Arrière-droit emblématique de la génération 80, Chaâbane Merzekane nous a accordé une interview dans laquelle il s’est penché sur le tirage au sort des Verts à la CAN 2025. Celui qui a pris part à 4 CAN (1980, 1982, 1986 et 1988) a aussi parlé du tournoi et ses spécificités (notamment le contexte politique) ainsi que les défis qui attendent Vladimir Petkovic. Surtout que ce dernier connaîtra son premier tournoi africain en carrière car il n’a jamais travaillé sur notre continent dans le passé.
LGDF : « Monsieur Merzekane, quelle est votre première appréciation concernant le groupe duquel l’équipe nationale a hérité pour la CAN 2025 ?
Merzekane : Je pense qu’à ce niveau toutes les équipes se valent. On aurait pu tomber dans une poule plus relevée. Après, nos joueurs savent déjà que rien n’est facile car ils ont vécu deux sorties dès le premier tour lors des deux dernières participations. Maintenant, il faudra aller à la CAN avec l’intention de bien faire les choses peu importe les adversaires.
Pour beaucoup, les Verts peuvent passer au second tour. Mais il y a peut-être ce blocage psychologique qui pourrait compliquer la tâche ?
Je n’appellerais pas cela un blocage psychologique non. C’est juste des contreperformances. Maintenant, il y a des joueurs qui sont toujours là et qui savent quel genre d’erreurs il ne faudra pas refaire.
« Gagner le premier match est très important »
Le premier match contre le Soudan sera certainement décisif ? Surtout que l’entrée en matière reste importante dans ce genre de tournoi…
C’est toujours important de bien commencer une compétition. Cela permet d’être plus serein et de mettre la pression sur les autres concurrents dès le début. Après, on peut penser que le Soudan est l’équipe la moins dangereuse du groupe. Mais on l’a déjà vu ces dernières années, les surprises sont nombreuses à la CAN.
Comme la génération de 80, la génération actuelle va disputer une 7e phase finale de suite à la CAN. Pensez-vous que l’Algérie est aujourd’hui une véritable grande nation du foot en Afrique ou il y a toujours des sélections qui restent un cran au-dessus ?
Je pense que ce n’est pas vraiment la même chose par rapport à notre génération. Vous savez ? La sélection à notre époque était constituée de joueurs issus de notre championnat. Et cela permettait d’avoir plus de cohésion et de stabilité. Aujourd’hui, la plupart des joueurs viennent d’Europe et cela peut poser des problèmes avec leurs clubs sachant que la CAN se joue en plein milieu de la saison. Il y a toujours des contraintes quand arrive le moment de les libérer et cela peut les perturber. Après, sur le papier, je pense qu’on a l’un des meilleurs effectifs en Afrique.
« La qualif’ à la Coupe du Monde n’empêche pas de faire une bonne CAN 2025 »
Petkovic tentera d’aider les Fennecs à s’extirper du premier tour après deux éliminations précoces en 2021 et 2023 en phase de poules ? Pensez-vous qu’il a les moyens pour le faire malgré son inexpérience dans ce genre de compétitions ?
Vous savez, l’évaluation du travail d’un entraîneur ne se fait pas sur un tournoi seulement même si le résultat final est déterminant. Il y a toujours des indices avant. Et on peut penser que l’équipe nationale a retrouvé un peu de stabilité et que les joueurs sont plus aguerris. Surtout les jeunes qui ont été intégrés récemment et qui ont donné satisfaction.
Petkovic a établi son ordre de priorités et il a placé, pour des raisons chronologiques, les qualif’ à la Coupe du Monde 2026 avant la CAN 2025 ? Trouvez-vous cela logique ?
Cela dépend des objectifs qui lui ont été fixés par la Fédération algérienne de football. Mais je pense que les deux objectifs sont différents pour les deux compétitions.
Petkovic ne pense-t-il pas que la qualif au Mondial 2026 est la véritable condition principale pour qu’il reste sur le banc de l’EN même s’il y a une contreperformance à la CAN 2025 ?
Se qualifier à la Coupe du Monde ne doit pas empêcher l’équipe nationale de faire une bonne CAN 2025. On est l’Algérie. On ne doit pas participer pour participer.
« Je pense que les Marocains supporteront l’Algérie à la CAN 2025 »
Oui mais on l’a vu par le passé. Rabah Saâdane par exemple est resté en poste malgré une CAN 2010 marquée par l’humiliation en demi-finale contre l’Egypte (défaite 4-0). Et c’était probablement parce qu’il avait qualifié l’équipe au Mondial 2010…
Je n’aime pas le mot humiliation. Le sport n’est pas une science exacte. Et, selon moi, il y a juste la victoire ou la défaite. Cela dit, Petkovic ne devra pas compter seulement sur une qualif’ en Coupe du Monde pour espérer rester. Il faudra faire de bons résultats à la CAN 2025.
Monsieur Merzkane, place à la question inévitable : Pensez-vous que le contexte politique et les tensions entre l’Algérie et le Maroc peuvent faire que les Verts jouent dans une ambiance hostile ?
Non je ne le pense pas. En 1988, on a joué là-bas. Et c’était déjà tendu politiquement. Mais cela n’a pas empêché les Marocains de nous supporter durant le tournoi (l’Algérie a même affronté le Maroc dans le match de la 3e place s’imposant aux tirs au but après avoir été éliminée par le Nigéria aux tirs au but aussi, NDLR). Je pense qu’il faut laisser le “politique” de côté. Ce litige concernant le Sahara Occidental est au niveau de l’ONU. Pour le reste, je pense qu’il n’y a pas de problèmes entre les deux peuples.
Donc vous pensez que les Verts seront supportés par les Marocains lors de leurs matchs ?
Oui. Ce n’est pas exclu…
« Quand il s’agit de l’Algérie, je souhaite toujours qu’on aille loin »
Pour terminer, un pronostic pour le parcours d l’Algérie la CAN et qui placez-vous comme favoris au sacre ?
Je n’ai pas de pronostic quand il s’agit d’Algérie. C’est plus un souhait. Je souhaite toujours qu’on aille loin et qu’on atteigne au moins le dernier carré. Mon unique favori, c’est l’Algérie. Et rien d’autre.
Oui mais il y a des sélections qui ont des joueurs fantastiques. On pense notamment à l’Egypte qui compte Mohamed Salah et Omar Marmoush qui brillent ces derniers temps…
Évidemment, on peut citer l’Egypte ou encore la Côte d’Ivoire qui est détentrice du titre. Mais, nationaliste comme que je suis, je mise sur l’Algérie (rires).
Merci pour votre disponibilité monsieur Merzkane.
Je vous en prie. »
