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CAN Féminine : Le Maroc débordé sur sa propre pelouse

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Lekjaa
Faouzi Lekjaa, président de la FRMF
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Alors que la Coupe d’Afrique des Nations féminine se joue sur son sol, le Maroc fait face à une polémique qui dépasse le rectangle vert. Officiellement, Rabat accuse l’Algérie d’un « boycott visuel » des symboles marocains. Officieusement, le véritable malaise se situe ailleurs : dans l’incapacité d’imposer une carte du Maroc incluant le Sahara occidental. Une affaire où le football devient, une fois de plus, l’otage d’un jeu diplomatique tendu.

Tout commence quelques jours après le coup d’envoi du tournoi, le 5 juillet. Plusieurs médias marocains relayent des images et accusent l’Algérie de dissimuler volontairement les symboles liés au pays hôte : logo de Royal Air Maroc effacé sur les retransmissions algériennes, mention “Morocco 2024” absente des visuels de la sélection algérienne, ou encore logos masqués sur les bancs de touche. Même la capitaine algérienne aurait esquivé les photos protocolaires face aux panneaux officiels.

Face à ces éléments, la Fédération royale marocaine de football dépose une plainte formelle auprès de la Confédération africaine (CAF). Une enquête est alors ouverte, comme le prévoit le règlement lorsqu’une fédération nationale engage une procédure. Mais ce qu’on présente comme un scandale diplomatique n’est, pour l’instant, qu’une simple vérification administrative. La CAF ne s’est pas saisie elle-même du dossier, elle se contente d’instruire le signalement marocain.

Des accusations vite fragilisées

Si cette affaire a rapidement pris de l’ampleur dans certains médias marocains, les faits, eux, s’avèrent beaucoup moins tranchés. Contrairement aux accusations selon lesquelles la délégation algérienne aurait volontairement masqué les logos marocains, les images diffusées vendredi matin par nos soins montrent que ce sont en réalité des volontaires de la CAF qui ont recouvert ces symboles sur les bancs de touche. Cette mesure, loin d’être ciblée, fait partie d’une procédure standard visant à neutraliser les marques non homologuées ou concurrentes des sponsors officiels.

Quant au retrait du logo Royal Air Maroc dans la retransmission télévisée algérienne relève d’un choix éditorial propre à la chaîne, sans lien direct avec les joueuses ni la Fédération algérienne de football. Sur l’absence de la capitaine, Sofia Guellati, sur certaines photos officielles, elle ne peut être interprétée comme un geste politique sans preuves concrètes : aucun acte ou déclaration explicite n’a pour l’instant été établi.

La carte de l’ONU : le vrai malaise

Mais le véritable point de crispation surgit là où on ne l’attendait pas. Dans un spot publicitaire diffusé pendant la compétition. L’un des sponsors officiels affiche une carte du Maroc… amputée du Sahara occidental. Une carte conforme aux résolutions des Nations unies, qui considèrent toujours ce territoire comme non autonome, donc en dehors de la souveraineté marocaine.

Ce détail n’en est pas un pour Rabat. Car cette carte a été diffusée sur le territoire marocain, à la télévision nationale, via la chaîne sportive Arryadia. L’argument défensif est clair : le diffuseur ne fait que relayer le signal officiel de la CAF. Mais pour le Makhzen, c’est un revers symbolique cuisant. Sur son propre sol, le Maroc est contraint d’afficher une représentation territoriale contraire à sa vision politique. Et cela, en pleine compétition continentale.

Le précédent USMA – Berkane plane toujours

Pour comprendre la frilosité de la CAF sur cette question, il faut revenir à un précédent brûlant. En avril 2024, en demi-finale de la Coupe de la CAF, l’USM Alger refuse de jouer face à la RS Berkane. Pour cause : un maillot arboré par les Marocains, affichant une carte du royaume incluant le Sahara occidental. La CAF tranche dans un premier temps en faveur de Berkane … avant d’être désavouée par le Tribunal arbitral du sport (TAS)

Dans sa décision, le TAS donne raison au club algérien, estimant que « l’usage d’un maillot à portée politique est contraire à la neutralité du sport ». Le refus de l’USMA est donc légitimé. Une gifle pour l’instance africaine, et une jurisprudence claire : les symboles politiques n’ont pas leur place sur un terrain de football. Depuis, la CAF joue la prudence maximale. Quitte à froisser certains pays hôtes.

La CAN masculine déjà dans le viseur

En réalité, ce qui se joue en ce moment va bien au-delà du tournoi féminin. Le Maroc accueillera en décembre prochain la CAN 2025, l’événement phare du football africain. Et cette CAN féminine sert de répétition générale. Chaque détail est scruté, chaque image décortiquée. Dans ce contexte, Rabat cherche à imposer ses codes. Mais les règles du jeu sont posées, sur le plan sportif, c’est le droit international qui prime.

Si le royaume continue d’utiliser les compétitions sportives comme levier diplomatique, il devra s’attendre à rencontrer des lignes rouges. Car les instances, échaudées par les scandales récents, ne veulent plus être instrumentalisées. Le football n’est peut-être pas apolitique. Mais il reste, pour les organisateurs, un terrain où la neutralité demeure une règle cardinale.

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Ecris par
Yanni Abdelli -

Journaliste La Gazette du Fennec

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