Si Tahar-Chérif El Ouazzani (53 ans) est un homme qui en a gros sur le cœur. Écarté de la présidence du MC Oran à l’issue de son mandat d’une saison, l’ancien milieu de terrain des Hamraouas, n’a pas été autorisé non plus à assister à l’AG Élective du 10 août dernier au cours de laquelle il voulait présenter ses bilans. Ce qu’il perçoit comme une injustice. Mais pas que, car l’homme accuse ouvertement le conseil d’administration du MCO de dilapidation des budgets, enrichissement illégal, corruption et sabotage… Dans cet entretien accordé à La Gazette du Fennec, tout le monde y passe. Le nouveau président, Tayeb Mehiaoui, et les autres actionnaires, Ahmed Belhadj dit Baba et Youcef Djebbari. Sans distinction aucune, l’ancien « poumon » des Verts (54 sélections, Champion d’Afrique 1990) a tiré sur eux à boulets rouges. Attention, ça déménage !
LGDF : Si Tahar Chérif El Ouazzani, vous contestez énergiquement les décisions de l’AG Extraordinaire du 10 août dernier au cours de laquelle Tayeb Mehiaoui a été élu président du MCO, pourquoi ?
CEO : Parce que tout était joué d’avance. Tout ça est une pure mascarade. Pendant des jours, ils menaient les tractations entre eux. Alors que tout le monde était ennemi avec tout le monde, ils ont passé un pacte du jour au lendemain et sont redevenus alliés. L’objectif est juste de quadriller le club et faire fuir les compétences. Il y a un conflit d’intérêts. Ils gèrent le club en petit comité. Ces gens sont venus prendre et non donner. Cela fait dix ans qu’ils se sucrent sur le dos du club.
“Ils ont détourné en toute impunité les budgets du MCO durant plusieurs années”
C’est des graves accusations que vous portez là ?
Des accusations ? Je ne dis que la vérité. Tout le monde à Oran est au courant. C’est de notoriété publique. Ces gens ont détourné en toute impunité les budgets du club durant plusieurs années. Ils ont jonglé avec des milliards et se sont constitués des fortunes colossales sur le dos du MCO.
Carrément ?
Oui ! Oui ! Depuis le passage au professionnalisme, aucun des présidents qui se sont succédés n’a rendu des comptes. Aucun audite. Aucun bilan n’a été présenté. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont propulsé Mehiaoui à la tête de la présidence. Vous croyez que c’est pour ses compétences de gestionnaire, ou son honnêteté en tant qu’homme qu’il a été élu ?
Pourquoi alors ?
Pour qu’il ne demande pas des comptes. Il y a quelques semaines à peine, il criait sur tous les toits qu’il voulait un audit sur les dépenses du club de 2012 à 2020. Lui, il était là en 2010. Donc, il se dédouane de fait et met en accusation Youcef Djebbari et Baba (Ahmed Belhadj, ndlr). Il se trouve que ces deux-là n’ont effectivement jamais rendu des comptes. Comme par hasard, il n’en parle plus depuis qu’il a été élu président. L’audit est désormais de l’histoire ancienne.
“Dans ce CA, il y a un clando devenu milliardaire… Qu’on enquête sur l’origine de sa fortune !”
C’est pour cela que vous avez demandé, dans une récente interview, au Ministre de la justice d’enquêter sur les membres du conseil d’administration du MCO ?
Tout à fait. Moi, je n’ai pas peur de dire la vérité. Le MCO est géré aujourd’hui par une boite noire. Il y a dans ce conseil d’administration qui était clando il y a à peine quelques années en arrière, aujourd’hui il est milliardaire. Qu’on enquête sur l’origine de sa fortune et on verra. Ce jour-là, les gens risquent d’être choqués.
Vous avez été empêché d’assister à l’AGE du 10 août. Vous avez pourtant fait des pieds et des mains pour être admis. Pourquoi vous ont-ils refusé la présence ?
Hagroni !(SIC) Ils savaient que je n’allais pas me taire. Ils voulaient une assemblée en petit comité et à huis clos. En tant qu’ancien DG du MCO, il était de mon droit d’y assister. Ne serait-ce que pour présenter mon bilan. Mais comme ils savaient pertinemment que je n’allais pas tout gobé, ils ont tout fait pour me tenir éloigné.
Vous l’avez finalement publié carrément sur la page Facebook du club. Pourquoi une telle démarche ?
Parce que je n’ai rien à cacher. J’ai roulé avec un budget de 17 milliards et chaque centime qui a été dépensé a été justifié. Contrairement à eux, je ne suis pas venu me sucrer.
“Contrairement à eux, je ne suis pas venu au MCO pour me sucrer… j’ai contribué à la gloire du club oranais !”
Pourtant Mehiaoui vous a accusé de n’avoir ramené ne serait-ce qu’une bouteille d’eau au club …
(Il s’emporte) A cette personne, je conseillerai d’aller consulter l’Histoire du MCO. Il apprendra ce que Chérif El Ouazzani a donné au MCO. J’ai contribué dans dix titres. J’ai fait bénéficier le club de mes transferts en Turquie et au Maroc et représenté dignement le club en Équipe nationale. Alors je dis à cette personne d’aller nettoyer le dépotoir qui lui fait office de bureau avant de parler de moi.
A un moment, il avait déclaré que s’il était élu, il vous nommera entraineur en chef…
(Il nous coupe)… Mais je n’accepterai jamais de travailler avec cette personne. La saison dernière, il était à la tête du CSA (Club Sportif Amateur). Il avait tout fait pour nous saboter. Il jonglait avec un budget de six milliards. On a dû faire des pieds et des mains pour bénéficier d’une partie de cet argent qui nous revient de droit. Il aura fallu des semaines de tractations et au final, il nous débloque un milliards quatre cent millions. A titre comparatif, il avait annoncé avoir alloué un budget de 850 millions à la section handball. Allez savoir si cet argent avait réellement bénéficié à cette section. Il y a dans ce conseil d’administration des gens qui payaient des primes à nos adversaires pour qu’ils nous battent.
On vous a reproché votre gestion du dossier Cavalli. Le MCO a été condamné par la FIFA à lui verser plus de 600 millions de centimes pour licenciement abusif…
Parce que Cavalli c’est moi qui l’ai limogé ? A un certain moment, il faudra arrêter de prendre des gens pour des nulles. Le dossier Cavalli, je l’ai hérité de Baba. C’est lui qui l’a limogé. Il avait même refusé le deal que lui proposait cet entraineur. Ce qui représentait un mois de salaire sans plus. Ça aurait économisé beaucoup d’argent à la trésorerie du club.
“L’État ne peut pas abandonner le MCO entre les mains de ces personnes. C’est une prise d’otage !”
Il avait dit que vous avez omis de verser les procès verbaux de l’huissier de justice et les mises en demeure signifiées à Cavalli dans le dossier…
(Agacé) Pour être clair une bonne fois pour toute, il n’y a jamais eu de passation de consignes entre Baba et moi. Il n’a jamais présenté ses bilans. S’il est aussi bon gestionnaire qu’il le prétend, pourquoi il n’est pas allé au bout de sa démarche en saisissant qui de droit pour abandon de poste. Il y a la LFP, la CRL, le TAS, la FIFA. Rien n’a été fait. Et les Boudoumi, Aoued, Ferrahi, Heriat, Nadji, Maazouzi, Sebbah, Letim, c’est aussi la faute de Cherif El Ouezzani ? C’est eux qui ne les ont pas payés. C’est durant mon mandat qui je les ai régularisés tous. J’ai versé en sus sept à huit mois de salaires aux joueurs actuels. Tout ça avec un budget de 17 milliards. On a fini à la 8e place à l’aise. Et si la saison était allée à son terme, on aurait pu finir largement à la 4e ou 5e place.
Le MCO peut-il, selon vous, retrouver sa stabilité ?
Oui, mais à condition qu’il soit repris par une société étatique. L’État doit intervenir. Il ne peut pas abandonner le MCO entre les mains de ces personnes. C’est une prise d’otage, et à ce rythme, ils vont finir par ruiner ce club. Comme il avait fait avec le CRB et l’USMA qu’il désigne une société qui pourra prendre en charge le club et lui redonner ses lettres de noblesse. Je sais que ces gens feront de l’opposition, mais l’État est au dessus de tout le monde.
Entretien réalisé par Nabil Boughanem, pour La Gazette du Fennec
>> Les supporters du MCO ont lancé une pétition en ligne :
“Nous exigeons une entreprise étatique et le départ des actionnaires de la SSPA MCO”
le MCO reste la proie et l’otage par excellence des prédateurs de l’argent sale et de son blanchiment, nous exigeons une entreprise étatique qui rachètera 100% des parts du capital ainsi que le départ sans conditions de l’ensemble des 17 actionnaires actuels.