En ce 5 juillet, date Ô combien importante dans l’histoire de l’Algérie, votre émission « C’est Vous l’Expert » avait l’honneur de recevoir un invité quelque peu spécial. Un supporter écrivain ! En effet, Djilax est venu nous présenter son livre : « One, Two, Three, Viva l’Algirie ! », dans lequel il raconte en détail son périple incroyable, au Caire puis à Omdourman, derrière l’équipe de Saâdane en 2009. Morceaux choisis.
Salam Aleykoum Djilax, tout d’abord, comment t’es venue l’idée d’écrire ce livre ?
En fait, il s’est passé tellement de choses lors de mon périple que je me disais à l’époque que ça pouvait faire un livre ou film ! (rires). Je savais que l’on pouvait faire quelque chose de tout cela. Les souvenirs sont restés ancrés jusqu’à aujourd’hui et sont maintenant écris dans ce livre. Je n’ai pas pu le rédiger tout de suite après, mais les dix années qui se sont écoulées ont permis au projet de mûrir et à ce livre d’être plus qualitatif que si je l’avais écrit à chaud. Le fait de prendre mon temps a fait qu’aucun souvenir n’a été négligé.
Dès les premières pages du livre, tu nous racontes un des derniers souvenirs de ton périple, au cours duquel tu es braqué par deux mitraillettes. Tu n’as pas eu peur pour ta vie à ton départ de France ?
Non, c’était l’occasion de ma vie ! J’avais 25 ans et cinq jours avant de partir, je me souviens que je cherchais du boulot, je galérais ! (rires). Mon ami Belkacem m’a appelé et il m’a dit : « Il y a le match Egypte – Algérie, ça te dit qu’on y va ? ». Je lui ai répondu : « L’Algérie a juste à ne pas perdre par deux buts d’écarts, donc on y va surtout pour les vacances ». On allait pour passer des vacances en Egypte à la base, pas spécialement pour le football. Et quelques jours plus tard, on s’est retrouvés à manifester avec mon ami devant l’ambassade d’Algérie au Caire pour avoir des billets pour le match d’appui au Soudan (rires) ! Eh oui ! A Alger, ils avaient des billets gratuits et nous qui avions été faire la guerre au Caire, on n’était même pas sûrs d’avoir des billets. Belkacem est allé au Soudan dans un avion de guerre et moi, j’ai eu de la chance d’avoir un avion Air Algérie.
En arrivant au Soudan, tu as vu des supporters Algériens différents de ceux qui étaient là au match du Caire ?
Oui. Au Caire, les supporters algériens étaient des médecins, des architectes… pas forcément des bagarreurs quoi. En arrivant au Soudan, les supporters qui descendaient des avions envoyés par Bouteflika étaient en débardeurs et étaient beaucoup plus « rock » (rires) ! Plus sérieusement, au Soudan, c’était plus dur physiquement qu’en Egypte. On avait plus rien ! Je me souviens que je dormais par terre avec de l’eau qui tombait sur moi.
Dans ton livre, tu décris une certaine bienveillance de la part des Egyptiens lors de votre arrivée au pays et ensuite, il y a un véritable changement d’ambiance. Que s’est-il passé ?
En effet, au début, tout se passait bien. Nous sommes arrivés bien avant les autres supporters algériens et on a passé des premiers jours supers. On a rencontré de très bonnes personnes, on s’est même fait des copains, les gens de l’hôtel étaient hypers accueillants…. (…). On mangeait même au resto avec les Egyptiens. Mais tout a changé à partir de l’épisode du bus. (…) Le soir même, au concert de Cheb Khaled, j’ai tout de suite senti que c’était agressif. Je me souviens qu’il a reçu des pierres ! Je me souviens également que les Taxis ne voulaient plus nous prendre de peur de se recevoir des pierres eux aussi. Tout le monde, même dans la rue, était hostile envers nous. Dans leur esprit, ils étaient persuadés que des joueurs et des supporters égyptiens avaient été agressés lors du match à Blida.
Quelle a été ta réaction au coup de sifflet final au Caire ?
En fait, on ne réalisait même pas. Je me souviens que juste avant le but du 2-0, on était persuadés que c’était fait, qu’on était qualifiés ! Il y avait même des supporters algériens qui sortaient déjà du stade. Ensuite, on était tellement déçus qu’on pensait qu’on était éliminés : on avait oublié qu’un 2-0 était synonyme de match d’appui !
Et comment s’est passé la sortie du stade ?
On a dû attendre que les 70 000 supporters égyptiens sortent du stade. On pensait que ça allait durer une demi-heure… on a dû attendre deux heures enfermés par des barrières et avec l’armée juste derrière ! Certains supporters se sont alors rebellés et ont pu s’échapper. Moi, j’ai réussi à m’enfuir grâce à une femme qui se disait malade. Bref, c’était le chaos total. Je ne sais pas comment et quand les autres supporters sont sortis du stade. Comme l’a dit Anthar Yahia, « heureusement qu’on a perdu ce soir-là ». Eh oui, imaginez si on s’était qualifiés pour la Coupe du Monde ce soir-là…
Et à Oum Dourman, au Soudan, la légende raconte que les supporters algériens se sont « vengés » de ce qui s’est passé au Caire. Tu confirmes ?
Si je dois être honnête : oui, les supporters égyptiens ont énormément souffert à Oum Dourman. J’ai vu plusieurs fois des caillassages de bus d’égyptiens, j’ai failli en recevoir tellement qu’il en pleuvait ! C’était très chaud pour eux en effet.
Est-ce qu’en ayant vécu de très près ce qui s’est passé en Egypte en 2009, tu gardes une certaine rancœur envers les Egyptiens ?
Sur le coup, quand on était en Egypte, j’avais l’impression que tout était faux et qu’ils nous avaient tous bernés avec leurs sourires. Je ne voulais plus y retourner et oui, j’avais une certaine rancœur. Aujourd’hui, j’ai mûri et je me dis que c’est surréaliste que ça a été jusque-là. Je ne suis plus rancunier et pour preuve : j’y suis retourné il y a trois mois !
Lors de la CAN en Egypte en 2019, nos supporters ont été très bien reçus. As-tu l’impression que les Egyptiens regrettent ce qu’il s’est passé ?
Il faut savoir qu’à l’époque, certains Egyptiens s’excusaient déjà. Je pense donc que c’est possible que globalement, l’Egypte regrette aujourd’hui. Je pense également que les changements politiques que ce peuple a connus lui ont permis de mûrir.
Retrouvez l’intégralité de l’émission et des déclarations de Djilax ici :
https://youtu.be/PX5kPF9Cixs