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Entretien Exclusif

Courbis : « Bensebaïni peut devenir un joueur très intéressant pour les grosses écuries »

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Courbis Bensebaïni Belmadi joueurs algériens

Dans le cadre de la saga consacrée aux footballeurs d’Algérie qui ont joué au plus haut niveau en France, La Gazette du Fennec s’est rapprochée de Rolland Courbis, alias « Coach Courbis ». Ce dernier est à l’origine de l’arrivée de Ramy Bensebaïni à Montpellier puis à Rennes. Le natif de Marseille a également des liens très étroits avec l’Algérie.

Lire le portrait :

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>> Le témoignage de Rolland Courbis :

Courbis Bensebaïni Belmadi joueurs algeriens

LGDF : Bonjour Rolland Courbis, merci d’avoir répondu à notre sollicitation, comment allez-vous?

Rolland Courbis : Je vous en prie. Ça va très bien merci. Je fais très attention surtout en cette période d’épidémie.

Dans le cadre d’une saga consacrée aux joueurs locaux algériens ayant évolué en D1/Ligue 1 française, nous venons vous solliciter car vous avez eu Ramy Bensebaïni sous vos ordres à Montpellier. Êtiez-vous à l’origine de son arrivée en France?

Oui, à 100%. Des relations à moi l’avaient repéré en Belgique. Moi, j’avais déjà entendu parler de lui lorsque j’étais coach en Algérie. Il faisait partie des bons joueurs du Paradou AC. Mais il était encore trop jeune pour que je puisse voir quelque chose. Je l’ai fait superviser et on a réussi à trouver un accord avec Monsieur Zetchi sur la base d’un prêt avec option d’achat. Ça m’a permis de re-discuter avec Kheireddine Zetchi qui fait partie, selon moi, des gens très compétents dans le football algérien.

Courbis Bensebaïni Belmadi joueurs algeriens

Comment ce sont passés ses premiers mois à Montpellier ? Pourquoi le club n’a pas levé l’option d’achat?

C’était un jeune avec du talent mais pas encore au top pour être titulaire à tous les matchs. Ensuite, le soucis est que je me suis brouillé avec les dirigeants de Montpellier, je suis parti durant l’hiver 2015, quelques mois seulement après l’arrivée de Bensebaïni. Et du coup, tout ce qui était en rapport avec moi a été effacé. C’est plus pour cela que Ramy n’a pas été conservé que pour des raisons sportives.

Vous allez ensuite au Stade Rennais (il y restera une moitié de saison en tant que coach) et vous êtes également à l’origine de l’arrivée de Ramy en Bretagne. C’est bien ça?

Oui exactement. Lorsque j’ai appris que Montpellier ne souhaitait pas lever l’option d’achat, j’en ai fait profiter Rennes.

« Ramy a progressé en travaillant, mais il y a encore des progrès à faire dans la régularité » 

Comment jugez-vous son évolution ?

Déjà sur l’évolution de son poste j’étais un peu réticent au début en le voyant s’installer à gauche de la défense avec Julien Stéphan mais je pense finalement que  c’était une bonne formule. Cela nous donnait une organisation à quatre avec trois arrières centraux un peu comme en 98 avec l’équipe de France et Lilian Thuram. Il y avait une organisation à quatre avec trois arrières centraux (Blanc, Desailly, Thuram). Cela a permis à Rennes d’être mieux équilibré. À Montpellier, je l’ai fait évoluer aux deux postes, certaines fois dans l’axe et à d’autres moments sur le côté gauche de la défense. Comme je disais, il n’est pas arrivé en France comme il est maintenant, c’est en travaillant qu’il a progressé.

Et puis il a manifestement trouvé sa place en Équipe nationale également..

Tout à fait et j’allais y venir. Djamel (Belmadi, Ndlr), qui ne dort pas du tout, a pesé le pour et le contre, et a trouvé la meilleure formule. Je le préfère à gauche surtout que dans l’axe il y a Mandi et Benlamri. Djamel Benlamri que j’ai d’ailleurs trouvé très fort durant la dernière Coupe d’Afrique.

Djamel Benlamri (joueur de la JS Kabylie à l’époque) que vous avez croisé lors de votre passage à l’USM Alger…

Je n’ai pas eu l’occasion de voir ce qu’il valait réellement lorsque j’étais en poste en Algérie mais à chaque fois qu’on me pose la question sur ce joueur, je n’en dit que du bien. Pas par amitié ou sympathie mais parce que je le trouve vraiment très fort. Une fois de plus, c’est une bonne trouvaille de Djamel (Belmadi, ndlr).

Courbis Bensebaïni Belmadi joueurs algeriens

Revenons sur Ramy Bensebaïni, comment jugez-vous sa première saison en Allemagne? Pensez-vous qu’il peut encore franchir un palier en allant dans un meilleur club? On sent que la Bundesliga est un championnat qui lui va à merveille..

Il a progressé en travaillant. Il est sur une bonne saison là-bas. Il est dans un bon club, le Borussia Mönchengladbach. Après, de pouvoir évoluer plus haut au Bayern Munich ou au Borussia Dortmund, je dirais pourquoi pas. Mais il y a encore des progrès à faire dans la régularité. Il est tellement gagneur qu’il fait encore des fautes inutiles par moment, ce qui lui vaut quelques cartons évitables. Il doit être plus patient. À son âge, de bonnes prestations à Mönchengladbach accompagnées d’une confirmation en Équipe Nationale qu’il est l’un des leaders, c’est sûr que ça fera un joueur très intéressant.

En parlant de l’Équipe nationale, vous avez également eu sous vos ordres l’actuel sélectionneur, Djamel Belmadi, à l’Olympique de Marseille..

Oui tout à fait. Malheureusement il y avait un règlement complètement stupide, on ne pouvait pas avoir plus de 23 joueurs dans l’effectif. Du coup, lui et William Gallas n’ont pas pu joué lors de la saison 1997-1998. Ensuite il a été prêté et je ne me souviens plus si je l’ai eu à son retour de prêt car cela fait maintenant une vingtaine d’années, donc ça remonte. (Djamel Belmadi a bien évolué sous les ordres de Rolland Courbis lors de la saison 1999-2000 avant que le coach marseillais ne démissionne en novembre 1999, NDLR).

 « Djamel Belmadi a eu tout bon lors de la CAN. Il a su instaurer une magnifique atmosphère au sein du groupe »

Quel joueur était Djamel Belmadi ? Avait-il les prédispositions pour devenir l’entraîneur qu’il est aujourd’hui ? 

C’était quelqu’un de très sérieux. Un comportement exemplaire, jamais un problème. Et c’est pas pour autant qu’il se laissait faire, il ne fallait pas l’emmerder. Mais il a toujours été courtois, ponctuel. Lors de mes discussions avec lui, je voyais quelqu’un de passionné, surprenant déjà à l’époque dans ses réflexions. C’est pour cela que je n’ai pas été surpris de le voir en tant qu’entraîneur ou sélectionneur. À l’inverse de Zizou par exemple, je ne le voyais pas du tout devenir entraîneur. Zidane s’est métamorphosé, quand je le regarde aujourd’hui je me dis que c’est une autre personne. Djamel, je ne suis pas étonné, c’est un gars très intelligent, très sérieux et qui a compris que la construction d’un groupe ce n’est pas uniquement un schéma tactique. C’est important mais pas uniquement. La réussite de la CAN c’est aussi l’atmosphère qu’il a réussi à instaurer dans ce groupe. Mettre Slimani ou Brahimi sur le banc et les voir contents lorsque leurs coéquipiers marquent, cette ambiance là n’est pas arrivée toute seule. C’est Djamel et son staff qui l’ont instauré.

Selon vous, l’Algérie était-elle au dessus du lot lors de la dernière Coupe d’Afrique?

Pas au-dessus du Sénégal. Par rapport à l’effectif, le Sénégal a une génération exceptionnelle. Mais sur l’ensemble du tournoi, l’Algérie a mérité sa victoire. En finale, ils ont eu le petit brin de réussite qu’il faut pour remporter un tournoi.

Courbis Bensebaïni Belmadi joueurs algeriens

Ne pensez-vous pas que ce but inscrit très tôt a ensuite conditionné la suite de cette finale?

Quand je vois ce but, j’ai envie de sourire devant ma télé en me disant que cette Coupe d’Afrique ne peut pas échapper à l’Algérie. On peut également ajouter la suspension de Koulibaly à cause de son carton jaune en demi-finale qui change complètement la donne. Ce ballon qui monte dans le ciel et puis qui redescend dans les filets… je me suis dis que personne ne pouvait empêcher l’Algérie de remporter cette CAN 2019. Mais ils sont aussi allés chercher cette réussite, Djamel a eu tout bon. Les compositions d’équipe étaient inspirés, la paire Bounedjah-Belaïli a brillamment fonctionné, le milieu était costaud avec de bons joueurs, la défense pas mal également. Concernant le poste de gardien, lors de mon passage en Algérie j’avais été bluffé par Mohamed Lamine Zemmamouche, je n’ai jamais compris qu’il puisse y avoir un gardien supérieur au Zemmamouche que j’ai connu. Les choses n’ont jamais été vues comme moi je les voyais. Raïs Mbolhi est également un bon gardien mais pour moi c’est 50-50 avec Zemmamouche. Si j’avais été sélectionneur, j’aurais même plus penché vers Mohamed Lamine que Raïs. Je me serais peut-être trompé, on aurait peut-être pas gagné la CAN, mais je l’ai trouvé vraiment très fort.

« J’aurais vraiment aimé entraîner cette belle génération »

En parlant de la sélection nationale, on se souvient encore de l’émission « Le Vestiaire » dans laquelle vous sembliez très touché par le fait qu’il y ait eu beaucoup de rumeurs mais que vous n’ayez finalement  jamais été nommé en tant que sélectionneur. Y’a t-il eu un moment où vous vous êtes senti très proche de rejoindre l’Équipe nationale Algérienne?

Il y a eu plusieurs épisodes. Mais avant la CAN 2017, je me suis vraiment senti très proche de rejoindre l’Algérie. Nous étions presque parvenus à un accord avec Monsieur Raouraoua. Il a eu un délai de réflexion de trois jours. Il est parti au Gabon pour voir le tirage au sort et il devait me donner une réponse à l’issue du tirage. Il a finalement choisi un autre entraîneur, je crois que c’était un retour d’ailleurs, (Georges Leekens, ndlr). Premièrement j’étais déçu, mais également surpris. Déçu car cela fait dix ans que mon nom circule et puis sans être sévère avec qui que ce soit, j’ai trouvé les coachs passés après Vahid, mal inspirés. Quand on parle de contexte et d’atmosphère et qu’on m’explique que pour entrainer l’Algérie on a besoin d’un Belge ou d’un Breton, je ne suis pas d’accord. Mais ça n’empêche pas les compétences de ces gens-là. Après je n’ai pas la prétention et le culot de dire que ça se serait mieux passé avec moi.

Déçu également car vous auriez aimé encadrer cette belle génération après le départ de Vahid ?

Oui exactement. Après la Coupe du monde 2014, il y avait une génération capable de faire de belles choses. J’aurais vraiment aimé entraîner des joueurs de cette qualité. Lorsque j’ai vu la nomination de Djamel Belmadi en tant que sélectionneur et comme je le connais très bien, je connais sa vision du football, son sérieux, j’étais très heureux pour lui et j’avais l’impression d’être un peu sélectionneur moi aussi (Rires). Je dis ça car mes visions du football et du management d’un groupe sont à 90% les mêmes que celles de Djamel. Et là, c’est vraiment un compliment que je me fais! (Rires). Ce qu’il a fait avec cette équipe, je l’attendais déjà depuis cinq, six ans. Je ne dis pas que ce qui s’est passé avec Djamel se serait passé avec moi, mais je m’imaginais que ça puisse se passer. J’étais vraiment content de le voir triompher.

Par la suite, avez-vous eu des contacts avec le nouveau président Kheireddine Zetchi, notamment après la Coupe du Monde 2018 ?

Certaines personnes m’avaient dit qu’il allait me contacter mais je n’ai jamais reçu d’appel. Mon nom a une fois de plus circulé et je me souviens que deux ou trois journalistes m’avaient contacté pour en savoir plus. J’avais un certain ras-le-bol, je leur ai demandé de ne plus me poser de questions sur le poste de sélectionneur car tout cela m’avait fatigué. Déjà en 2011, certains responsables de presse en Algérie m’avaient dit que cela s’était joué entre moi et Vahid. Je le répète, mon nom circule depuis dix ans mais au bout d’un moment c’est gonflant.

Ce n’était tout simplement pas votre destin..

Totalement. Et puis cela ne m’a pas empêché de suivre avec attention les matchs de cette équipe d’Algérie. Lorsque les résultats étaient moyens je me disais souvent qu’il y avait quand même de quoi faire mieux avec ces joueurs là. Et puis en voyant arriver Djamel Belmadi et en suivant les résultats avant la Coupe d’Afrique, je me suis frotté les mains.

Revenons désormais sur votre passage à l’USM Alger. Que retenez-vous de cette aventure?

La passion des Algériens pour le football. Et pourtant, beaucoup m’avaient dit de ne pas aller là-bas par rapport à la pression, que j’allais me prendre des pierres etc.. Je savais que ça allait être un challenge compliqué mais cela ne me dérangeait pas de le relever malgré toutes les choses négatives que j’avais entendu.

Vous n’avez pas reçu de pierres mais un robinet !

(Il rigole) Oui un robinet avec le petit bout du mur encore accroché dessus. Je le reçois sur le poignet, fort heureusement. Je pense que si je l’avais reçu sur la tête, je n’aurais même pas eu le temps de souffrir!

 « Très difficile d’accepter le challenge du Mouloudia lorsque l’on est passé à l’USMA »

Avec l’USMA vous remportez deux titres, la Coupe d’Algérie et la Coupe Arabe. Vous terminez également quatrième du championnat. Est-ce encore plus compliqué d’être performant dans toutes les compétitions en Afrique, au vu des déplacements, des infrastructures?

Oui totalement. Le problème c’est qu’il n’y avait pas la place dans le calendrier. Nous étions engagés dans quatre compétitions, la Coupe Arabe, la Coupe de la Confédération CAF, le Championnat et la Coupe d’Algérie. C’était impossible d’être performant dans toutes les compétitions et j’avais d’ailleurs fait l’impasse sur la CAF. Nous remportons la Coupe d’Algérie et la Coupe Arabe avec des parcours pas si faciles que ça. En Coupe Arabe nous avons rencontré l’Ismaily qui était une très belle équipe, sans oublier la finale face à au club koweïtien (Al Arabi ; ndlr) qui avait dans ses rangs huit ou neuf joueurs internationaux koweïtiens. Pour ce qui est de la Coupe d’Algérie, je pense que nous avions été bien inspirés avec mon staff. Il y avait une excellente ambiance au sein du groupe et on s’était mis en tête d’aller l’a chercher. Le parcours n’était également pas simple, on élimine une bonne équipe de l’USM El Harrach, ensuite le NAHD en étant à dix contre onze pendant toute une mi-temps mais aussi cette victoire dans la douleur à Oran lors de la demi-finale. Juste avant la finale, on m’avait raconté l’historique entre l’USM Alger et le Mouloudia d’Alger, notamment  sur le fait que l’USMA avait perdu toutes ses finales face à son grand rival, ça a beaucoup joué dans mon approche du match. Je pense que l’on gagne cette finale dans la semaine, les membres du Mouloudia ont fait beaucoup de déclarations et je les avait senti très nerveux durant la rencontre. Cela a fait pencher la balance de notre côté.

Courbis Bensebaïni Belmadi joueurs algeriens

Lors de votre passage à l’USMA vous avez également eu sous vos ordres l’actuel joueur du Nîmes Olympique, Zinedine Ferhat. Comment jugez-vous son parcours jusqu’à présent?

Je pense qu’il a encore une marge de progression importante. C’est juste dommage qu’il n’ait pas connu la Ligue 1 une ou deux saisons plus tôt. Mais ce n’est pas grave, il a encore la possibilité de faire une belle deuxième partie de carrière.

Dernière question, vous avez été très proche du Mouloudia d’Alger en 2018, pourquoi ça ne s’est finalement pas fait?

C’était difficile d’accepter ce challenge quand on a été à l’USMA même si pour moi le Mouloudia n’a jamais été un ennemi mais un adversaire, un rival. Mais accepter en sachant que j’allais affronter l’USMA en aller-retour, je ne le sentais pas trop.

Surtout lorsque l’on a remporté deux derbys sur trois avec l’USMA..

C’est vrai, on m’a appelé le « bourreau du Mouloudia » (Rires). Non mais plus sérieusement, j’ai toujours apprécié les derbys, on a l’occasion de faire plaisir à beaucoup de supporters. Un derby, c’est toujours mieux de le gagner!

La Gazette du Fennec vous remercie, Rolland Courbis.

Je vous en prie, avec plaisir!

Entretien réalisé par Abdelkader Zinou, pour La Gazette du Fennec

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