C’est en toute décontraction que nous avons rencontré Hillal Soudani dans son antre que constitue le stade Maximir de Zagreb. En pleine préparation du classico croate (interview réalisée avant la confrontation face au rival Hajduk Split), quelques joueurs du Dinamo Zagreb ont visité une école élémentaire pour y faire de la prévention. Les petits et les grands n’avaient d’yeux que pour leur star : Hillal Soudani. La Gazette du Fennec a ainsi rencontré le n°2 du Dinamo pour un entretien à cœur ouvert.
>> L’entretien de Soudani en vidéo :
LGDF : Salam aleikoum Hillal, comment vas-tu ?
Hillal Soudani : Hamdoulillah, bienvenue à vous ici à Zagreb (sourire).
Merci à toi et ton club pour l’invitation et pour nous accueillir, ici, au stade Maximir.
Avec plaisir
Comment va le Lion du Chéliff ?
Ça va, Hamdoulillah, on est bien, le plus important c’est la santé et après c’est la réussite. Mais Hamdoulillah.
Avant de parler de football, cela fait cinq ans que tu es ici, on ne connait pas la Croatie et on se dit comment il fait pour tenir cinq ans à Zagreb ?
Franchement, même moi je n’ai pas pensé rester longtemps ici. Mais après c’est le mektoub, mais Hamdoulillah, à la fin je ne le regrette pas. Cela fait cinq ans que je suis là et après on verra.
“Le plus important dans la vie c’est d’être respecté. Ces choses ne s’achètent pas !”
Tu es une star ici, on a été avec toi dans une école pour une opération de prévention les gens ne parlaient que de Soudani ! Soudani ! Soudani !
Hamdoulillah, cela me fait énormément plaisir, je suis bien respecté ici en Croatie. Le plus important dans la vie c’est d’être respecté. Ces choses ne s’achètent pas. Cela ne fait pas six mois que je suis ici mais cinq ans, mon image c’est celle d’un Algérien que je vais laisser ici. Cela compte beaucoup. Je suis respecté pour cela aussi.
Tu as tout gagné ici avec Zagreb. Que manque-t-il à ton palmarès ?
J’ai tout gagné ici, après pour le palmarès, peut-être jouer un deuxième tour en Europe. Il ne me manque que cela Inch’Allah. On a une belle équipe cette saison, on va voir en fin de saison ce qui se passera.
On sait qu’il y a un petit record en ligne de mire, pour être le joueur étranger le plus prolifique en but. Ils vont te laisser tirer les pénaltys ?
Pour le moment je tire les pénaltys, avant je ne les tirais pas, mais maintenant je commence à les tirer.
Le record en ligne de mire ?
Franchement, je ne pense pas à cela, le record ou pas le record. Comme on dit toujours, le record doit venir tout seul. Après si tu y penses trop, tu oublies ton football. Je vais faire mon travail pour faire gagner mon équipe, c’est le plus important pour moi.
Les années se ressemblent pour Zagreb, sauf l’année dernière où c’était plus dur avec Rijeka, mais en général, très tôt dans la saison Zagreb est au top, beaucoup de points d’avance, le championnat est quasi gagné, des bons parcours en coupe. Les fins de saisons ne sont pas trop ennuyeuses ?
Non, franchement dès que l’on sait que l’on va gagner le championnat, on prépare les matchs du reste du championnat comme une préparation pour l’année prochaine, pour l’Europe. On fait de bons matchs pour l’année prochaine. Mais même si on sait que l’on va gagner le championnat, on reste concentré jusqu’au bout, on ne peut pas lâcher au milieu du championnat, on sait le football comment cela se passe, mais cela reste des matchs préparatifs pour l’Europe.
Le rival éternel du Dinamo en championnat c’est Hajduk Split et c’est dimanche prochain.
C’est dimanche prochain. Il y a Hajduk et Rijeka juste après. Mais le match face à Hajduk c’est le Classico du pays.
C’est l’équivalent d’un Paris St Germain – Marseille ?
Oui c’est comme ça. C’est important de gagner, c’est un grand rival. Entre deux villes.
Le nord, le sud …
Voilà, ils ont la mer et tout, c’est presque comme Marseille.
“Je suis fier de mon parcours. Sortir du championnat algérien est une réussite”
C’est clairement un Paris St Germain – Marseille de la saison…
Oui et nous c’est la capitale. Mais cela va être un beau match avec beaucoup de public, de journalistes.
C’est le match de la saison ?
Oui, on joue quatre fois contre eux. C’est bien, deux chez nous et deux chez eux. C’est bien.
Tu es resté deux ans au Portugal, le championnat croate, le championnat portugais ?
Bien sûr il y a une différence, mais les deux ans que j’ai passé à Guimarães, franchement c’était inoubliable là-bas. Je n’oublie pas que c’était mon premier club après l’Algérie. Comme je dis souvent, je ne regrette pas mon parcours. J’en suis fier de mon parcours jusqu’à maintenant. Comme je dis toujours c’est du bonus pour moi pour le moment. Le fait de sortir du championnat algérien, c’est la réussite pour moi.
Zagreb, s’ils jouaient dans le championnat algérien, c’est champion tous les ans ? Ce n’est pas le même niveau ?
Bien sûr, ce n’est pas le même niveau. On a des jeunes joueurs qui partent dans des grands clubs. Ce n’est pas que nous, il y a d’autres clubs ici où les jeunes partent dans les grands clubs. Tout le monde le sait les grands clubs cherchent les jeunes. Ils trouvent ici, en Croatie, des talents.
A 30 ans maintenant, tu as l’âge de raison, tu as commencé à Chlef, tu n’es plus le même joueur. Est-ce que tu conseilles aux jeunes joueurs de sortir d’Algérie pour progresser ?
Je ne me sens pas avoir 30 ans. Je me sens plus jeune. Je travaille sérieusement. L’âge ce n’est qu’un numéro. Le plus important c’est la performance sur le terrain. On conseille à tout le monde de sortir du championnat d’Algérie. Moi je dis à pleins de joueurs de sortir. Franchement, on sait tous qu’il y a de la qualité, du talent. Il ne manque qu’un peu de travail, de rigueur. S’ils viennent en Europe cela leur faciliterait beaucoup de choses.
Tu ne demandes pas à Zagreb d’aller voir les jeunes là-bas ?
J’ai proposé pleins de joueurs, et avec un cela s’est quasiment fait. Je ne cite pas de noms. Mais on verra pour dans le futur car ils ont bien kiffé ce joueur. Comme on dit toujours, je suis Algérien, si je peux aider un joueur algérien à sortir de là-bas, cela me ferait énormément plaisir.
“C’est faux, ce n’est pas Vahid Halilhodžić qui m’a ramené au Dinamo Zagreb !”
Tu es l’ambassadeur des joueurs algériens ?
Bien sûr, si je peux aider un joueur qui a les qualités de sortir, pourquoi pas. C’est mieux pour lui et pour la sélection.
On a toujours dit que c’était Vahid Halilhodžić qui t’a conseillé fortement d’aller à Zagreb.
Concernant Halilhodžić, ce n’est pas lui qui m’a ramené ici. Le club lui a demandé et il a dit des bonnes choses sur moi. Je l’ai appelé et il m’a dit que c’était un bon club. Mais c’est moi qui ai fait le choix.
Mais avec du recul, tu ne t’es pas dit que tu es parti trop tôt du Portugal ?
Jamais. Pour le moment j’assume tout. Ce qui est bien et ce qui n’est pas bien.
Pour l’instant c’est bien !
Même si je ne réussis pas, je n’ai jamais regretté mes choix.
A l’origine, le choix on l’avait compris, partir de Guimarães pour aller à Zagreb dans un championnat assez dur, on l’avait compris…
Bien sûr, mon premier objectif c’était le rêve de jouer la Ligue des Champions.
Ce que tu as fait…
Oui mais c’est qu’avec le Dinamo que je pouvais le faire. Je ne peux pas aller à Manchester ou à Chelsea. Après deux ans au Portugal, où pouvais-je aller jouer la Ligue des Champions ? Tu n’as pas le choix. J’ai bien pensé et j’ai joué l’Europe ici, j’ai joué la Ligue des Champions ici et j’ai joué la Coupe du Monde grâce à mes performances dans mon club.
On pensait que c’était qu’une étape dans ta carrière, mais 5 ans !
Franchement pour moi aussi. Je n’ai jamais pensé rester longtemps ici. Je pensais rester maximum deux ans ici.
“Oui, Nothingham Forest me voulait, mais ça ne sert à rien d’aller au clash”
Peux-tu nous parler des contacts, l’Allemagne, la France, l’Angleterre récemment ?
Chaque année j’ai des contacts. Le club n’est pas satisfait des offres, ils ne veulent pas me laisser partir. Mais je pense que c’est une excuse. Je comprends le club.
Mais tu sens bien ici, tu n’as jamais pensé aller au clash pour partir ?
Je ne peux pas faire ça. Le club m’a tout donné, même des choses privées que je ne peux pas dire. Je suis reconnaissant envers le club. Concernant le dernier mercato, c’est un club confirmé d’Angleterre qui me voulait.
Nottingham Forest ?
Oui c’était Nottingham Forest. Le président ne voulait pas, j’ai failli aller au clash. J’ai compris que ce n’était pas de chance et que cela ne servait à rien d’aller au clash car je serais le perdant.
Mais est-ce que tu comprends que les fans sont frustrés, certains disent que c’est un manque d’ambition, qu’est-ce que tu réponds ?
Ce n’est pas un manque d’ambition. N’oubliez pas, Hamdoulillah je ne suis pas sans club. Je joue souvent, je gagne bien ma vie ici Hamdoulillah. J’ai eu des contacts qui ne peuvent même pas payer ce que me donne le Dinamo. Ce n’est pas parce que je suis algérien qu’on doit me donne un peu pour venir. Il y a la reconnaissance, la valeur, si je mérite « ça », donne-moi « ça ».
“Jouer en Espagne pour jouer gratuitement ? Je ne peux pas ! J’ai 30 ans, je gagne bien ma vie ici”
Pour rigoler, tu parles croate, tu parles portugais, tu ne veux pas apprendre l’italien, l’allemand ?
Grosso modo, le club ici me respecte et me donne le meilleur contrat du club. C’est de la reconnaissance. Il y a des clubs qui t’appellent et te donnent peu et te disent viens jouer en Espagne. Jouer en Espagne pour jouer gratuitement, je ne peux pas ! J’ai trente ans, je gagne bien ma vie. A la fin de ma carrière, personne ne me dira tu as joué contre Madrid, contre le Barça.
L’essentiel c’est l’épanouissement…
L’essentiel c’est de bien gagner ta vie, tu fais ta carrière et tu laisses les gens parler.
Finalement quand tu vois M’bolhi, Djabou partir en Arabie Saoudite, Taïder en MLS.
On parle de Raïs, quand tu vois sa coupe du monde, il ne mérite pas de jouer dans un club normal. C’est le mektoub. Raïs mérite un bon club aussi, ok pas un grand club mais un bon club. Je ne veux pas rentrer dans le débat Algérien-pas Algérien.
Tu as suivi le dernier mercato avec Mahrez, on ne comprend pas et on se dit pourquoi à chaque mercato, le joueur algérien n’arrive pas à franchir le cap d’un top club, tu n’as pas d’explications ?
Oui je suis en contact avec lui souvent. Franchement je ne sais pas. J’ai vécu la même situation. Pour un autre joueur les clubs peuvent mettre des millions et pour un Algérien … je ne sais pas Allah ou A3lam.
Mais les Croates eux, et les capitaines de chaque équipe, t’ont élu meilleur joueur de l’année, ils n’ont pas à se plaindre des Algériens ?
Non, ici ils n’ont pas du tout cette mentalité. Ce que tu mérites, ils te le donnent, ici. Hamdoulillah, tout le monde me respectent.
“L’Équipe nationale, ce n’est pas un objectif c’est l’amour, le cœur”
Parlons du sujet Equipe Nationale, 45 sélections, 22 buts.
C’est pas mal non ?
C’est super ! A ton début de carrière tu ne pensais pas être à ce niveau ?
Franchement quand je pars en sélection je suis content. Jouer, marquer des buts, c’est exceptionnel. C’est un moment magique dans ma carrière.
Quand tu étais à Chlef …
Bien sûr, quand tu voyais la sélection tu dis que c’est dur de jouer avec eux.
C’était un objectif ?
Non ce n’est pas un objectif, c’est le Gelb. L’équipe nationale, ce n’est pas un objectif c’est l’amour. Tu ne peux pas trouver un mot. Jamais.
Tu as le numéro 2 c’est pour Chlef ?
Oui, tout le monde le sait. J’ai commencé ma carrière avec ce numéro. C’est mon numéro.
Mais en Équipe Nationale tu es avec le numéro 15
Oui le 15 jusqu’au…
Jusqu’à la victoire en CAN en 2019 ?
Inch’Allah ya Rabi, pourquoi pas.
Au niveau du jeu, tu préfères jouer sur un côté, lequel, derrière l’attaquant, en pointe ?
Moi je peux jouer partout, à gauche à droite, dans l’axe.
Mais tu préfères quoi ?
Comme je joue actuellement en club, ailier droit, je rentre. Je suis comme un attaquant, un faux ailier. Le club me donne plus de liberté pour jouer, je suis libre. Je suis à gauche, je suis à droite.
Ton association avec Slimani en Équipe Nationale marchait du feu de Dieu, qu’est ce qui a cassé la dynamique ?
Franchement on était bien on marquait des buts et après… tout le monde le sait.
Tu as connu le top en coupe du monde avec Vahid Halilhodžić et depuis c’est la chute.
Ce n’est pas la chute..
Si clairement.
C’est triste !
Gourcuff en Équipe nationale, c’était le début de la fin ?
Ce n’est pas le début de la fin, mais il faut qu’il assume ses choix aussi.
“Gourcuff doit assumer ses choix aussi… il me faisait jouer quand il n’y avait plus personne !”
Il y avait des soucis avec Gourcuff et les locaux, avec Djabou, avec Slimani, avec toi ?
Je ne parle pas pour les autres mais pour moi. Je ne dis pas qu’il voulait me casser mais je ne rentrais pas dans ses plans. Je ne sais pas pourquoi.
Il y a eu des mots envers toi, il disait que les joueurs formés en Algérie n’étaient pas disciplinés.
Mais même lui il a eu des soucis avec des joueurs en France. Ce n’est pas algérien ou pas. Quand tu pètes les plombs, même si tu es Argentin ou Brésilien. Tu ne peux pas aller à l’encontre de tes émotions. Parce que tu veux faire plus. Tu ne fais pas cela envers lui. Si tu n’es pas fâché, tu n’es pas un joueur de football, il faut changer de sport.
Tu n’as jamais refusé de jouer en 9 avec lui ?
Non, jamais. C’est lui qui me faisait jouer en 9. Mais je n’ai pas joué beaucoup avec lui. Il me faisait jouer quand il n’y avait plus personne. Mais j’ai toujours été en sélection. Je marque des buts, je fais de bons matchs.
Il t’a reproché ton manque d’efficacité en CAN
De quelle efficacité il parle ? J’ai joué avec lui trois matchs, j’ai marqué un but et j’ai donné une passe décisive. En CAN je n’ai pas joué contre le Ghana, ni contre l’Afrique du Sud. Il m’a fait joué contre le Sénégal, le dernier match. J’ai fait un grand match et on gagne 2-0. On joue la Côte d’Ivoire. J’ai marqué un but. Quel manque d’efficacité parle-t-il ?
Tu as ressenti de la Hogra ?
Non, je respecte ses choix. Dans ta carrière tu tombes sur des entraineurs pour qui tu ne rentres pas dans ses plans. Je respecte ses choix. Je ne peux pas parler de lui. Je le respecte, j’ai aucun souci avec lui, même si des fois ça clash un peu mais cela reste entre un coach et un joueur.
“Le sélectionneur Rabah Madjer ne m’a pas appelé…”
Et l’épisode Rajevac, c’était une erreur de casting ?
Moi je ne parle pas de cela. Moi je viens, je joue mais le reste ce n’est pas à moi de dire. On m’appelle, je viens, avec Rajevac ou un autre.
C’est maintenant Madjer qui est coach, tu en penses quoi ?
La dernière fois je n’y étais pas, j’étais blessé. Je ne sais pas quoi dire. Je n’étais pas là-bas.
Il t’a appelé ?
Non, il ne m’a pas appelé.
En sélection ton histoire est liée avec Slimani et Feghouli
Avant on jouait les trois, oui c’était le feu.
Cela va continuer ? C’est toujours d’actualité ?
Inch’Allah, pourquoi pas.
Quels conseils tu donnerais aux jeunes talents en Algérie, tu leurs dis de tout faire pour partir et tenter leur chance en Europe ?
Oui bien sûr. Sans manquer de respect au championnat algérien. Il ne faut pas sortir pour sortir. Mais si quelqu’un sent qu’il peut venir en Europe pourquoi pas.
Tu ne trouves pas dommage que Bounedjah ou Djabou n’ont jamais tenté leur chance en Europe ?
Ils ont beaucoup de qualité. Dortmund voulait Djabou à l’époque. C’est la chance. Nous les algériens on n’a pas de chance. Djabou, Bounedjah, méritent de joueur en Europe. Hamdoulillah ils sont biens là où ils sont aussi. Ils gagnent bien leur vie. La santé c’est le plus important.
Revenons à l’ASO Chlef, qui ne sont pas décrochés en Ligue 2.
Inch’Allah ils vont monter. Ils ne sont pas loin.
Tu les suis toujours
Je parle avec Medouar tous les jours ! Bien sûr que je les suis.
Tu promets aux supporters de l’ASO que tu vas finir ta carrière chez eux ?
Non je ne promets rien, je suis de l’ASO, c’est mon premier club. Quant à finir ma carrière là-bas, je ne sais pas. Je viens de démarrer ma carrière !
Il te reste encore de belles années !
Oui, inch’Allah, le plus important c’est la santé.
Mais tu penses à ta reconversion ? Tu ne dis pas dans dix ans, je serais coach, manager ?
Oui j’ai commencé à penser à cela, j’ai des idées.
Un dernier mot pour les fans de La Gazette du Fennec qui te suivent
Je vous remercie de m’avoir rendu visite ici à Zagreb. Inch’Allah ils vont aimer l’interview. C’était du fond du cœur, c’était la vérité.
On te remercie encore une fois et on te souhaite une bonne continuation.
Entretien réalisé à Zagreb par Khelifa Samir,
pour La Gazette Du Fennec