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Ismaël Bouzid : « Entrainer en Algérie ? C’est dans mon plan de carrière »

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A Schifflange au Luxembourg La Gazette du Fennec a retrouvé l’ancien international Ismaël Bouzid. Le jeune entraîneur du FC Schifflange 95, en poste depuis un an et demi, vient de réaliser le weekend dernier l’exploit d’être sacré Champion de Promotion d’honneur (D2) et ainsi faire accéder son club dans l’élite du football luxembourgeois, 23 ans après sa relégation. Sûr et déterminé, à l’image de sa carrière de joueur, c’est un coach travailleur, qui nous a reçus pour évoquer sa nouvelle vie dans un club où il s’épanouit et nous parler de ses ambitions qu’il se verrait bien poursuivre, un jour, en Algérie.  

Ismaël, on vient vous voir aujourd’hui car vous venez de faire remonter votre club en étant Champion de D2 avec le club du FC Schifflange 95 qui va retrouver la BGL Ligue (Première division luxembourgeoise). Comment vous êtes vous retrouvé à la tête de ce club ?

Il faut tout d’abord remonter à ma fin de carrière de footballeur. Comme vous le savez je suis né à Nancy et j’ai été formé au FC Metz, ma femme, elle, est de Thionville (à 30 kilomètres de Luxembourg) ; on avait planifié de revenir un jour dans notre région de naissance. Donc je suis venu jouer au Luxembourg, parce que c’est un championnat intéressant et surtout il permet de faire des parcours européens. J’ai signé au Progrès de Niederkorn avec qui j’ai fait quelques aventures européennes. Parallèlement, j’ai passé mes diplômes d’entraineur « Ex pro » amateur UEFA A et UEFA B en partenariat avec la fédération belge. Puis en 2019 j’ai commencé ma carrière d’entraineur d’une équipe A, tout d’abord comme adjoint, au Titus Pétange, où on a été européens. Mais j’avais envie d’autres choses. J’avais viscéralement l’envie de structurer un club, de le prendre au plus bas pour l’emmener le plus loin possible.

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Et c’est donc là qu’est arrivée l’offre de Schifflange…

Oui en effet, j’ai rencontré la directrice générale du club Sophie Lamorté il y a un an et demi à un moment où le club était relégable en Promotion d’Honneur (2ème division luxembourgeoise). En 20-25 minutes d’entretien je savais que ce projet était fait pour moi ! Sophie est une personne qui me ressemble, elle est déterminée et ambitieuse. Elle avait un rêve : être la première femme à faire monter un club en Division Nationale et je lui ai dit que j’allais tout faire pour le réaliser. 18 mois plus tard, grâce à Dieu, on y est, parole tenue ! Je lui ai d’ailleurs dit : « Nous les algériens on a qu’une parole ! » (il rit). Maintenant on va essayer de terminer le travail en finissant champion.

« J’ai encore beaucoup de projet pour ce club ! L’aventure ne fait que commencer… »

Etre relégable lors de votre prise de fonction et amener le club en Division Nationale, 23 ans après sa descente, on peut parler d’exploit non?

Je ne sais pas, je suis quelqu’un d’assez humble et je garde les pieds sur terre… par contre ce que je peux dire c’est que c’est beaucoup de travail. On arrive tout doucement en fin de saison et là je peux vous dire que je suis au bout du rouleau (sic). La fatigue d’un entraîneur n’est pas la même que celle d’un joueur, là tu peux la multiplier par 3 ou 4. Quand tu es à fond dans ton projet, c’est beaucoup de sacrifices personnels et familiaux. Mais honnêtement en prenant le club en main, je le savais. Mais je savais également qu’avec beaucoup de travail et de volonté on pouvait faire monter le club.

ismael bouzid FC Schifflange 95 luxembourg team

Déjà l’an dernier, on a terminé 7ème du championnat en manquant de peu les barrages d’accessions en BGL Ligue (NDLR : les deux premiers accèdent à la division supérieure les places 3 et 4 sont barragistes). Au club tout le monde était content de la fin de saison, mais personnellement j’étais frustré. Je suis convaincu qu’avec un peu plus de maturité sur certains matchs on aurait pu viser plus haut. Malgré cela j’ai continué à travailler durant l’été pour tout restructurer et voilà le résultat. Beaucoup de gens me parlent d’exploit mais personnellement je n’aime pas trop ce terme qui a une signification trop forte à mon sens.

Il y a beaucoup de bonheur avec cette accession, je revois encore les gens autour du stade dimanche dernier, le bourgmestre (le maire de la ville) qui était là, les enfants qui entrent sur le terrain en fin de match, c’était beau. J’aimerais d’ailleurs faire passer un message aux gens qui nous supportent en leur disant que j’ai encore beaucoup de projets pour ce club. Je ne suis pas du genre à faire le fanfaron dans la presse (sic), mais l’aventure ne fait que commencer !

« Je suis toujours en phase d’apprentissage de mon métier d’entraineur et rien ne vaut la difficulté pour apprendre »

C’est peut-être prématuré, mais vous n’avez pas envie d’aller exercer ailleurs ?

Non ! Ici à Schifflange, je travaille avec Sophie en construisant mon projet. Quand j’étais à Pétange, j’étais l’adjoint de Cyril Serrezdum, qui a dû arrêter le coaching pour des raisons personnelles. On a qualifié le club en Europa League, c’était beau et j’ai envie d’y retourner ! Mais à Pétange, je n’avais pas la main sur le projet, il y avait un directeur sportif qui faisait ses choix. Aujourd’hui, j’ai un club qui part de loin, j’ai envie de construire et être maitre de mon projet avec des gens qui me font confiance les yeux fermés. Je le leur rends en m’attelant à faire du très bon travail en peu de temps pour amener le club au plus haut possible. Je suis toujours en phase d’apprentissage de mon métier d’entraineur et rien ne vaut la difficulté pour apprendre.

ismael bouzid jeune coach luxembourg au FC Schifflange 95

Vous récupérez une équipe relégable, un an plus tard elle monte au niveau supérieur et cela sans révolutionner votre effectif, ni avoir de moyens exceptionnels… quelle est votre secret ?

Oui c’est vrai je ne l’ai pas révolutionné et même d’un point de vue budgétaire on est petit peu en dessous de ce que nous avions l’an passé. Je n’ai pas de secret ! J’ai juste apporté ma personnalité, ma philosophie de vie et mes méthodes de travail. J’ai envie de prouver aux gens qui nous suivent qu’on n’a pas forcément besoin de tout l’argent qui tourne dans les grands clubs du pays pour faire de belles choses. L’an prochain et dans les deux, trois prochaines années, je vais me battre pour montrer qu’avec un budget correct tu peux faire de très belles choses dans ce sport.

ismael bouzid consigne coach FC Schifflange 95 luxembourg

Les lecteurs de La Gazette ne connaissent pas forcément la qualité du football luxembourgeois. Pourriez vous nous situez le niveau de votre championnat ?

C’est assez difficile d’en parler. Il y a des différences d’homogénéités dans les clubs voire même dans les effectifs. C’est un championnat qui t’offre la chance de jouer des matches de coupe d’Europe, les premières places de BGL ligue sont qualificatives pour Europa League ou pour la Champion’s league, à l’exemple F91 Dudelange qui s’est qualifié deux fois de suite pour les poules cette compétition. Dans ce championnat, tu as des gars qui ont fait des campagnes européennes alors que d’autres joueurs qui ont 400 ou 500 matches de Ligue 1 ne joueront jamais de coupes d’Europe. Après si on en parle de niveau, je pense que certaines équipes pourraient jouer le Nationale en France voire même lutter avec certaines équipes de Ligue 2… mais ça reste assez compliqué de jauger le niveau

 « Entraîner en Algérie… j’ai hâte, je n’attends que ça ! »

De votre côté pendant votre carrière, vous avez toujours eu cette envie de devenir entraineur ?

Le coaching, c’est une affaire de famille ! via mon Papa qui a été coach à l’AS Nancy Lorraine et mon grand frère Farès qui entraîne depuis 20 ans. Il dirige depuis 5 – 6 ans le centre de formation de l’ESTAC et il pilote le projet City Game. Donc même pendant ma carrière de joueur, entrainer c’était une suite claire et nette. En arrivant au Luxembourg, dès ma première saison à Niederkorn, j’entrainais les juniors et directement après j’allais m’entrainer avec l’équipe première. Je voulais devenir entraîneur le plus rapidement possible d’ailleurs et dès l’an prochain je vais candidater à la licence pro en Belgique. En fait, le projet de vie à moyen terme c’est d’aller coacher en Algérie, je n’attends que ça ! Dans ma tête tout est déjà tracé. Mais avant tout, finir mon cursus pour partir dans des championnats professionnels.

bouzid ismael bougherra mbolhi

Il y a un facteur commun aux internationaux que vous avez fréquenté en sélection c’est l’engagement dans l’encadrement. On le voit avec Majid Bougherra, Karim Ziani ou en encore Anthar Yahia. Est-ce quelque chose dont vous parliez en sélection ?

Non pas du tout, je pense que c’est lié aux personnes et à leurs caractères. Je vais vous donner un exemple : quand je suis rentré en formation on était 20 « ex pro », la moitié a fini la formation et 2 seulement ont fini le cursus UEFA. Là j’ai compris que la fibre d’entraineur n’est pas donnée à tout le monde. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir gérer un groupe de joueurs et de transmettre tes idées.

Le point commun de notre génération est qu’on était un groupe d’hommes à forts caractères avec un vrai amour et une passion du football et sans ça tu ne fais rien. Pour Madjid (Bougherra) ou Djamel (Belmadi), par exemple, c’est inné, c’est en eux, ils ont la personnalité, la passion, et l’envie de transmettre : c’est une suite logique. Moi je fais parti des gens qui sont nés dans le football et on mourra dans le football (rires). Je baigne dans ce sport depuis que je suis petit, et même si à côté j’ai d’autres activités, je pense que tant que Dieu me prêtera vie je serai lié au football.

« Des gens qualifiés il y en a, maintenant il faut savoir aller les chercher… mais est-ce qu’on veut de ces gens (en Algérie) ? »

Il y a depuis quelques temps maintenant un débat sur la formation des footballeurs en Algérie, quel votre point de vue ?

Il faut être là-bas pour mener et juger ce débat. La seule chose que je peux vous dire c’est qu’il y a des gens compétents ici ou là-bas pour mener cette mission. Personnellement, il me tient à cœur, tout d’abord, de passer ma licence pro et d’aller sur le terrain en Algérie. L’Algérie c’est mon pays d’origine, mon pays de cœur et j’ai envie de transmettre que ça soit dans les centres de formations ou dans les équipes premières. Avec mon grand frère Farès, qui fait un travail de qualité dans la formation en France, parfois on en parle et lui aussi il serait ravi d’y aller. Donc des gens qualifiés il y en a, maintenant il faut savoir aller les chercher… mais est-ce qu’on veut de ces gens, ça c’est une autre question…

La FAF a-t-elle déjà établis des contacts avec vous ?

Non jamais, mais de toutes manières ce n’est pas encore le moment. J’ai passé mes diplômes, où j’ai fini major de mes promotions, j’ai même reçu des offres de clubs belges pour prendre la direction de centre de formation (notamment de Charleroi) mais j’ai refusé, ce n’est pas mon plan de route. J’ai une ligne directrice : Faire du très bon boulot ici à Luxembourg, qui commence à être connu et reconnu, passer ma licence pro pour enfin partir… et si ce n’est pas en Algérie, j’irai dans d’autres championnats comme j’ai toujours fait dans ma carrière de footballeur (Ndlr : il a connu 10 championnats différents).

« On sera une grande puissance mondiale du football à deux conditions… »

On doit comprendre que vous avez toujours un regard sur le football algérien et son évolution…

Oui je regarde toujours le championnat algérien, j’ai joué là-bas (il a joué deux saisons au MC Alger) et j’ai encore des amis avec qui je suis en contact. J’ai joué à une époque où il n’y avait pas vraiment de stades et quand je vois aujourd’hui le développement des infrastructures ça me rend vraiment heureux. Le pays mérite d’avoir ces terrains mais il faut continuer, le vivier de joueurs algériens est incroyable. Il faut mettre en place des structures et des infrastructures dirigées par des gens compétents pour les aider à atteindre le plus haut niveau en Afrique. Notre peuple et toute sa jeunesse mérite cette évolution.

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On voit aujourd’hui beaucoup de binationaux qui intègrent l’EN très jeune. C’est une nouvelle donne puisqu’il tourne rapidement les talons à l’équipe de France, c’est un succès pour l’équipe nationale mais n’est ce pas également un camouflet pour le football local ?

Le fait que le football algérien se développe grâce aux résultats de l’équipe nationale et aux infrastructures créées, tu donnes envie à ces jeunes immigrés de défendre les couleurs de leur pays. Le but du jeu c’est de monter le niveau tellement haut qu’un jour tu puisses prendre des jeunes qui auront le choix entre l’équipe de France et l’équipe Algérie ; Ils choisiront l’Algérie par amour, bien sûr, mais aussi par choix sportif. Mais surtout avec les moyens développés et les bons résultats on pourrait concurrencer le football européen.

Il y a les immigrés, qui sont des algériens bien sûr, mais ne pas oublier les locaux car il y a beaucoup de talents là-bas. Il faut savoir structurer par des moyens concrets pour qu’ils s’épanouissent. Et si on arrive à faire ça, on sera une grande puissance mondiale du football. Vous savez il y a deux choses incontournables : la qualité des infrastructures et la qualité des formateurs, avec ces deux facteurs on a une autoroute pour avancer.

« Si la FAF m’appelle pour prendre des jeunes joueurs… »

On vous as vu dimanche dernier contre Bettembourg beaucoup gesticuler sur le banc, reprendre vos joueurs dans leurs placements… Comment vous situez vous comme entraîneur : manager ou plutôt formateur ?

En fait ce n’est pas ma philosophie de coaching, mais un bon coach doit s’adapter. Avec mon groupe, j’ai essayé de les laisser en autonomie et Sophie Lamorté (Directrice Générale) m’a prévenu que j’allais tous les perdre. Et elle avait raison… ils étaient complètement perdus ! J’ai donc dû m’adapter, c’est aussi ça les différences de niveaux. C’est ma capacité d’adaptation qui me permet de tirer le meilleur rendement de mon groupe. Avec une autre équipe qui aurait une meilleure capacité d’assimilation et de reproduction des tâches, ça ne serait pas pareil.

Concernant la formation, j’ai tous mes diplômes amateur UEFA pour diriger un centre de formation et toutes les équipes amateurs en Europe (ndlr : jusqu’au plus haut amateur). Toutefois si je devais former des footballeurs, à titre personnel, ça ne serait que pour le haut niveau, en dessous c’est compliqué pour moi. Le plaisir pour un entraineur, c’est de voir que ses joueurs reproduisent sur le terrain ce qui a été fait à l’entrainement et avec des U17-U19 ça fonctionne, avec des footballeurs plus jeunes, moins bien. Mais si à l’avenir, la Fédération algérienne m’appelle pour prendre des jeunes joueurs avec un projet pour l’équipe nationale : je serais le premier à y aller !

Propos recueillis par Nourdine Idir pour La Gazette du Fennec

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