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Saint-Étienne : Robert Herbin et le brassard de Rachid Mekhloufi

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Décédé cette semaine à l’âge de 81 ans, la légende de l’AS Saint-Étienne Robert Herbin a fortement marqué le football français de son emprunte en réussissant une très belle carrière de joueur puis d’entraineur. Avant d’être surnommé le Sphynx, le “rouquin” était un coéquipier du stratège algérien Rachid Mekhloufi à qui il vouait une grande admiration. Il a même hérité de son brassard de capitaine durant la saison 1967-1968 dans un contexte très particulier. La Gazette du Fennec vous raconte cet épisode de la carrière du joueur hors norme qu’était Rachid Mekhloufi !

Lorsqu’il arriva à Saint-Étienne, en 1957, Robert Herbin était encore un tout jeune joueur de 18 ans quand Rachid Mekhloufi était, déjà à 21 ans, la star montante qui offre à l’AS Saint-Étienne son premier titre de champion de France en cette saison 1956-57 (où il claque 25 buts) mais aussi le championnat du Monde militaire à la France à Buenos Aires (3-1 face à l’Argentine avec un doublé de Mekhloufi).

L’année suivante, en avril 1958, Rachid Mekhloufi (4 sélections) tourne avec stupéfaction le dos à l’Équipe de France du sélectionneur Albert Batteux et la Coupe du Monde en Suède pour rejoindre la glorieuse Équipe du FLN à Tunis. Il abandonne ainsi ses coéquipiers à Saint-Étienne, qui replongent en D2 le temps d’une saison, et sillonne le monde pour la cause algérienne avec ses frères de la Révolution. Après l’indépendance en 1962, c’est grâce à son entraineur Jean Snella qu’il retrouve le Forez après un crochet de quelques mois au Servette de Genève.

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Mekhloufi renoue ainsi avec le Chaudron stéphanois et son coéquipier Robert Herbin, devenu un cadre des Verts, avec Aimé Jacquet, mais aussi de la sélection tricolore dont il devient le capitaine. Sous les ordres de Jean Snella, Mekhloufi, reconverti meneur de jeu, brille à nouveau dès son retour en décembre 1962 alors que l’ASSE est en D2. Avec 15 buts en 20 matchs, il aide le club à terminer Champion de France de D2 et crée l’exploit la saison suivante d’être à nouveau sacré Champion de France de D1 pour la saison 1963/64. Un promu qui remporte le championnat, c’est une première dans l’histoire du football français. Apôtre du football offensif et collectif, Jean Snella transmit sa foi à son élève surdoué dont il admirait le talent : « Rachid, témoigna-t-il de son vivant, fait partie de la race des savants. Ils n’ont rien à apprendre. Ils inventent le foot. Pour les entraîneurs, ce sont des perles. » Et Robert Herbin, coéquipier de Mekhloufi et son « complice » lors des années glorieuses des Verts, d’ajouter : « Rachid est incomparable par ses coups de patte. Il sait prendre tout son monde en défaut par des attitudes, des amorces, des courses là où “ce n’est pas vrai”. Créer l’inattendu, c’est bien là le secret des grands footballeurs. Rachid est le roi de l’inattendu. »

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Après deux titres de Champion de France glanés en 1964 et 1967, Jean Snella décide de quitter l’ASSE et laisse son poste à Albert Batteux qui a pour mission d’assurer la continuité de son remarquable travail. Mais Rachid Mekhloufi, qui est la star incontesté de l’équipe stéphanoise et l’emblématique capitaine, ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée aux commandes de l’ancien entraineur du Stade de Reims et l’exprime un peu trop ouvertement dans L’Équipe où il regrette le départ de son mentor.

Batteux retire le brassard à Mekhloufi pour le donner à Herbin

Désigné meilleur joueur du championnat de France en 1967, Mekhloufi est humilié par Albert Batteux qui décide de lui retirer le brassard de capitaine pour le confier à Robert Herbin. “Rachid, explique Batteux, nourrissait un peu pour Snella les mêmes sentiments que Raymond Kopa à mon égard. (…) Je le comprenais et n’en avais pas tenu compte. Il était également rentré de vacances avec retard, avait pris du poids et ne jouait que sur son talent, qui était immense, sans apporter à l’entraînement tout le sérieux et toute la rigueur qu’on pouvait attendre du capitaine de l’équipe“. La responsabilité de l’équipe sur le terrain passe alors à Robert Herbin. Car selon Batteux, “le capitaine n’est pas forcément le meilleur joueur. C’est un symbole. C’est celui qui représente le mieux l’équipe, qui l’entraîne et qui doit être exemplaire à tous les égards”.

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L’épisode fait alors un grand bruit dans la presse sportive française de l’époque. Certains estiment que l’ancien sélectionneur des Bleus, Albert Batteux, n’avait pas digéré la défection de Mekhloufi pour la Coupe du Monde 1958. Il se vengea ainsi à sa manière. D’autres allèrent jusqu’à insinuer que Mekhloufi se voyait déchu de son statut de capitaine parce qu’il était algérien et qu’il n’était pas concevable que le capitaine d’une équipe française aussi réputée que l’AS Saint-Étienne puisse être de nationalité algérienne. C’est donc Robert Herbin, capitaine de l’Équipe de France en Coupe du Monde 1966, qui hérite du brassard de capitaine de l’AS Saint-Étienne, Champion de France en titre.

Mekhloufi claque la porte après un doublé en finale de Coupe de France (2-1) !

Cette épisode vexe profondément Rachid Mekhloufi qui vivra sa dernière saison avec l’ASSE qu’il décide de quitter – en apothéose – en offrant à son club le premier doublé Coupe-Championnat de son histoire. Son dernier match sous les couleurs de l’AS Saint-Étienne, le 12 mai 1968 à Colombes, est tout simplement somptueux. En finale de la Coupe de France face à Bordeaux, l’Algérien claque un doublé (2-1) et puis s’en va. “Regardez le destin de quelqu’€™un qui est droit et honnête. Non seulement je marque une reprise de volée sur un ballon en or donné par le rouquin, mais en plus je tire deux fois le penalty : je marque une première fois mais l’€™arbitre me fait retirer car il n’€™avait pas sifflé. Ce jour-là, le destin m’€™a dit « merci Rachid pour ta carrière !». Ce jour là, j’€™ai eu la preuve que Dieu existe. Mais je n’ai pas voulu assister à la fête. Je me suis sauvé après le match, je n’ai pas assisté à l€™’émission de télé et je ne suis pas aller voir le Crazy Horse. Je n’€™ai pas non plus assisté au défilé à Saint-Étienne. Ils m’ont cherché. Mais à partir du moment où le plat s’est cassé, c’est terminé. C’€™est pour ça que je suis parti la saison d’après. Je n’€™en voulais pas aux supporters stéphanois. Rocher (le président) n’a pas su me défendre, Batteux n’a pas su être au-dessus de tout ça. J’aurais aimé terminé ma carrière à Saint-Étienne et me reconvertir comme formateur ou entraineur là-bas. Peut-être que maintenant je serais entraineur des Verts (rires)” a expliqué, bien plus tard, le stratège Rachid Mekhloufi qui a ainsi ouvert la voie à son ami Robert Herbin. En 1972, ce dernier devint entraîneur, succédant à Albert Batteux. En réussissant le parfait amalgame entre jeunesse et expérience, il bâtit l’une des meilleures équipes européennes en amenant l’ASSE jusqu’en finale de la coupe d’Europe 1976. Le “Sphinx” participa à quinze des dix-sept titres nationaux remportés par l’ASSE, entre 1957 et 1983. Disparu en ce mois d’avril 2020, il a laissé un palmarès inégalé à l’ASSE. Quant à Rachid Mekhloufi, qui a bâtit sa légende en tant que joueur (4 titres de Champion de France et 1 Coupe de France), il a écrit sa propre histoire d’entraineur avec l’Algérie et vit aujourd’hui paisiblement sa retraite en Tunisie.

Mekhloufi brille en finale et brille ensuite par son absence à la TV !

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