Le Ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) a chargé le pistolet avant de le filer à Kheireddine Zetchi, président de la Fédération algérienne de football (FAF). Ce dernier a joué à la roulette russe et s’est tiré une balle dans le pied. C’est ainsi qu’on pourrait illustrer cet accord donné par la tutelle pour postuler à un siège au Comité exécutif (ComEx) de la FIFA. Un strapontin qui était injouable avec un échec pressenti au préalable. Lecture.
La correspondance échangée entre le département de Sid-Ali Khaldi et l’instance fédérale a fuité. Difficile de penser à la fortuité quand on essaie de suivre le fil des événements: les aléas connues par la candidature de Zetchi, l’échec dans sa quête d’un poste au Conseil de la FIFA et la cabale médiatique qui en a découlé.
Au-delà du sport !
D’emblée, le MJS a planté le décor avec une précision qui ressemblait à une mise en garde. « Cette candidature qui ne saurait se réduire au candidat concerné, engage la crédibilité de l’Algérie dans le concert des nations et nécessite par conséquent une préparation et une concertation préalables, une évaluation de ses chances de succès et la mobilisation du réseau diplomatique, à fortiori face aux candidatures égyptienne et marocaine, surtout pour une élection qui se déroule au Maroc », pouvait-on lire dans cette lettre datant du 12 novembre écoulé.
L’enjeu dépassait déjà le cadre purement sportif. Des allures politiques ont été données à ce rendez-vous. Un fardeau bien chargé pour un Zetchi n’ayant pas vraiment la carrure de ses deux principaux rivaux dans ce « match » : Fouzi Lekjâa (Maroc) et Hani Abo Rida (Egypte) en l’occurrence. Les chances de démentir les pronostics et déjouer un lobbying, qui dure depuis tant d’années, étaient déjà minces. Proches du néant pour les plus aguerris. Mais le boss de la FAF a voulu courir le risque… et le péril.
Délation et pourrissement
Cet entêtement à s’aventurer en terrain miné n’était pas du goût du MJS qui n’a pas manqué de relever que « postuler à la dernière minute en sollicitant l’accord de la tutelle au dernier jour de clôture de dépôt des candidatures procède manifestement d’une volonté d’imposer un fait accompli et d’embarquer l’Algérie dans une aventure hasardeuse, sauf à vouloir provoquer un refus prémédité.» L’ambiance était tendue. Ce qui s’est passé par la suite n’a fait qu’envenimer les choses.
Le 28 décembre dernier, loin des échanges (censés rester) privés, Khaldi avait assuré que le « MJS soutient par principe toute candidature algérienne aux instances sportives internationales. Nous encourageons les fédérations nationales à se porter candidates pour défendre les intérêts de l’Algérie. C’est tout à fait logique que la tutelle soutient et appuie la candidature de Zetchi. Nous allons mobiliser tous nos canaux diplomatiques. Nous considérons que la diplomatie sportive est l’un des bras de la diplomatie officielle algérienne pour la défense des intérêts de notre patrie.»
Promesse de façade puisque Zetchi, bien que maladroit au moment de remplir le formulaire de candidature, a vu des Algériens saboter sa postulation rendant son dossier invalide. Une délation qui ne devrait honorer aucune partie. Même les ennemis de l’homme. Mais elle a été commise pour porter un préjudice irréparable et perturber la campagne. Et peu importe si l’opération séduction en marge du CHAN-2021 avait des attributs irrésistibles ou pas. Cela reste une autre paire de manches.
Accusations de trahison, le pompon
Même si le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne (Suisse) a fini par réhabiliter le patron du Paradou AC, les adversaires pour ces deux places ont déjà pris les devants. Téméraire au début, Zetchi a, le grand jour arrivé, opté pour le retrait face à Lekjaâ et Abo Rida.
Le revers aurait pu s’arrêter là. Mais cette défaite sur la scène continentale a -malheureusement- basculé dans un délire de trahison et d’honneur souillé. Certains ont même accusé d’avoir voté contre l’intégration du Sahara occidental au sein de la CAF en validant les nouveaux statuts de la CAF. La tournure qu’a prise une simple candidature à un poste à la FIFA est surréelle.
La révision, par nos soins, de la vidéo de l’AGO de la CAF, tenue vendredi écoulé au Maroc, ne trouve pas de séquence qui accable Zetchi. Mieux encore, on a pu constater que tous les membres de l’Assemblée n’ont pas voté.
Prétention internationale, tensions nationales
Cependant, la remarque du désormais ex SG de la CAF, le Marocain Abdelmounaim Bah, peut induire en erreur. L’intérimaire de Mouad Hajji, remplacé à l’issue de ce conclave par le Congolais Veron Mosengo-Omba, avait déclaré : « tous les votes exprimés sont favorables ».
C’est pour dire que certains membres n’ont pas exprimé leur voix en s’abstenant. Zetchi en fait -manifestement- partie. En tout cas, c’est ce qu’assure la FAF qui a décidé de « saisir la justice pour diffamation au sujet de l’information colportée par le journal Ennahar Online au sujet d’un prétendu vote lors de l’Assemblée générale ordinaire (AGO) de la Confédération africaine de football (CAF) contre la République arabe sahraouie démocratique (RASD) » non sans qualifier cette attitude d’« irresponsable qui n’honore pas son auteur ni le média à travers lequel il s’est exprimé ne restera pas sans suite puisque toutes les institutions de l’Etat seront saisies à ce sujet, en plus de la justice.»
Certes, Zetchi et ses (mauvais) conseillers à la FAF ont fait preuve d’un amateurisme et de maladresse dans une quête perdue d’avance. Toutefois, vendre un revers, aussi cuisant soit-il, telle une haute trahison et un drame national ne fera qu’enliser les institutions sportives et étatiques dans la médiocrité et les combats de caniveau. Des commérages pour le moins déplorables qui n’aident en rien à élever le niveau. Carton rouge pour tout le monde !