Détermination et ambition sont les qualités qui l’ont emmené sur la plus haute marche du podium du 400m T13 (cécité légère) des JP japonais. Avec deux médailles, une en or et une autre en argent qui ornaient son cou à son retour en Algérie, Athmani Skander-Djamil s’est imposé comme la star algérienne aux Paralympiades de Tokyo 2020. La Gazette du Fennec a réalisé à Alger un entretien à cœur ouvert avec “l’homme le plus rapide d’Algérie” lors d’un évènement organisé par une marque algérienne. Un sprinter à part entière qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Athmani Skander-Djamil bonjour. Vous étiez la révélation algérienne par excellence lors des Jeux Paralympiques de Tokyo 2020. Quel a été votre ressenti après votre consécration ?
C’est le réconfort. Le réconfort après l’effort. En un mot, c’était cela mon ressenti. Parce que je me suis battu pour mon sport. Je me suis battu pour ma performance. C’était le meilleur jour. J’ai fait le bon chrono dans le bon moment avec un très bon résultat. Il y avait l’hymne national, la médaille d’or et la médaille d’argent. C’était vraiment un très bon ressenti.
A la clé, il y avait bien sûr le record du monde (sur 400m T13). C’était un travail de longue haleine pour parvenir à réaliser cette performance, de très haut niveau il faut le préciser…
C’est sûr. Moi je le vois comme le début d’une carrière de haut niveau. Une telle performance, c’est une bonne référence pour une autre meilleure. Pourquoi pas sur 400m et descendre sous la barre des 46 secondes. Ça sera vraiment entrer dans la cour des grands. Ça sera mon objectif en tous les cas.
« Si tu as tes jambes qui sont prêtes à courir »
Vous parlez du 400m mais vous avez été vice-champion paralympique sur 100m aussi. Vous aviez raté l’or pour quelques millièmes de secondes face à l’Irlandais triple-champion en titre. Pensez-vous pouvoir faire mieux lors des prochains Jeux Paralympiques à Paris ?
Je peux dire c’est sûr, je pouvais faire mieux parce que j’avais le potentiel. Comme mon coach l’a déjà dit, j’ai fait la pire course de ma vie sur 100 mètres et trois jours après j’ai fait la meilleure course de ma vie sur 400m. C’est peut-être une question de timing et de jour J. Du coup, sur 100m je vais essayer de ne pas lâcher et aller chercher le record digne de ce nom. Ça sera l’objectif. (NDLR : Skander est le détenteur du record d’Algérie sur 100m chez les valides en 10’29).
Les gens ne comprennent pas trop les détails du sport paralympique. Votre performance à Tokyo était équivalente à ce que réalisent certains athlètes au niveau olympique. Quelle est la différence entre votre discipline et celle entre guillemets normale ?
On peut dire qu’il n’y a pas une si grande différence. Peut-être qu’il y a juste le handicap. Personnellement, je ne vois pas ça comme une barrière. Si tu as le potentiel et tes jambes qui sont prêtes à courir tu peux courir et réussir à n’importe quel moment. Peut-être que dans d’autres spécialités, le handicap a plus d’impact. Mais l’objectif est uni : on cherche une performance et on cherche à gagner. Au sport olympique ou paralympique, c’est le même objectif.
« Je voulais réussir chez les valides »
Skander-Djamil avec l’athlétisme, c’est une histoire qui dure maintenant depuis quelques années. A quel moment Athmani a décidé de « basculer » dans le sport paralympique ?
C’était le moment où il était le seul chemin qui me restait à prendre. J’avais déjà des propositions pour intégrer le sport paralympique. Mais je voulais réussir chez le valides parce que j’estimais que j’avais le potentiel et la volonté. Puis, à un certain moment, ça devenait très dur pour moi. J’ai tourné la manche vers le sport paralympique parce que j’avais plus de chances. J’aspirais à faire monter le niveau aux Jeux Paralympiques.
J’ai accompli ça dans l’épreuve du 400m. Même les organisateurs étaient bien contents de la performance en disant que le sport paralympique a atteint un très haut niveau. Tout cela va aider notre sport et ça va faire changer l’image chez ceux qui pensent que le handicapé ne peut rien faire. Le mot « handicapé » est juste un mot, ce n’est pas une description des capacités.
« Mr. Tebboune a insisté pour que je gagne l’or à Paris en 2024 »
Justement, après votre sacre sur 400m, vous avez déclaré que vous visiez une participation aux prochains Championnats du monde d’athlétisme 2022 à Eugène (Etats-Unis). Est-ce un objectif atteignable ?
C’est atteignable. Après la médaille des Jeux Paralympiques, le coup de pouce de l’État dernièrement, cela va créer une stabilité qui est primordiale pour la haute performance avec les valides. Je pense que cela n’est pas loin pour moi. En faisant 46 secondes sur 400m ou un 20’’60 sur 200m c’est faisable parce que j’ai déjà les performances. Ça peut marcher et ça sera mon plus grand objectif.
Vous avez eu l’honneur, avec les 10 autres médaillés, d’avoir été reçu par le Président de la République M. Abdelmadjid Tebboune. Vous lui avez certainement touché des mots quant à votre situation et l’aide que vous espérez pour passer d’autres caps dans la discipline…
Peut-être qu’on n’était pas obligés de faire passer le mot. Je pense que le mot a déjà été passé avant. D’ailleurs, quand on a été reçus, les premiers mots que le Président m’a dit sont ‘’ne vous inquiétez pas. On est avec vous et vous avez tout le statut d’un athlète et d’un champion. Donc, ne vous inquiétez pas. Vous n’avez qu’à vous entraîner. Et surtout, je veux l’or à Paris en 2024’’. C’était ses propres mots.
« Mohamed Allek, Allah yerahmou, est un exemple et une légende »
Pour finir, on ne pourra pas ne pas parler de Mohamed Allek qui reste une référence dans le paralympisme algérien, spécialement dans votre discipline parce qu’il courait sur 100, 200 et 400m. Il a gagné au total 6 médailles paralympiques : 2 à Sydney (2000), 3 à Athènes (2004) et 1 à Pékin (2008). Pensez-vous, dans l’avenir, pouvoir atteindre ce nombre de médailles ou sa performance ?
Bien sûr, ça sera un objectif. Quand il y a de la vie, il y a de l’espoir. Et je veux avoir plus de résultats et de médailles. Allek Allah yerahmou reste un exemple et une légende. Pour moi, c’est le meilleur athlète algérien dans l’histoire et le plus titré. C’est une référence à suivre. Il faut toujours voir grand. Lui il voyait grand et a fait grand Allah yerhamou. Maintenant, c’est notre tour de hisser haut le drapeau et gagner plus de médailles pour nous et pour l’Algérie.
Athmani, un dernier mot pour les lecteurs de La Gazette du Fennec qui, je peux vous l’assurer, vous ont soutenu lors des Jeux Paralympiques et qui étaient contents de vos performances…
Un grand merci à eux. Vous étiez peut-être l’un des premiers médias à mettre en avant mon résultat. Je vous remercie vous aussi d’être venue m’interviewer à Alger et faire connaître Skander d’une autre façon. Ça m’a fait un grand plaisir.
Merci, le plaisir est pour nous…
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