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Pourquoi Raïs M’Bolhi demeure intouchable en Équipe Nationale

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Bien qu’à court de compétition, Raïs M’Bolhi (33 ans, 59 sélections depuis 2010) apparait de nouveau comme favori pour garder la cage de la sélection durant la CAN 2019 en Égypte. Un paradoxe qui se prolonge et auxquels deux anciens gardiens des Verts, Nasreddine Drid (45 sélections) et Omar Hamenad (25 sélections), tentent d’apporter des explications pour les lecteurs de La Gazette du Fennec.

La sélection algérienne va bientôt s’envoler pour la CAN en Égypte. Logiquement, que ça soit dans l’esprit des supporters ou celui du sélectionneur, et comme c’est le cas avant chaque grande épreuve, des interrogations subsistent concernant plusieurs postes et leurs potentiels occupants. Et, il n’est pas incongru de penser que le doute subsistera jusqu’au dernier moment en ce qui concerne la composition de l’équipe-type.

Il y a des positions où il est compliqué de dégager un élément qui fait l’unanimité. Et d’autres, où il est plus commode de s’accorder sur l’identité du titulaire. Et parmi les rôles où le débat est quasi inexistant c’est celui de gardien de but. Revenu à la compétition lors de la dernière journée du championnat saoudien avec sa formation d’Al Ittifaq après s’être remis de sa fracture du doigt, Raïs M’Bolhi est bien parti pour garder la cage des Verts en terre égyptienne. Et ce, pour la sixième fois de suite dans un grand tournoi international (WC 2010, CAN 2013, WC 2014, CAN 2015, CAN 2017).

Mais qu’est-ce qui fait que le natif de Paris reste indéboulonnable chez les Verts ? Pourquoi en dépit d’un état de forme inquiétant parfois ainsi qu’un statut précaire en club, il est toujours resté et reste le choix numéro des différents sélectionneurs ? Le facteur âge ne semble par ailleurs avoir aucune influence sur la décision de ces derniers ? Faut-il s’inquiéter de ce qu’il peut montrer à la CAN, voire aussi de l’atmosphère qui peut régner au sein du groupe et en particulier entre les différents gardiens ? De nombreuses questions que La Gazette de Fennec a soumises à deux anciens gardiens internationaux : Nasreddine Drid (45 sélections entre 1982 et 1988) et Omar Hamenad (21 capes entre 1995 et 2000).

L’expérience, une condition primordiale pour un gardien ?

Pour commencer, il a été demandé à nos intervenants si c’est le vécu au plus haut niveau qui reste l’atout numéro un de M’Bolhi, sachant qu’il joue en Équipe nationale sans discontinuité ou presque depuis neuf ans, et compte 59 apparitions à son actif. “Oui, c’est tout à fait normal, répond Drid. Même en dehors des compétitions internationales, le vécu pour un gardien est primordial. Ça joue un rôle prépondérant“. Hamenad partage cet avis : “oui, l’expérience est importante. Un gardien expérimenté, il connait déjà ce genre de compétitions et ce genre d’atmosphère et a, par définition, beaucoup de vécu“.

Impossible de bousculer la hiérarchie pour un jeune ?

Pour la CAN, et à moins d’une énorme surprise, Belmadi va choisir entre Raïs M’Bolhi, Alexandre Oukidja, Azzedinne Doukha pour les trois places réservées aux gardiens. Le point commun entre eux c’est qu’ils ont tous trente ans ou plus. Cela invite à se demander si la jeunesse n’est pas un défaut aux yeux du sélectionneur. Le gardien le plus jeune que l’Algérie ait eu dans une compétition internationale lors des 30 dernières années c’est Lounès Gaouaoui (24 ans) à l’occasion de la CAN 2002.

Pour autant, Drid juge que ce n’est pas ce critère-là qui départage nécessairement M’Bolhi des autres. “Il n’y a pas de règle générale, juge-t-il. Tout dépend du groupe et comment le gardien arrive à s’insérer dedans. Entre deux gardiens, on va surtout voir lequel apporte un plus, notamment par rapport à la défense qui se situe devant. Si le gardien est jeune et performant et dirige bien sa défense, alors pourquoi pas“. Hamenad aussi estime que “la jeunesse peut être bénéfique”. “Car quand on est jeune et ambitieux, on se donne à fond pour montrer sa valeur. Et l’absence de vécu ne l’empêche de faire bonnes performances dans un grand tournoi. Et on a déjà vu plein d’exemples de jeunes gardiens, parfois des inconnus, s’illustrant dans un grand tournoi”, a-t-il ajouté. Pour cette édition 2019, la cause est cependant entendue vu que la question ne se pose pas.

Le manque de compétition pour un gardien, est-ce vraiment un problème ?

C’est bien connu, les gardiens n’ont pas nécessairement besoin d’avoir autant de matches dans leur jambes que les joueurs de champ pour retrouver le rythme et un rendement décent sur le plan physique. Mais est-ce que cela justifie qu’on manifeste autant de confiance à un portier dont le nombre de rencontres sur un exercice n’excède pas le nombre 20 depuis sept saisons ? “Avec M’Bolhi, on a la réponse, clame Drid. Il y a deux, trois saisons, il ne jouait pratiquement pas en club mais il jouait en sélection. Et son rendement était toujours exemplaire. Enfin, tout dépend de la qualité du gardien, le travail et les entrainements qu’il effectue. Avec qui il s’entraine aussi. Tous ces détails ont une importance pour l’aspect physique et technique”.

Miser sur les qualités intrinsèques de son gardien et sa motivation, au point d’omettre les bienfaits de compétition, l’émulation que celle-ci produit et qui tient en éveil l’intéressé ? Hamenad, lui, n’est pas du tout convaincu : “pour moi personnellement, je ne conçois pas qu’un gardien qui ne joue pas en club soit sélectionné. Moi, je ne le prendrai jamais. Maintenant, il y a toujours des cas à part comme celui de M’Bolhi. Il a été souvent appelé, parfois même en étant inconstant. Mais ce n’est pas normal de ne pas le voir jouer en club. C’est vraiment un cas à part. Il a eu la chance d’avoir des coaches qui l’ont toujours soutenu”.

La faible concurrence, la vraie explication à la longévité de M’Bolhi ?

M’Bolhi n’est donc plus très jeune, son parcours en club est pour le moins tortueux et ses saisons pleines se comptent sur les doigts d’une main. Malgré cela, son statut en sélection n’a jamais vraiment été remis en question. Y a-t-il vraiment une explication à cette anomalie ? Pour Drid, elle se résume à deux mots : “un grand professionnel”. Hamenad, pour sa part, ne conteste pas cet aspect, mais il insiste sur le fait qu’il s’agit d’une “exception” et qui ne se serait pas produite “si on n’avait pas de manques à ce poste”.

L’ancien gardien de la JS Kabylie soulève un point intéressant, et qui à défaut d’être approuvé mérite d’être analysé. Selon lui, M’Bolhi devrait sa présence continue dans la cage des Verts beaucoup plus à l’absence de véritables rivaux qu’à son propre mérite. “Ils lui font confiance, parce qu’on a un manque à ce poste en Algérie, tout simplement. Au niveau de la formation, il y a de grandes carences, développe-t-il. Même nous les entraineurs des gardiens, nous ne sommes pas suffisamment considérés. On n’a pas la possibilité de travailler sereinement et former les gardiens de demain. On est marginalisés. Et pas rémunérés comme il se doit. Et c’est normal qu’il y ait un manque de ce côté-là, les clubs ne se soucient pas de ce rôle important, ou alors ils mettent des gens qui ne connaissent rien à ce poste en tant qu’entraineurs de gardiens”.

Des arguments recevables et avec lesquels Drid lui-même finit par tomber d’accord : “Oui, en étant honnête, il faut reconnaitre qu’on n’a pas de véritable remplaçant à ce poste jusqu’à présent”.

Le sélectionneur doit trancher dans le vif et vite

M’Bolhi titulaire donc comme d’habitude à la CAN ? Bien sûr, le choix doit encore être validé par le sélectionneur. Et il doit le faire avant l’entame de la compétition, sous peine de créer un climat de tension entre les trois portiers. Sur ce point-là, Drid et Hamenad, qui ont tous les deux connu des CAN comme titulaires et d’autres comme remplaçants, se rejoignent. “C’est surtout bien pour l’entraineur. Pour mettre en place son équipe et son plan de jeu. C’est tout à fait normal qu’il y ait une hiérarchie à tous les postes, et celui du gardien ne fait pas exception“, souligne l’ancien coach du MCO. “Oui, c’est préférable même si cela dépend aussi de la forme qu’ils affichent. Mais si tout le monde est apte, il est normal de dégager un ordre de gardiens“, confie pour sa part celui qui s’occupe des portiers de la JSK.

Une fois la hiérarchie établie, il parait impératif que le gardien numéro un soit mis dans les meilleures prédispositions afin de pouvoir bien performer. Drid acquiesce : “tout le groupe doit être harmonieux, et c’est pourquoi il est impératif que ceux qui ne jouent pas soient au service de ceux qui jouent. D’où l’appellation du groupe. Il faut qu’il y ait une entente. Il faut qu’il y ait des affinités aussi entre les joueurs, sinon la notion du groupe n’existe pas“.

Mais est-ce aussi facile qu’on le suggère, surtout lorsqu’un portier a pour ambition de jouer d’entrée et se retrouve relégué sur le banc ? Hamenad a connu cette mésaventure personnelle en 1996, lorsqu’il a vu Haniched lui passer devant alors qu’il a joué les derniers matches des éliminatoires. “Pour moi, un gardien qu’il soit numéro 1 ou 2, à partir du moment où il est convoqué en sélection, alors il a les qualités pour y jouer. Ce sont elles qui t’ont permis d’être là. Donc, le remplaçant n’a pas à se sentir inférieur aux autres.  Après, il est normal qu’il y ait un respect dans la hiérarchie. C’est comme dans tout domaine de la vie”.

Que M’Bolhi soit titulaire ou pas, espérons que cet état d’esprit positif et porté vers le collectif règne de nouveau chez nos portiers durant cette nouvelle édition de la CAN. Il en va de la bonne ambiance dans le groupe et, par ricochet, de la bonne rentabilité de l’équipe.

Naïm Bennedra pour La Gazette du Fennec

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