performe autant.

« En Algérie, les sportifs ‘influenceurs’ ont toujours la priorité »

En Algérie, il n’est pas facile de se maintenir au niveau mondial compte tenu du manque de moyens. La pandémie a rendu les choses plus difficiles mais cela ne vous a pas empêchée de briller lors des Championnats du monde d’aviron en salle à distance. Pensez-vous pouvoir réaliser ces résultats pour le moins brillants ?

Il faut savoir que jusqu’au mois de novembre, je n’avais aucune idée sur la tenue des Championnats d’Afrique d’ergomètre qui étaient qualificatifs pour le Mondial. Mais, habituellement, je me maintiens toujours en forme avec ou sans compétition. Je fais du vélo, de la course a pieds, des activités en mer, de la musculation et bien sûr du travail spécifique avec le rameur. Quand la fédération internationale a officialisé l’événement pour sauver la saison, j’ai saisi cette opportunité et me suis battue comme j’ai pu pour décrocher 3 qualifications à ce rendez-vous. M’être qualifiée était déjà une finalité en soi. En sortir médaillée est l’apogée de mes espérances.

Après deux participations aux Jeux Olympiques dans les éditions 2012 et 2016, vous serez absente lors de la séquence japonaise à Tokyo et cela en raison de la politique prôner par l’instance fédérale qui a préféré privilégier le deux de couples. Est-ce que cela a plombé votre ambition personnelle d’aligner une 3e participation de suite aux Olympiades ?

La fédération internationale a étranglé les qualifications pour favoriser la présence de plus de drapeaux aux JO par continent. Les quatre bateaux destinés à se qualifier dans la zone Afrique sont ceux de quatre épreuves : skiff poids lourd (homme/femme) et double léger (homme/femme). La Fédération internationale des sociétés d’aviron (FISA) a décidé que seul un bateau parmi les 4 épreuves passe. Et la seule exception était pour un bateau pour chaque sexe à condition qu’il se classe 1er dans le Championnat d’Afrique.

Notre fédération (FASACK) a opté pour le double afin d’essayer de permettre à 4 personnes de se qualifier pour Tokyo. Malheureusement pour moi, mon double a terminé 2e. Je ne me lamente pas sur mon sort. Ça n’était point ma destinée et j’avais déjà fait 2 jeux. J’aurais qualifié mon skiff pour les 3e. Mais le choix de la fédération fut le double. Cela devrait permettre à d’autres de faire ou refaire les JO.

« Les indemnités de performances reviennent de droits aux athlètes »

A 35 ans, on imagine que vous êtes proche d’accoster définitivement votre bateau. Avec du recul,  qu’est-ce que vous changeriez dans votre carrière ? Avez-vous des regrets ?

Je ne vous cache pas, des fois je me remets en question. « Ai-je fait le bon choix? », « ai-je raté ma vie professionnelle d’ingénieure? », « aurais-je eu plus de considération? » sont des questions qu’on peut se poser par moments. Aujourd’hui, il y a l’effet des réseaux sociaux qui ont cassé l’essence de l’athlète d’élite. Avant les résultats étaient communiqués dans le journal. Les ligues, les fédérations remettaient les résultats aux hiérarchies. Maintenant, la considération est donnée prioritairement aux sportifs influenceurs.  Pour être un peu philosophe, je dirais que “C’est celui qui publie qui est” en quelques sortes.

Je n’aime pas ce procédé, je n’ai jamais menacé de mettre fin à ma carrière sous conditions… ou pour obtenir gain de cause. En partie, c’est pour cela que je suis -peut-être- marginalisée. J’ai un problème qui traine depuis 2016 concernant mes indemnités auprès du ministère (MJS) pour mes résultats de 2015 et jusqu’à présent après plusieurs recours, je suis passée aux oubliettes.

Avez-vous contacté la tutelle ? Surtout que Salima Souakri, ministre délégué chargé du sport d’élite en Algérie, s’était montrée disposée à être à l’écoute de ce genre de problèmes…

Oui, j’ai pu prendre attache avec elle pour lui faire part de mon problème. Je l’ai contactée. Au début, on a échangé et je lui ai expliqué que j’ai des primes cumulées assez conséquentes qui n’ont pas été débloquées depuis 2016. En 2015, j’avais fait 8e en Coupe du Monde en plus d’avoir été sacrée championne d’Afrique. Ainsi, c’est le résultat des Mondiaux me conférait un statut d’athlète catégorie A3 (comme l’atteste le document ci-joint) au moment où la médaille d’or signifie une classification B1. Pour l’octroi de la prime, j’ouvrai droit à celle de A3 (meilleur classement) mais j’ai été rémunéré sur la base de la classe B1. Je préciserai que ces primes, je les réinvestis souvent pour financer mes stages et déplacements. Cela fait un peu plus d’un mois que j’ai contactée madame Souakri. Et je n’ai toujours pas eu de retour. Pourtant, avant elle, le ministère, sous la direction de Salim Raouf Bernaoui, m’avait aussi promis que j’empocherai en rappel. Mais je n’ai rien eu en raison de l’instabilité que connaît le secteur depuis un certain temps. Ce n’est pas fait pour aider à avoir un suivi continu des problèmes des athlètes. Je peux comprendre mais ces indemnités me reviennent de droits. Je préciserai aussi que pour les primes des Jeux Africains, on nous a prélevé 10% de total alors qu’on n’a ni fiches de paie ni assurance. Oui, je ne m’oppose pas à contribuer pour l’IRG. Mais il faut aussi qu’on soit régularisés pour qu’on nous prélève de l’argent.

« Mon expérience à Séville est une pierre angulaire dans ma carrière »

Ayant été en immersion dans un sport qui ne polarise pas vraiment l’attention de la tutelle, quel appel lanceriez-vous pour que les skiffeurs aient plus de considération dans l’avenir ?

Il faudrait déjà une politique de sponsoring et que les Directions de la Jeunesse et des Sports (DJS) dans les wilayas s’y intéressent. Là où je suis, à Oran, qui est pourtant une ville côtière, c’est le football, comme dans la plupart des autres régions, qui bénéficie des aides et subventions en milliards. Il faut savoir aussi qu’il faut professionnaliser la discipline. Les entraîneurs sont des bénévoles pour la plupart. Et il y a aussi un manque de promotion de la discipline. On peut même faire de l’avion de mer mais imaginez qu’on n’a pas de bateaux spéciaux pour ramer en mer. Surtout qu’elle va devenir discipline olympique.

On voit que ce sport compte beaucoup à vos yeux. Est-ce que vous pensez à une reconversion pour aider cette discipline à progresser et mettre votre background au service de l’aviron algérien ?

J’aspire à une reconversion dans le sport. Que cela soit pour l’aviron ou une autre discipline. Si je peux apporter ma petite touche ça sera avec plaisir. D’ailleurs je compte faire des études au CREPS d’Oran (actuellement Institut National de Formation supérieure en sciences et technologie du Sport). Tout au long de mes voyages et de mes piges sportives en France (licenciée à l’ACBB de Boulogne Billancourt) et en Espagne j’ai pu remarquer quels matériels ils utilisent et les techniques pour améliorer le rendement d’un athlète. Mon expérience en Espagne (elle a ramé pour le Club Nautico de Sevilla Aviron et l’Olimpic Club de rem de Barcelona), je la considère comme une pierre angulaire dans ma carrière et ce que j’ai pu accomplir. J’ai été sacrée 7 fois championne d’Espagne. J’ai même pu entraîner le club de Barcelone et j’ai bien aimé. Peut-être que c’est la plus évidente des reconversions.

Galerie photo Amina Rouba:

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