Il fut un temps où les compatriotes savaient se protéger les uns les autres. Mais ce temps semble révolu lorsque l’on entend Ali Bencheikh s’acharne sur Mustapha Ghorbal, l’un des arbitres algériens les plus respectés sur la scène internationale.
À la suite du match du championnat algérien entre le MC Alger et l’Olympique Akbou, Ghorbal a, selon plusieurs observateurs, commis une erreur d’arbitrage. Une de plus dans un métier où l’infaillibilité est un mythe, où chaque décision prise en une fraction de seconde peut être cruciale. L’erreur est humaine, surtout dans l’univers impitoyable du rectangle vert, où la pression est maximale, où les enjeux sont décuplés.
Des déclarations choquantes : « Il faut le dénoncer à la FIFA »
Mais au lieu de contextualiser, d’appeler au calme ou de défendre un homme qui a porté haut le sifflet algérien lors de la Coupe du Monde 2022 et dans les plus grandes compétitions africaines, Ali Bencheikh s’est jeté dans l’arène. Avec la fougue d’un tribun, mais sans la sagesse du sage, il a lâché une déclaration qui fait froid dans le dos : « Pour l’éthique sportive, il faut dénoncer Ghorbal à la FIFA et demander à ce qu’il n’arbitre pas la Coupe du Monde des Clubs 2025, car on le voit incompétent ». Alors que des voix ont tenu à défendre le juge algérien, et ses bravoures sur l’international, Bencheikh refuse de l’entendre de cette oreille et ajoute, « le bon arbitrage doit commencer par nous, au niveau local, et ensuite passer à l’international. Il faut que la FAF le dénonce à la FIFA », dit-il sur la chaine El Haddef.
C’est donc cela, la solidarité entre compatriotes. Dénoncer, appeler à exclure, effacer les parcours et les sacrifices pour une erreur.
Une comparaison déroutante : « Comme une vaisselle neuve réservée à l’hôte », vraiment ?
Avec un aplomb déroutant, Bencheikh illustre même ses propos par une image surréaliste : « C’est comme la nouvelle vaisselle qu’on réserve à l’hôte. L’hôte ne viendra jamais, et l’homme meurt sans y manger ». Une métaphore qu’on peut qualifier de tous les substantifs ineptes, qui frôle le burlesque. Bencheikh a peut-être lancé ces déclarations virulentes d’un cœur qui bat d’affection pour le Mouloudia, mais une chose est sûre : il n’avait pas à s’aventurer sur ce terrain. Serait-ce une nouvelle doctrine footballistique que celle de vouloir punir ceux qui brillent à l’étranger, et honorent l’Algérie, pour leurs faux pas locaux ?
Ghorbal, faut-il le rappeler, est un arbitre qui a honoré l’Algérie. Il a été choisi pour arbitrer au plus haut niveau, là où la FIFA ne tolère ni l’amateurisme, ni l’incompétence. Il est l’un des rares sifflets du continent à avoir gagné le respect des stades et des joueurs du monde entier. Et c’est cet homme que Bencheikh veut clouer au pilori.
Certes, toute critique est légitime. Mais il y a une frontière entre l’analyse et le lynchage. La franchir, c’est nourrir la haine, attiser les menaces, et ouvrir la porte à l’inacceptable. Depuis cet incident, Mustapha Ghorbal subit un déferlement de messages haineux, de pressions indignes, jusqu’au lynchage médiatique décomplexé. Et dans ce climat délétère, des voix comme celle d’Ali Bencheikh, censées apaiser les jeunes, qui n’éprouvent aucun regret à lancer une campagne contre Ghorbal sous l’un des posts de la FIFA, ne font qu’envenimer les choses.
Quand la critique devient injustice : le cas Ghorbal, une remise en cause qui dépasse les limites du raisonnable
À un moment où le football algérien a besoin de se construire, de s’unir, de promouvoir ses talents, pourquoi vouloir briser l’un de ses visages les plus crédibles à l’international ? Pourquoi vouloir salir l’image de l’arbitre phare de notre corps arbitral, celui que le monde respecte, mais que certains chez nous veulent enterrer vivant ?
Ali Bencheikh a marqué le football algérien de son empreinte en tant que joueur. Mais aujourd’hui, il manque une occasion précieuse de se montrer grand dans le verbe. Les erreurs, Mustapha Ghorbal en fera peut-être encore, comme tout arbitre. Mais lui, au moins, représente l’Algérie là où peu parviennent à s’imposer. Et cela mérite, non pas une dénonciation, mais une reconnaissance.
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