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Entretien Exclusif

U17/Houssem-Eddine Ferkous : « Le clanisme et les égos détruisent des générations »

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Sans grande surprise, l’équipe nationale U17 n’a pas pu s’assurer une place à la prochaine Coupe du Monde de la catégorie. Les protégés d’Arezki Remmane ont été sortis dès les quarts de finale par le Maroc (défaite 3-0). Par conséquent, l’EN “cadets” de 2009, drivée par Otmane Ibrir, reste la seule à avoir réalisé l’exploit de disputer le Mondial de la catégorie. Houssem-Eddine Ferkous (31 ans) faisait partie de cette génération remarquable qui n’a, finalement et malheureusement, pas bénéficié de l’attention qu’elle méritait. Dans cet entretien, le milieu de terrain, qu’on a retrouvé loin du football circus, nous en dit un peu plus sur cette aventure mémorable et la méthode qui a permis la présence des Verts au Nigéria qui avait abrité la CDM.

LGDF : Tout d’abord, on commencera avec le parcours de nos U17 à la CAN et ce nouvel échec chez les jeunes catégories de la sélection algérienne. On a l’impression que les choses ne vont pas en s’arrangeant…

Ferkous : Malheureusement, c’est le même constat qui revient depuis des années maintenant. Au moment où tout le monde va de l’avant, on éprouve beaucoup de mal à se débarrasser des pratiques qui empêchent nos jeunes footballeurs de se mesurer aux meilleurs. Ce n’est pas tout à fait de leur faute.

« A notre époque, c’était plus difficile parce qu’il y avait beaucoup de fraude sur l’âge »

Pensez-vous que le niveau de la CAN est plus relevé par rapport aux dernières années ?

Peut-être qu’il y a du progrès sur le plan tactique parce que certaines fédérations ont opté pour une vraie politique de formation. Mais je dois rappeler que de notre temps, il y avait ce problème de falsification de l’âge des joueurs. Chose qui n’est désormais plus possible avec les tests osseux.

Justement, en parlant de la CAN-2009, vous-aviez réalisé un superbe parcours en ne perdant que contre les Gambiens en phase de poules et en finale…

Tout à fait. A la CAN-2009, nous n’avions perdu que contre la Gambie qui était anormalement forte pour nous. D’ailleurs, au Mondial, les Gambiens ne s’étaient pas présentés avec la même équipe. Cela reste une preuve qu’il y a eu fraude.

Comme pour la CAN-2023 des U17, l’opus 2009 s’était déroulé chez nous. Cela peut-il être un facteur décisif selon vous ?

Le fait que la compétition se joue en Algérie a été important mais pas tout à fait déterminant parce que je pense qu’avec le travail réalisé par notre entraîneur Otmane Ibrir, on était bien préparés pour réussir la mission.

« Voir Onana, Aboubakar et Heung-min Son à la TV est un sentiment bizarre »

Aujourd’hui, les infrastructures sont meilleures et l’intérêt du public est plus important avec la promotion sur les réseaux sociaux dont l’impact n’était pas aussi conséquent de votre temps. Qu’est-ce que cela aurait donné si l’équipe de 2009 évoluait dans l’ère actuelle ?

On avait joué le tournoi sur du tartan de première génération et il fallait attendre la finale pour que les supporters viennent nous soutenir en nombre. Il n’y avait pas les moyens d’aujourd’hui. Mais je pense qu’il y avait une meilleure envie de bien faire les choses. Monsieur Hamid Haddadj, président de la Fédération algérienne de football (FAF) à l’époque, et son équipe avaient lancé une vaste campagne de prospection pour aller chercher les meilleurs éléments dans les 4 coins du pays. Il y a eu nombreux écrémages pour dégager un groupe qui s’est préparé pendant une année et demi avant la CAN-2009. Sur cette période, on n’a eu que 10 jours de repos. Quelque chose s’était créé et cela s’est vu sur le terrain.

Ibrir

La qualification pour un Mondial est certainement l’un des points culminants dans la carrière d’un footballeur. Vous aviez joué contre les meilleurs footballeurs du monde. Certains jouent pour les plus grands clubs européens aujourd’hui. Qu’est-ce que cela vous fait de les voir à la télé après les avoir affrontés ?

Pour nous c’était comme dans un rêve. C’est vraiment un sentiment bizarre. Même à la CAN-2009 on a affronté des joueurs comme le gardien André Onana et Vincent Aboubakar face au Cameroun. Il y a aussi Heung-min Son, qui a marqué contre nous au Mondial (victoire 2-0 de la Corée du Sud), ainsi que Stephan El Shaarawy avec l’Italie (défaite 1-0). Dans les autres sélections, il y avait les Isco, Morata (Espagne) ainsi que Ter Stegen et Götze (Allemagne) pour ne citer que ceux-la.

« Nous sommes partis et rentrés du Mondial dans l’anonymat total »

Vous aviez perdu vos trois rencontres dans le tournoi au Nigeria. C’était compliqué ?

Nous étions dans le chapeau 4. C’était prévisible. On a encaissé 4 buts sans en marquer. C’était le maximum qu’on puisse faire contre des joueurs mieux formés.

Qu’est-ce qui s’est passé après la fin de l’aventure en Coupe du Monde ?

Nous sommes revenus au pays. Dans l’anonymat total. Que ce soit à notre départ ou pour le retour, il n’y avait personne. Quand on voit l’engouement pour les U17 aujourd’hui et la réception à laquelle ils ont eu droit avant un simple quart de finale de la CAN, on se dit que les choses ont changé. Mais ce n’est que la façade. Dans le football algérien, c’est les égos et le clanisme qui règnent. D’ailleurs, avec l’arrivée de Mohamed Raouraoua, notre équipe a volé en éclats. Pourtant, je pense qu’il y avait un socle intéressant à exploiter.

« L’AS Saint-Etienne et le SM Caen me voulaient mais… »

Avez-vous reçu des offres après la CAN et le Mondial ?

Oui. J’avais un contact avec l’AS Saint-Etienne. Il y avait aussi l’agent de Rafik Saïfi qui m’a approché pour signer au Stade Malherbe de Caen qui était le 3e meilleur centre de formation en France à l’époque. Mais les responsables à la FAF ne voulaient pas nous donner nos passeports. Ils comptaient prendre part à toute négociation. Il n’y a eu qu’Ilyas Cherchar qui a pu aller à l’AS Nancy et l’ASO Chlef avait touché 4 milliards de centimes pour le laisser filer. Quant à moi, j’ai pu m’entraîner avec les “seniors” de l’USM Alger puis l’ES Sétif. Mais, il y a eu des changements de présidents. Comme c’est Saïd Alik qui m’a fait venir, Haddad n’a pas jugé utile de me garder. La même chose à l’ES Sétif puisque Hammar a décidé de libérer les joueurs que Serrar avait signés.

Que sont devenus tes anciens coéquipiers ?

Certains, comme moi, ont arrêté. Aujourd’hui, il n’y a qu’Ibrahim Bekakchi qui joue en première division (USM Alger). Les autres comme Abdelhakim Bezzaz évoluent dans les paliers inférieurs (2e division amateurs/AS Khroub). Lui, je l’ai côtoyé plus longtemps parce qu’on a évolué ensemble au WR M’Sila (3e division).

Qui était, d’après toi, le meilleur joueur de ta génération ?

Je pense qu’ils étaient deux: Abdelhakim Bezzaz et Mohamed Omrani.

« J’ai bien peur que les jeunes comme Moslem Anatouf soient oubliés après la CAN »

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Ils n’ont finalement pas franchement percé malgré le potentiel ?

C’est comme ça. À un moment donné, on peut stagner même quand on atteint un certain niveau en étant jeune. Il y a des limites qu’on touche en raison des carences de formation. On a eu un semblant de formation. Mais cela ne suffit pas peu importe l’immensité du talent. On a besoin d’être accompagnés méthodologiquement et psychologiquement pour progresser et surpasser ces échecs qui viennent après des moments intenses. Mentalement, on peut péter une durite quand on se sent abandonnés.

Y a-t-il un risque pour que la génération de Moslem Anatouf connaisse le même sort ?

On a été Mondialistes et regardez où nous en sommes ? J’espère avoir tort. Mais j’ai bien peur que ces jeunes soient oubliés et livrés à eux-mêmes après cet échec. Les mentalités doivent changer pour que notre football se porte mieux. On a prouvé qu’il y a de quoi faire en termes de matière. J’espère qu’un jour une autre génération égale au moins ce qu’on a pu faire il y a 14 ans de ça. Le temps passe mais les choses ne vont pas en s’améliorant. Et c’est regrettable.

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