En poste depuis pratiquement un an, comme sélectionneur de l’équipe nationale d’Algérie de handball, Alain Portes nous fait le bilan de cette période passée à la tête des Verts. Le technicien français de 58 ans est ainsi revenu sur la récente CAN 2020, qui s’est déroulée en Tunisie, au mois de janvier dernier. Pour finir, il nous annonce, avec ferveur aux lecteurs de La Gazette du Fennec, son envie de poursuivre son aventure avec l’Algérie pour un long bail.
LGDF : Bonjour coach et merci d’avoir accepté cette entretien pour les lecteurs de La Gazette du Fennec. Tout d’abord comment allez-vous en ce temps de pandémie ? Tout va bien pour vous et votre famille ?
Alain Portes : Je vais très bien, et la famille aussi. Je suis actuellement à Nîmes, la région de mon enfance. Je suis né à Béziers, j’ai étudié à Montpellier mais j’ai grandi à Nîmes. J’ai joué aussi toute ma carrière à l’USAM Nîmes.
Votre club de cœur où vous venez d’être élu, ailier du siècle ?
En effet, ils viennent de faire des élections. J’ai été élu ailier du XXe siècle. Nîmes est un club qui a marqué le handball français, quand j’y ai joué, on jouait chaque année le titre.
“J’aurai pu rester au Qatar, mais j’ai accepté de venir en Algérie. Je n’ai aucun regret, le premier bilan est largement positif”
Cela fait pratiquement un an que vous avez pris les rênes de l’équipe nationale d’Algérie. Pouvez-vous nous donner un premier bilan et nous dire si vous avez des regrets ?
Effectivement j’ai pris mes fonctions de sélectionneur en juillet 2019. Auparavant j’étais dans le club Qatari de Duhail où on a gagné la Ligue des Champions d’Asie. J’aurais pu rester là-bas, où j’avais une bonne situation. Mais j’ai accepté, de moi-même, de venir en Algérie, avec aucun regret. Le premier bilan est largement positif. J’ai des joueurs qui sont très à l’écoute, qui veulent apprendre. Ils veulent rattraper les retards qu’ils ont accumulés ces dernières années, où l’Équipe nationale était en sommeil. Elle préparait les compétitions, seulement au dernier moment. Il n’y avait pas de stratégie bien établie donc les joueurs ont pris du retard. Aujourd’hui, les joueurs ont envie de travailler. Depuis l’été dernier, on a beaucoup travaillé. Ils sont très motivés. C’est un grand plaisir de travailler avec eux. Je dois même les freiner des fois. Pour un entraîneur c’est un vrai plaisir. De plus on me donne les moyens pour travailler. Il y a eu des stages à l’étranger dont les joueurs avaient beaucoup besoin. Nous sommes allés en France, en Pologne et en Roumanie. On a réussi une coupe d’Afrique où on a atteint nos objectifs. Ajouter à cela, l’aventure humaine qui est belle car je la vis avec des personnes très attachante.
Vous avez découvert le handball local. Est-il pire ou meilleur que vous imaginiez ?
D’abord je voudrais dire que je n’aime pas imaginer. Je n’aime pas me faire de fausses idées. Effectivement le niveau du championnat n’est pas exceptionnel, mais il y a un tel engouement et une dynamique assez positive. Avant le confinement, j’ai été voir le match Annaba contre le GS Pétroliers, à Annaba. J’ai passé un très bon moment, j’ai vu un très bon match de handball, de qualité et équilibré. Cela pourrait mieux jouer, mais le match était appliqué avec beaucoup de sérieux et il y avait du public. Sachant qu’Annaba n’est pas qualifiée pour les play-offs, malgré tout, j’ai vu un beau spectacle, et quelques joueurs intéressants.
Pensez-vous qu’il y a aujourd’hui quelques joueurs qui peuvent prétendre à jouer en Europe et spécifiquement en France ?
Ils ne sont pas très nombreux, mais il y a des joueurs qui peuvent faire le bonheur de certains clubs. Sans parler de Berkous, qui pourrait jouer dans n’importe quel club français, il y a d’autres joueurs comme Moustapha Hadj Sadok ou Zouhair Naïm qui peuvent évidemment jouer en France. Le fait qu’on s’est qualifié pour la prochaine coupe du monde et le TQO (Tournoi Qualificatif Olympique) est une bonne chose. Ils vont pouvoir rencontrer les meilleurs joueurs du monde et ainsi progresser.
Y a-t-il des joueurs plus jeunes, comme les espoirs, qui peuvent être dans le même cas ?
Je n’ai pas eu le temps de les voir les espoirs, d’autant plus que les équipes de jeunes ont été mises en sommeil depuis quelques années. La DTN n’a été remise en place qu’il y a quelques mois, avec à sa tête Karim Bechkour. Les équipes U21 et U19 sont enfin réactivées. Nous avons par exemple, Hichem Boudrali à la tête de l’équipe des espoirs. Il devait commencer le travail et le premier rassemblement au mois de mars dernier. Mais l’actualité en a décidé autrement. Ces jeunes, je ne les connais pas, je voulais profiter de l’été pour les connaître (NDLR : la prochaine CAN U21 aurait dû se dérouler du 13 au 23 août 2020, au Maroc), Mais aujourd’hui je ne peux rien vous dire puisque nous sommes dans le flou total à cause de ce virus.
“Je suis très content de la préparation qu’on a eu en Pologne et en Roumanie. J’ai eu les moyens que je voulais avant d’aborder la CAN”
Le programme de la préparation de la CAN, c’est vous qui l’aviez établi, ou bien on vous a imposé les différents tournois ?
On a reçu des propositions de stages, notamment le stage en Pologne qui a duré 12 jours. Durant ce stage on avait rencontré deux fois l’équipe de Pologne B (1 victoire et 1 défaite) et 2 clubs locaux (2 victoires). Il y a eu beaucoup d’entraînements, on a bien travaillé avec les joueurs locaux. Étant donné que je connais bien les Roumains, pour le stage suivant, nous avons été invités en Roumanie. Cela aide beaucoup quand on connaît les gens (rire). Nous avons effectué un tournoi très intéressant malgré deux défaites. L’objectif n’était pas de gagner le tournoi mais de se préparer à la coupe d’Afrique en faisant jouer tous les joueurs. Nous avons perdu d’un but d’écart à chaque fois, contre de très bonnes nations européennes qui sont les Pays-Bas et la Macédoine. Deux nations du handball qui ont participé au championnat d’Europe juste après. Ce tournoi a donné le bon rythme pour attaquer la coupe d’Afrique. Ajoutez à cela, il y a eu un long stage à Alger juste avant le tournoi, ponctué par un match amical contre l’Angola, que nous avons battu. Nous aurions dû avoir deux matchs contre cette même équipe, mais à cause d’un problème de transport, ils ne sont pas arrivés à temps, à Alger, pour le premier match. Au final je suis très content de la préparation puisque j’ai eu les moyens que je voulais.
Lors de la CAN 2020, dans le groupe D, l’Algérie était avec le Maroc, la Zambie et le Congo. Après le traumatisme de la sixième place, au Gabon en 2018, appréhendiez-vous ce premier tour? Y avait-il une préparation psychologique pour les joueurs ?
Je n’interviens pas dans l’aspect psychologique. Mon domaine s’est limité au technico-tactique, et au physique. Nous avons bien travaillé sur ces trois aspects, ce qui a mis en confiance les joueurs. Je leurs ai demandé de prendre du plaisir. Après, tout le travail sur le terrain, ce sont eux qui l’ont fait. Ma plus grande appréhension était sur le match contre le Maroc. Je savais qu’il serait décisif et qu’il fallait le gagner pour aller en demi-finale.
Justement le match contre le Maroc, l’Algérie a gagné (33-30). Le sélectionneur marocain avait dit que son équipe était supérieure à l’Algérie. La victoire algérienne n’était due qu’à l’arbitrage. Sont-elles réalistes ses déclarations ?
Le Maroc a une très bonne équipe qui a fait beaucoup de progrès. Le problème est qu’ils se sont dispersés lors de ce match et ils ne se sont pas concentrés sur l’essentiel. Il y a eu trop de provocations et beaucoup et d’énervement contre l’arbitre. Ce même sélectionneur a oublié qu’il a écopé d’une suspension de deux minutes parce qu’il a insulté l’arbitre. Il a aussi oublié que, très tôt dans le match, deux de nos joueurs majeurs ont écopé de carton rouge très sévère. Pourtant on ne s’est pas énervé et on a continué à jouer. Ils ont fait le choix de s’énerver puis ils se plaignent. Je ne suis pas d’accord. Ce jour-là, nous avons mérité notre victoire grâce au talent de nos joueurs, mais aussi grâce à notre calme. La meilleure équipe a gagné.
Que pensez-vous de l’arbitrage, en général, lors de cette coupe d’Afrique ?
Il y a eu du bon et un peu de moins bon en terme d’arbitrage. Comme d’ailleurs les équipes qui ont joué cette coupe d’Afrique. Le souci lors des grandes compétitions est les consignes données aux arbitres. Souvent elles sont appliquées pour la première fois et à la lettre. Elles deviennent incompréhensibles pour les joueurs, comme par exemple des cartons rouges direct. Les arbitres espagnols qui ont arbitré les demi-finales et la finale, je les ai trouvés très sévères. Cela a choqué certains, mais pas moi, parce que je les connais (rire). Pour résumer l’arbitrage n’a pas influé sur les résultats. Ce sont le jeu et la qualité des équipes qui ont fait qu’on a eu la CAN qu’on a eu. L’Égypte a gagné ce championnat, non pas grâce à l’arbitre mais grâce à son talent. De même pour l’Algérie, nous sommes arrivés troisième grâce à notre talent. Le Maroc s’est qualifié pour la coupe du monde grâce à son talent. Il faut savoir s’adapter à l’arbitrage, et c’est très bien comme ça.
Au deuxième tour nous avons rencontré le Cap-Vert, l’équipe surprise de la CAN. Nous avons gagné, mais avec beaucoup de difficultés. Comment expliquez-vous cela ?
C’est une équipe composée de beaucoup de joueurs qui évoluent dans le championnat portugais et certains dans le championnat espagnol. Ils sont très athlétiques et de très bons joueurs de handball. En analysant leur jeu, on s’aperçoit qu’il ressemble beaucoup au handball européen. Au fur et à mesure du tournoi ils ont progressé. Nous les avons joués un peu avant la demi-finale et ils ont été très bons face à nous. Je trouve que c’est une magnifique équipe et incontestablement la révélation de la coupe d’Afrique. D’ailleurs dans le match de classement, ils ont battu facilement le Maroc 37 à 28.
“Contre la Tunisie et l’Égypte, on n’a pas été dominé outrageusement. Elle est là ma satisfaction… il nous a manqué du travail, du temps et quelques joueurs de talent”
Les deux matchs suivants sont deux défaites, contre les plus grosses équipes africaines la Tunisie et Égypte. Que manque-t-il à l’Algérie, aujourd’hui, pour gagner contre ces deux équipes ?
On a perdu avec les honneurs à chaque fois contre ces deux équipes. Nous avons réussi à accrocher très longtemps la Tunisie, et on était au coude à coude à la mi-temps avec l’Égypte, qui est une très belle équipe. Il nous manque du travail, du temps et bien sûr quelques joueurs de talent. Mais je trouve qu’on n’a pas été dominé outrageusement par ces deux équipes. Elle est là ma satisfaction. La Tunisie, que je connais bien puisque j’y ai travaillé pendant quatre ans, travaille depuis longtemps avec ses équipes de jeunes et leur équipe première. Ils étaient très bien préparés. Arriver à les inquiéter devant leurs 12 000 spectateurs, à Radès, c’est très satisfaisant.
L’une des raisons de ces défaites a été le grand déchet de tirs aux 6 mètres. Nous avons raté beaucoup de face-à-face devant les buts adverses. Comment l’expliquez-vous ?
Effectivement, on n’est pas très adroit aux tirs en général. L’une des caractéristiques d’un bon handballeur sont ses tirs. Un bon handballeur est un bon shooteur. Nous sommes très naïfs devant les buts. Nos joueurs consomment beaucoup d’énergie à se mettre en situation de tir. C’est un constat que j’ai fait, je sais que c’est un axe de travail. Par exemple, notre pivot, Hichem Kaâbeche joue très peu à Nîmes, donc il manque de compétition. Mais il s’est bonifié au fur et à mesure des matchs. Yahia Zennadi est un jeune joueur qui doit se construire physiquement. Nous avons aussi Okba Essad qui n’a pas un grand gabarit. Il s’épuise dans le jeu, au moment où il a le ballon pour tirer, il n’a plus beaucoup d’énergie. Ce sont des constats que j’ai fait, mais ça n’enlève rien à la combativité de ces garçons qui ont envie de bien faire.
J’ai aussi relevé que nous avons des temps faibles, en début de deuxième période. Alors qu’on fini plutôt bien la première mi-temps. Le début de deuxième mi-temps est à chaque fois très difficile où l’adversaire marque beaucoup de buts. Alors on est amené à dépenser beaucoup d’énergie pour revenir au score. Est-ce que c’est aussi un point de travail ?
En effet, nous avons souvent un retour de vestiaire un peu compliqué. Peut-être que nos joueurs se déconcentrent un peu trop, peut-être qu’ils pensent que le score est acquis à la mi-temps, alors que pas du tout. Ce sont des points que j’ai aussi relevé, auxquels j’y réfléchis. Peut-être qu’il faut se chauffer un peu plus, avant de reprendre le match. Ce sont des constats que j’ai aussi fait. Pour l’instant, ils ne nous ont pas coûté trop cher, même si, contre l’Égypte, c’est à ce moment-là que nous avons explosé. Lors des matchs de poule, les Marocains sont revenus au score à ce moment-là. Mais je pense que c’est surtout dû au carton rouge que nous avons pris juste avant la mi-temps. C’est ma première année avec cette équipe, je découvre cela. Mais ça n’empêche pas d’y travailler.
Cela doit être frustrant pour un coach de voir ses poulains rater des buts qui peuvent nous mettre à l’abri ?
Ce n’est pas aussi facile que ça non plus. Pendant ce tournoi il y a eu aussi de très bons gardiens qui ont fait le job. Certainement, on aurait pu se mettre à l’abri un peu plus tôt. En tout cas contre le Maroc, les joueurs majeurs comme Berkous, ils n’ont rien raté. Ils étaient au rendez-vous. Berkous n’a rien raté, il a marqué 14 buts. Les grands joueurs sont présents lors des grands rendez-vous. Même si nos joueurs majeurs ne sont pas au top, nous avons toujours des joueurs qui ont su les suppléer. Par exemple lors du match de la troisième place contre l’Angola, Naïm a décoincé la situation. C’est bien qu’on ait ce type de joueurs qui peuvent prendre le relai.
“Berkous est un joueur exceptionnel ! Des joueurs comme lui il n’y en a pas dans tous les pays et tant mieux pour nous”
Justement en parlant de Berkous, on a senti une dépendance à ce joueur. Cela veut-il dire que les autres joueurs n’ont pas été à leurs niveaux?
Non je ne suis pas d’accord. Ça veut d’abord dire que des joueurs comme Berkous, il y en a pas beaucoup, il y en a pas dans tous les pays et tant mieux pour nous. C’est vrai que c’est un joueur exceptionnel et donc, évidemment, on compte beaucoup sur lui. Mais nous avons aussi des joueurs d’expériences qui nous ont beaucoup aidés. Je pense particulièrement à Berriah, qui a été très bon et s’est imposé contre le Maroc, quand Ayoub Abdi a pris son carton rouge. Les joueurs d’expériences, dans une équipe qui se construit, ont souvent apporté le petit plus nécessaire.
Justement en parlant de Berriah, il a annoncé sa retraite internationale. Cela vous fera de l’expérience en moins. D’autant plus que ce joueur a fait une très bonne CAN.
Il y a des gens qui n’ont été très sympathique avec lui. Sur le coup de la déception, alors il a annoncé sa retraite. Mais j’ai discuté avec lui lors du stage qu’on a eu au mois de mars. Il est revenu à de meilleurs sentiments. A cette période, on devait normalement être en préparation des prochains TQO. Il devait être avec nous. Donc pas encore de retraite internationale pour lui.
On termine à la 3ème place de la CAN 2020. Nous sommes donc qualifiés pour le prochain Mondial et cerise sur le gâteau, on accroche le TQO. Franchement, vous espériez cette performance ?
Je me disais que cela allait être très difficile parce qu’il y a des équipes hiérarchiquement devant nous. Mais secrètement je l’espérais. Par rapport aux performances de la CAN précédente, il y avait des équipes plus solides que nous, comme le Maroc, l’Angola, sans parler de la Tunisie ou l’Égypte. Je me disais qu’il fallait absolument gagner les 4 premiers matchs pour être qualifié en demi-finale. On jouera ensuite une place pour le podium. Vu les résultats de notre dernière compétition, je ne pouvais pas l’afficher.
“Le bilan de la CAN 2020 est très positif : on a remis l’Algérie dans le circuit des grandes compétitions internationales”
Quel bilan avez-vous fait de cette CAN 2020 ?
Le bilan est positif puisqu’on a remis l’Algérie dans le circuit des grandes compétitions internationales : un TQO et un Mondial. Cela doit créer une dynamique positive de travail. Ces résultats donnent confiance à beaucoup de monde. Ils doivent aussi donner confiance aux clubs pour former de bons joueurs. J’espère que cela donne confiance aux gens vis à vis de moi, en me voyant m’investir, avec mon adjoint Tahar Labane. C’est un homme exceptionnel et un adjoint très compétent. Il donne tout pour l’équipe. Cette dynamique positive va nous permettre de fréquenter régulièrement les compétitions internationales pour avoir des objectifs plus ambitieux. Ainsi l’Algérie sera au niveau qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
Concernant les prochains objectifs, dernièrement, le joueur d’Ivry, Walid Badi m’a dit que l’Algérie fera tout pour jouer les troubles fêtes. Pensez-vous que ce sont des objectifs atteignables ?
Il ne faut pas non plus aller trop vite aujourd’hui. Il faut attendre le tirage au sort. Le dernier Mondial auquel l’Algérie a participé était en 2015, au Qatar et on a fini dernier. Il faut rester humble, et travailler pour gagner des matchs lors de ces grandes compétitions. On a un TQO extrêmement difficile. Nous sommes dans un groupe composé de l’Allemagne, la Suède et la Slovénie qui sont des grandes nations de handball. Ils sortent d’un championnat d’Europe où elles ont été performantes. Il ne faut pas s’enflammer, dans un tel tournoi on va y aller pour apprendre. Avec la Tunisie j’ai mis du temps pour construire une belle équipe. Dans le sport de haut niveau, on ne laisse pas beaucoup de temps pour travailler. Dans notre cas il me faut du temps pour pouvoir monter une équipe performante. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne sera pas ambitieux. On verra notre valeur contre les meilleurs. On va essayer d’exister le plus longtemps possible, comme lors de la coupe d’Afrique, contre la Tunisie ou l’Égypte. S’il y a des possibilités, il ne faudra pas les rater. C’est comme cela qu’on progresse.
Lors du prochain TQO, vous irez avec une équipe rajeunie afin de préparer les futures compétitions, ou bien vous compterez encore sur la même équipe qui a participé à la CAN 2020 ?
Je ne peux pas trop répondre à cette question parce qu’on ne sait pas quand est-ce qu’il va se dérouler le tournoi. Le TQO aurait dû se dérouler la semaine prochaine. Si on avait été dans les temps, je me serais reposé sur la même équipe qui a participé à la coupe d’Afrique. J’aurai récupéré Kader Rahim. Il n’avait pas participé à la CAN, à cause d’une blessure. Il y a eu peu de temps entre la coupe d’Afrique et le tournoi, logiquement l’équipe aurait eu une ossature de joueurs qui ont participé à la coupe d’Afrique. Maintenant tout a changé avec cette période que nous traversons. On ne sait pas quand on jouera le tournoi. Sera-t-il avant ou après le mondial ? On ne le sait pas. J’espère aussi que les joueurs, avec qui j’ai travaillé la saison dernière, vont continuer à le faire avec moi.
“Rajeunir l’équipe ? Je connais qu’un seul critère : il y a le bon et le mauvais joueur, mais pas le jeune ou le vieux”
Certains joueurs approchent ou dépassent la trentaine, est-ce que vous avez pour objectif de rajeunir l’équipe ?
Si les jeunes sont bons, oui je suis d’accord. Par contre s’ils ne sont pas au niveau, ce n’est pas leur rendre service de les incorporer dans le grand bain. Rajeunir une équipe pour rajeunir ce n’est pas un bon calcul. En Tunisie j’avais rajeuni l’équipe. Mais en Tunisie, ils travaillaient beaucoup avec les équipes de jeunes et ils avaient une génération de joueurs exceptionnels. Si nous avons de bons joueurs, on leur ouvrira la porte et ils participeront aux grandes compétitions internationales. Je connais qu’un seul critère : il y a le bon et le mauvais joueur, mais pas le jeune ou le vieux.
Peu de temps après la coupe d’Afrique, le président de la fédération algérienne, Habib Labane et d’autres joueurs, ont été élogieux envers le travail que vous avez fourni. Ils parlaient d’une nouvelle philosophie de jeu, aussi bien en défense qu’en attaque. Qu’elle est cette nouvelle philosophie de jeu ? Qu’avez-vous apporté aujourd’hui à l’Équipe nationale ?
C’est très difficile pour moi de répondre quand on reçoit des éloges. Le handball d’aujourd’hui a beaucoup évolué. Il y a de nouvelles règles, de nouvelles façons de jouer telle que le jeu rapide. L’effort physique a évolué. Maintenant, le rythme des matchs est très intense. Je pensais qu’il fallait changer la défense algérienne. Enchaîner les matches avec une tactique de 3-3, qui a fait la force de l’équipe d’Algérie à une certaine époque, demande une trop grande dépense d’énergie sur une compétition. Cela ne veut pas dire qu’on ne l’a pas utilisé, mais on a joué avec d’autres formes de défense qui conviennent assez bien à la qualité des joueurs algériens. De plus, à chaque fois que je proposais quelque chose, les joueurs étaient volontaires et le faisait à fond. Cela m’a encouragée à continuer. J’ai aussi essayé de changer l’état d’esprit de cette équipe. J’ai redonné de l’ambition, le plaisir de venir au stage et de jouer. Quand les joueurs sentent qu’ils progressent au stage, ils prennent du plaisir à travailler. J’ai une idée du handball où la star est l’équipe et non pas le joueur. Cela correspond très bien à l’état d’esprit de mes joueurs. Ils ont tous un rôle très important à jouer qu’ils aient joué ou peu jouer. Tout le monde a été positif, et cette dynamique, j’y suis peut-être pour quelque chose.
Quels seront les prochains axes de travail afin d’élever le niveau de cette équipe ?
Il y a plusieurs axes de travail. Le premier étant le physique. Il faut absolument s’améliorer sur le plan physique. Le deuxième plan est tactiquement lors de nos phases d’attaque. Les joueurs ont tendance à décider par eux-mêmes ce qu’ils vont faire, au lieu de regarder le jeu. Nous avons beaucoup de joueurs qui sont dans cette tendance. Un dernier axe de travail est de combler le manque de joueurs dans certains postes. Par exemple, nous sommes en manque de pivot ou bien de numéro 3, c’est-à-dire une défense centrale plus solide. On va chercher à combler ces manques en prospectant. Il faut trouver de tels joueurs. Par contre si on ne les trouve pas il faut travailler, pour progresser à ces postes.
Votre contrat court jusqu’à juillet 2021, théoriquement jusqu’à la fin des Jeux Méditerranéens. Mais ces jeux sont reportés jusqu’en 2022. Est-ce que vous avez discuté d’une prolongation de votre contrat avec le président de la fédération?
Avec ce confinement, nous n’avions pas eu le temps d’en discuter. J’espère qu’après, nous en discuterons. Je suis bien là où je suis et j’ai envie de continuer. J’ai envie de m’inscrire dans la durée. Si le président a cette volonté, si tout le monde a cette volonté, nous trouverons un accord assez facilement.
“Je veux continuer avec l’Algérie. Je n’ai pas envie de travailler pour la fédération française et les rumeurs avec la Tunisie sont fausses”
Après les championnats d’Europe, l’équipe de France a traversé une zone orageuse. On a parlé de vous comme un possible successeur à l’ancien sélectionneur, Didier Dinart. Est-il vrai que la fédération française vous a approché ?
Je sais qu’il y a des personnes qui ont évoqué mon nom, mais, aujourd’hui, il est impossible pour moi de travailler avec les gens qui sont en place à la fédération française. Aujourd’hui je n’ai pas envie de travailler pour la fédération française. Donc ces rumeurs sont fausses et ce poste, aujourd’hui, ne m’intéresse pas.
Il y a eu aussi la rumeur de l’approche de la fédération tunisienne, juste après la coupe d’Afrique des nations. Cette rumeur est-elle vraie ou fausse ?
Comme la première rumeur, elle est complètement fausse. J’ai beaucoup d’affection pour les Tunisiens, mais je pense, actuellement, ils ont d’autres soucis. De toute façon, ce n’est pas d’actualité pour eux. Ils sont traumatisés par la défaite. Ils voulaient absolument gagner cette coupe d’Afrique chez eux. Il y a 10 ans, avec moi, on avait gagné en Égypte. Cette année, les Égyptiens ont pris leur revanche. Cette victoire égyptienne est très dure à digérer pour les Tunisiens.
Au mois de septembre dernier lors de notre précédant entretien, je vous avais demandé si la fédération a élargi vos prérogatives. A l’époque, c’était non. Est-ce que aujourd’hui cela a changé ? Avez-vous un regard sur les équipes de jeunes ou féminines, puisque vous avez une expérience avec l’équipe nationale féminine de France ?
Concernant l’équipe féminine, avec le président, nous n’avons pas parlé de cela. Par contre, avec le D.T. N, Karim Bechkour, nous parlons beaucoup de ce qu’on nous pouvons faire avec les équipes de jeunes masculines.
Votre club de cœur, l’USAM Nîmes, s’est qualifié pour la prochaine coupe d’Europe. Je suppose que cela vous fait plaisir.
Oui bien sûr ! C’est le club où j’ai passé le plus de temps. Le club où j’ai effectué ma carrière de joueur. J’irai les voir avec plaisir, quand je serai sur la région. Maintenant c’est leur histoire à eux, ce n’est plus celle de ma génération. C’est aussi un grand plaisir parce que Nîmes est une vraie ville de handball. Ce club est toujours dans mon cœur.
Il y aura aussi une répercussion sur l’équipe nationale puisque notre pivot, Hicham Kaâbeche, joue dans ce club.
Oui bien sûr, même si il ne joue pas beaucoup. j’irai le voir avec plaisir. C’est le cas de tous les professionnels algériens. Quand Dunkerque est venu à Nîmes, je suis parti voir Kader Rahim. Quand Istres est venu, je suis parti voir Hichem Daoud. Quand c’est Toulouse c’est Ayoub Abdi. Je vais voir assez souvent nos joueurs.
Un dernier mot pour nos supporters qui vous suivent et qui sont très fervents de handball.
Il faut que nos supporters sachent que je suis très déçu que la dynamique que nous avons enclenchée après cette coupe d’Afrique soit interrompue par cette crise humanitaire. Mais dès que tout cela sera terminé, nous repartirons avec plus d’enthousiasme pour faire de belles choses pour le handball algérien.
Entretien réalisé par Fateh Le Coach, pour La Gazette du Fennec